Une année après l’élection de son fils, Felix Tshisekedi à la tête de la République Démocratique du Congo (RDC), le Kasaï Oriental est dans l’impatience et le désespoir. Car aucune des promesses du président n’est jusque-là tenue : la MIBA n’est toujours pas débout, la province n’a rien bénéficié des travaux dans le cadre du programme des 100 jours d’urgence, alors qu’elle manque des infrastructures sociales de base. Voyage dans un Kasaï Oriental qui peine à se tirer du paradoxe d’une province diamantifère pauvre.
Mbuji Mayi. A une cinquantaine de mètres de la cathédrale Bonzola, l'Abbé Pierre Kabamba campe dans un bâtiment modeste de l’Eglise catholique. Nous recevant tout souriant, le prêtre catholique au teint chocolat côtoie le paradoxe d’une pauvre province, pourtant diamantifère.
Depuis 2012, ce président de la commission diocésaine Justice et Paix est au cœur de toutes les manœuvres : il monte des plaidoyers et ne se lasse point d’une région "pauvre et oubliée par les pouvoirs publics" depuis des décennies.
« Notre province a été absente dans tous les plans de développement depuis le temps colonial jusqu'aujourd'hui», affirme le prêtre catholique qui dirige également la société civile depuis environ une année.
Kasaï, l’oubliée!
Au soir de ce lundi de janvier, sur les ondes de la radio catholique Fraternité, il vient d’invectiver contre les députés nationaux et sénateurs élus de sa province.
« Ils doivent faire entendre la voix du Kasaï Oriental » une province «en voie de disparition», dit-il.
L’élection de Felix Tshisekedi, bien que contestée par la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a été providentielle pour cette province d’origine du président. Mais «rien n'a été pratiquement fait dans la province du Kasaï Oriental dans le programme de 100 jours du chef de l'État. Nous nous demandons à quand notre relance ! Nous n'allons pas nous nourrir des promesses … Bientôt une année » s’emporte l’Abbé Kabamba.
Non loin de son bureau qui jouxte avec la radio catholique Fraternité, des têtes d’érosions menacent.
«Nous sommes totalement absents, et en attendant, ce sont les pluies qui s'abattent et les ravins nous menaces. Nous sommes menacés de disparition de la carte de notre pays», s’inquiète M. Kabamba.
«Nous en avons marre, nous voulons que des actions soient posées d'une manière régulière et convenable», plaide-t-il.
MIBA, un poumon qui ne transpire plus !
L’Abbé Kabamba parait fortement inquiet quand il aborde l’état de la Minière de Bakwanga (MIBA) dont l’historique site d’exploitation des diamants se trouve dans le faubourg de Mbuji Mayi.
C’est en effet, le « grand poumon économique de la province », se résume –t-il.
Le prêtre reste nostalgique des années de gloire de cette société d’économie mixte détenue à 80 % par l’Etat. Dans les années 1960, cette entreprise fournissait la moitié de la production mondiale du diamant, dont 80 % du diamant industriel.
La société est en quasi-faillite depuis une quinzaine d'années. La mauvaise gestion observée depuis les années 70 a fait croupir l’entreprise sous le poids des dettes.
L’outil de production n’a plus été renouvelé, des mines ont été fermées pendant de nombreuses années et les travailleurs accusent des dizaines d'années d’arriérés de salaire. L’espoir est renait avec l’élection Felix Tshisekedi. Car, dans son discours de campagne, il avait promis que 100 jours après son élection, la MIBA sera « débout ». Cinq millions devaient être alloués à la société minière dans le cadre du programme des 100 jours.
Mais au lieu de la relance, la société s’est plutôt vue empêtrée, par ses dirigeants et les collaborateurs du président, dans des scandales financiers : l’un portant sur le monnayage d’un « faux mandat spécial » par le coordonnateur administratif des services personnels du président à la société canadienne Saint-Louis BGM Sarl, pour des études de réalisation de dix projets dont certains à la MIBA.
Difficile accès, même à l'eau potable
Ville aux deux roues motorisées, Mbuji Mayi, vitrine de la province, affiche ses tristes réalités dès l'aéroport de Bipemba. Seuls des petits avions y atterrissent. L'aviation a fixé à la limite les bagages en soute à 20 kilogrammes par passager ainsi que 7 kilogrammes pour le bagage en main contrairement à d'autres provinces notamment le Katanga (40 kilogrammes). Pour l’abbé Kabamba, il faut « refaire » la piste.
Dans toutes ses entités, la province trône sur de sérieux problèmes d’infrastructures sociales de base.
« Il s'agit de l'accès difficile à l'eau potable tant en milieu urbain que rural, à l'électricité, tant pour les besoins domestiques qu'industriels, l'insécurité alimentaire criante, la quasi inexistence des infrastructures scolaires, aéroportuaires, lacustres et routières », dégraine le prêtre.
Si certaines provinces n’ont pas été prises en compte dans le programme des 100 jours du président, le Kasaï Oriental bondit dans une multitude de promesses, non encore tenues.
Le programme prévoit notamment la réhabilitation de la route Mbujimayi - Muene Ditu pour remettre en état la chaussée asphaltée, construction des canalisations pour lutter contre les érosions qui menacent de scinder la route à divers endroits, les travaux de réhabilitation de la route Mbujimayi-Kabeya Kamuanga sur la (RN1).
L’abbé Kabamba fulmine contre les dirigeants pour l’absence « des investisseurs crédibles, nationaux ou étrangers», le «dysfonctionnement de l'appareil judiciaire ainsi que la non-tenue des élections municipales et locales».
Christine Tshibuyi , à Mbuji Mayi