Directeur général de l’entreprise PPC Barnet en RDC, Iqbal Omar s’est livré sans ambages à la rédaction Femme de ACTUALITE.CD. Protocole d’accord signé récemment avec Denise Nyakeru, place des femmes au sein de sa société, mécanismes pour des bâtiments plus solides et durables … Interview.
Bonjour Monsieur Iqbal Omar et merci d'avoir accepté de nous accorder de votre temps. Vous êtes à la tête de l'entreprise PPC Barnet en RDC, pouvez nous parler de votre champ d'actions ?
Iqbal Omar : PPC est un acronyme de Pretoria Portland Ciment, une société sud-africaine créée au début du XIX siècle et leader dans le marché de la construction et de la production du ciment en Afrique dont le siège est à Johannesburg. PPC Barnet est aussi installée dans 6 pays africains, notamment l’Ethiopie, le Rwanda, Botswana, Zimbabwe, Mozambique et la République Démocratique du Congo qui est la toute dernière-née. Société de droit congolais, PPC est partenaire, acteur économique et industriel de la construction des infrastructures et des logements en RDC.
Depuis combien de temps PPC Barnet est-elle installée en RDC et quelle quantité de ciment avez-vous déjà produit ?
Iqbal Omar : PPC Barnet est en République Démocratique du Congo depuis 2014. La production a démarré en 2017 avec 151 employés dont la plupart sont basés à l’Usine située à Zamba à 15 Km de Kimpese (sur le grand axe de Kinshasa-Matadi). Cette année, on aura mis sur le marché, entre 345.000 et 350.000 tonnes de ciment à travers le territoire national. L’usine ne tourne actuellement que sur 35% de sa capacité (1,2 millions de tonnes/ par an), notamment parce qu’il y a plusieurs producteurs qui opèrent sur le marché. La demande sur l’ensemble du territoire national est estimée à 3 millions de tonnes.
Pourquoi cette différence ?
Iqbal Omar : acheminer le ciment dans les régions éloignées du Kongo Central relève du défi dans notre pays. Cependant, notre ambition est d’être au plus près de la demande. Nous avons recours au transport multimodal pour distribuer le ciment dans les provinces qui restent accessibles comme la Tshopo en passant par l’Equateur ou dans le Grand Kasaï. Une plus grande couverture du pays par des infrastructures de transports (routes, rails, voie maritime) nous permettrait de répondre valablement aux besoins de ciment et donc d’augmenter notre production.
L’épreuve de la Covid-19, comment l’avez-vous vécue ?
Iqbal Omar : Covid-19 a impacté l’économie mondiale mais je pense que nous avons été assez réactif. Sur nos sites, nous avons des règles drastiques de santé et de sécurité, toutes nos équipes sont alertées. Nous portons régulièrement le masque et tout l’équipement nécessaire, notamment les casques, vêtements, lunettes. Nous avons facilement intégré cela dans notre culture santé et sécurité.
Alors récemment, vous avez signé un protocole d'accord avec la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi. En quoi consiste cet accord concrètement ?
Iqbal Omar : ce protocole fait suite à la visite de la première dame dans nos installations au Kongo Central. Elle était très intéressée de voir cet outil industriel, opéré par les congolais dont l’âge moyen est de 40 ans. Ce protocole consiste en la fourniture de ciment qui va permettre à la fondation de rénover, construire ou terminer certaines infrastructures de base tels que les écoles, les hôpitaux, centres d’accueils notamment pour les jeunes femmes.
En termes de chiffres, combien de bâtiments vous proposez-vous de construire ou de réhabiliter ? Sur quelle période ?
Iqbal Omar : nous n’allons pas construire des écoles ou des hôpitaux. Nous allons essentiellement fournir du ciment et tout l’aspect technique et conseil. Si la Fondation souhaite accéder à des experts, nous allons également fournir nos experts en construction, rénovation et technicité de bâtiment. C’est un comité inter PPC-FDNT qui va décider de quelle quantité de ciment il faut, et sur quelle fréquence.
Qui en seront les bénéficiaires directs ?
Iqbal Omar : cela dépend entièrement de la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi. Il est vrai que nos champs d’actions se rapprochent, la santé, l’éducation, l’autonomisation des femmes mais, il y a déjà des projets bien ciblés par la Fondation.
A ce jour, combien de femmes sont engagées dans votre entreprise ?
Iqbal Omar : sur un total de 151 employés, nous avons actuellement 27 femmes reparties entre l’usine à Zamba et sur les différents sites.
Quelles places occupent-elles ?
Iqbal Omar : elles occupent des postes d’opération, d’ingénierie mécanique, elles travaillent dans la qualité du ciment. Nous avons des accompagnateurs sud africains qui les développent. Certaines ont été envoyées dans d’autres usines du groupe à l’étranger pour être coachées à l’industrie cimentière avant de revenir en RDC.
Comment voyez-vous l’évolution des femmes dans ce métier ?
Iqbal Omar : j'ai eu la chance de parcourir quelques pays en Afrique et je suis impressionné par la qualité de la main d’œuvre féminine, dans tous les secteurs de la société. Les femmes acceptent les challenges dans ce secteur industriel. Il faut promouvoir davantage (au niveau des industriels), les talents des femmes et des jeunes femmes. Leur accorder des taches dans la mécanique, la chaudronnerie, la soudure, la gestion des équipes masculines, c’est avant tout un changement de culture et d’état d’esprit, c’est un défi collectif de la société et des dirigeants des entreprises.
En dehors du partenariat avec la première dame, quel autre projet soutenez-vous en RDC ?
Iqbal Omar : c’est le premier protocole de ce type signé. Nous avons des sollicitations mais il faut aussi que nos actions et nos projets aient un but commun et que nous ayons un partenariat gagnant-gagnant.
En quelques mots, quelles sont les bases pour élever des bâtiments qui résistent aux temps et saisons ?
Iqbal Omar : d’un point de vue technique, la construction d’un bâtiment passe notamment par la qualité du ciment et des matériaux qui les accompagnent. Il faut une bonne fondation et une bonne qualité de béton. Un mélange de ciment, des graviers et de sable, quelques adjuvants qui permettent de lier les trois composants et de les solidifier. Il faut des connaissances en rhéologie, résistance mécanique, thermique, pour adapter la construction à la lutte contre le réchauffement climatique et répondre aux enjeux de notre siècle. En bref, c’est l’urbanisation, la planification, utiliser les bonnes technologies et la bonne technicité qui rendront nos maisons et nos infrastructures plus durables.
Quels risques éventuels lorsque toutes ces normes ne sont pas prises en compte ?
Iqbal Omar : on a comme conséquences, la vétusté, les fissures, la pénétration d’humidité. Mais tous ces défauts structurels peuvent se réparer. Il existe actuellement des produits au niveau national et international. Un bâtiment bien construit peut tenir 30 ou 50 ans de vie mais, il faut l’entretenir, développer un mécanisme de suivi et vie du bâtiment (ravalement, rénovation de l’ossature etc..)
La ville de Kinshasa fait face actuellement à des sérieux problèmes d’urbanisation, des bâtiments qui s’écroulent, des érosions. Qu’est-ce qui occasionne tout cela selon vous ?
Iqbal Omar : de nombreux éléments entrent en ligne de compte. Il y a notamment la vétusté des bâtiments, la façon dont ils ont été construits. Je pense que tout part de la planification de l’urbanisation de la ville, la technicité autour de la construction, les matériaux, les machines de construction qui ont beaucoup évolué avec le temps. On a simplifié, accéléré le temps d’élévation des bâtiments et gagné en qualité et efficacité (norme, poussière, bruit, recyclage des déchets etc..) tout cela doit rentrer en ligne mire dans le projet.
Jusque-là, quelles difficultés avez-vous rencontré entant que PPC-Barnet RDC ?
Iqbal Omar : la RDC a un potentiel de développement qui reste des plus prometteur en Afrique. Mais l’écosystème des taxes est complexe. En tant que société citoyenne, industrielle et privée, je pense qu’il sera important de simplifier la fiscalité des entreprises pour favoriser le climat des affaires dans notre pays. Nous attendons impatiemment les orientations qui émaneront du nouveau gouvernement et nous avons totalement confiance dans l’évolution future de la RDC.
Un mot pour terminer ?
Iqbal Omar : je suis très fier de la signature de ce protocole avec la FDNT, c’est une première étape qui a été longuement préparée et qui vient d’être franchie. Nous avons des beaux jours devant nous.
Iqbal Omar a travaillé durant 20 ans dans le ciment et le béton. Sa carrière a commencé au sein du groupe Lafarge Holcim. Il a rejoint la zone Afrique et Moyen-Orient en 2010 ou il a occupé des postes fonctionnels et de management notamment en charge dans la région du Kenya, Nigeria, Algérie , Cote d’Ivoire etc.. avant de quitter le groupe en 2019 et intégrer PPC Barnet en mars 2020.
Propos recueillis par Prisca Lokale