RDC : « l'état de siège est une argutie juridique et rhétorique creuse », les 9 propositions de sortie de crise du professeur Chober Agenonga, expert en sociologie militaire

Monument Historique au coeur de Butembo/Ph ACTUALITE.CD

L'état de siège en attente d'être décrété par le chef de l'État Félix Tshisekedi dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri est « une argutie juridique et une rhétorique creuse ». C'est la réaction du professeur Chober Agenonga, expert en sociologie militaire et enseignant à l'Université de Kisangani, dans le Nord-est de la RDC. Dans une déclaration à ACTUALITE.CD, il déplore cette approche du chef de l'État qui n'est pas adaptée à la crise sécuritaire de l'est.

« L'état de siège est une argutie juridique et une rhétorique creuse en ce sens qu'il contraste étrangement avec les enjeux sécuritaires dans les provinces concernées. L'état de siège qui consiste au transfert de pouvoir des autorités civiles aux militaires, ne constitue qu'une approche minimaliste qui voit les menaces sous le seul angle militaire, alors qu'il y a d'autres implications qui requièrent d'autres approches, notamment des approches sociales, communautaires, politiques, etc. Voilà pourquoi je dis que l'état de siège ne constitue pas une riposte adaptée à la situation sécuritaire actuelle de l'est », fait-il remarquer.

Le professeur Chober appelle les autorités à faire au préalable un diagnostic sans complaisance sur les causes de violences au Nord-Kivu et en Ituri avant d'envisager toute solution.

« Au sein même de l'armée il y a un dysfonctionnement qui constitue une entrave au professionnalisme, à l'efficacité de cette armée, notamment le sous-équipement des militaires, le problème de la motivation des militaires, la rupture de confiance dans certains milieux, comme dans le territoire de Djugu en Ituri, où vous allez constater que les miliciens bénéficient de la complicité de certains membres de leurs communautés, il y a aussi la question liée au faible encadrement de jeunes qui les prédisposent à s'enrôler au sein des groupes armés, autant de questions qui expliquent de manière tout à fait claire, le fait que l'état de siège qui sera décrété ne va pas apporter des solutions durables au problème sécuritaire de l'est. Par conséquent, il serait de notoriété publique que le chef de l'État revienne sur ses mesures, qu'il pose d'abord un diagnostic sans complaisance, un diagnostic exact des racines, des causes profondes de cette insécurité, avant de prendre un train de mesures adaptées aux agrégats du dedans et du dehors, c'est-à-dire aux dynamiques sécuritaires du terrain », conseille-t-il.

Ce spécialiste en politologie des groupes armés propose entre-temps un plan de sortie de crise articulé autour de 9 propositions qu'il estime « pragmatiques et adaptées aux enjeux sécuritaires actuels en vue de planter durablement le havre de paix en RDC ».

Ce plan que vous présente ACTUALITE.CD se décline en 9 axes ci-après :

1. La restructuration de l'armée autour d'une chaîne de commandement des professionnels et des patriotes ;

2. L'allocation des moyens logistiques et financiers conséquents aux militaires, tout en instaurant la transparence dans la gestion de ces moyens et les contrôles efficaces en vue d'éviter le détournement par les officiers et le transfert des armes et munitions vers les groupes armés ;

3. Le renforcement de la collaboration et de la confiance entre civils et militaires car aucune guerre ne peut se gagner sans confiance de la population ;

4. L'accélération du DDR volontaire et forcé pour contraindre les groupes armés à la reddition ;

5. La reconstruction des zones affectées par les violences et la mise en place des projets durables susceptibles de procurer de l'emploi aux jeunes qui, faute d'encadrement, sont devenus une main-d'oeuvre aux mouvements subversifs ;

6. La restauration et le renforcement de l'autorité de l'Etat pour éviter que de nouveaux groupes armés se forment du fait de la vacuité et de la déshérence du pouvoir ;

7. Le rétablissement de la cohésion intercommunautaire rompue à cause de l'instrumentalisation des milices à des connotations tribales responsables des massacres des membres membres d'autres communautés, le cas de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ;

8. La mise en place d'une justice transitionnelle chargée de réprimer tous les responsables des crimes durant ces conflits ;

9. Une diplomatie à la fois agissante et proactive pour contrôler et dissuader les réseaux extérieurs qui soutiennent les groupes armés en RDC.

Claude Sengenya