RD Congo: le gendarme des finances voit des "résultats" dans la lutte anticorruption

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Jules Alingete/Inspecteur général des Finances-Chef des services

Nommé en juillet 2020 chef de l'Inspection générale des finances (IGF) de République démocratique du Congo (RDC), Jules Alingete Key, économiste de 58 ans, vêtu de son uniforme d'"officier supérieur des finances", assure enregistrer des "résultats palpables" dans la lutte contre la corruption et les détournements.

 

QUESTION: Quelle est votre mission?

REPONSE: Le chef de l’Etat (Félix Tshisekedi, ndlr) m'a confié la mission de mener la lutte contre les malversations financières, les détournements et la corruption dans les finances publiques.

Nous avions à faire à des gens qui sont nés dans la corruption, qui ont grandi dans la corruption et qui considèrent que la corruption et les malversations étaient devenues des faits normaux. Nous avons opté pour la fermeté pour que nous puissions avancer.

Nos méthodes ont conduit à des résultats palpables: (...) avant l'arrivée de l'actuel pouvoir, l'IGF effectuait des missions limitées au menu fretin. Actuellement, notre mission consiste à utiliser pleinement ses prérogatives.

Ce qui nous a poussés à étendre notre champ d'action, allant des simples comptables aux gestionnaires des entreprises publiques, à toute personne qui touche aux deniers publics, y compris les membres du gouvernement. C'est là que nous nous sommes rendu compte que le mal était très profond et très haut.

Pour plus d'efficacité (...) nous avons décidé de communiquer sur les résultats des grands contrôles de l'IGF. Ça dérange les prédateurs. On n'a pas le droit d'empêcher la population de connaître la manière dont les personnes qu'elle a mandatées ont géré les fonds publics.

 

Q: Est-ce que vos méthodes ont eu un effet positif sur le tenue des finances publiques?

R: En 2020, les finances publiques n'ont pu atteindre 400 millions de dollars de recettes mensuelles. C'était 300, 350, 320, 380 millions de dollars. Nous avons commencé en août 2020 avec la lutte contre des fausses exonérations (fiscales, ndlr). Ce combat a été mené contre l'avis de beaucoup d'experts, voire de certains membres du gouvernement. Au mois de mars 2021, les choses ont commencé à bouger. Aujourd'hui, je peux vous garantir qu'il n'y a aucun mois où le Trésor public a réalisé moins de 500 millions de dollars (de recettes). 

 

Q: Comment fonctionne la chaîne de corruption et de prédation des finances publiques en RDC ?

R: Les formes de vols que nous avons identifiées sont: des surfacturations, des rétrocommissions, des sorties de fonds non justifiées, la présentation de faux documents ou de pièces ayant des libellés qui ne tiennent pas la route ou encore l'utilisation de fonds à des fins autres que celles pour lesquelles on les avait sortis.

Il ne faut pas oublier le volet des recettes. Nous avons déniché des cas de minoration des recettes de l’Etat qui sont des actes réalisés en complicité entre les assujettis et les agents publics.

Les vols les plus spectaculaires que nous avons enregistrés sont l’œuvre de gens qui sont haut placés dans les entreprises de l’Etat, au sein du gouvernement. Vers les fonctionnaires en bas (de l'échelle), c'est 100.000 ou 200.000 dollars, mais plus vous montez, (plus) ce sont des millions de dollars qui sont détournés.

 

Q: Vos méthodes de contrôle ont-elles évolué?

R: Le contrôle a posteriori est un vrai problème, parce que quand vous venez contrôler des faits commis il y a deux ou trois ans, soit les gens qui ont détourné sont partis, soit certains sont morts, parfois ils ont déjà dilapidé l'argent de la prédation.

Tous les contrôles a posteriori se sont soldés par le constat amer de détournements graves.

Le chef de l’Etat a demandé de trouver un moyen de stopper les détournements au lieu de constater les dégâts. C'est ce qui a permis à l'Inspection de passer à un deuxième niveau de contrôle, c'est-à-dire que le contrôle se fait au moment où des actes de gestion sont posés. Là, il y a moyen de rectifier et de récupérer les fonds en voie d'être détournés.

 

Q: Quels sont vos rapports avec la justice?

R: Au début c'était difficile. Mais la justice est en train de nous accompagner dans le travail (...) Lorsque les faits sont avérés, la justice s'active. Il y a eu beaucoup de procès et des condamnations de hauts fonctionnaires.

AFP avec ACTUALITE.CD