"Il y a vraisemblablement une stratégie pour affaiblir l'opposition" Raphaël Kibuka

Raphael Kibuka, député national invalidé par la cour constitutionnelle

Alors qu'il a été crédité de 26.802 voix selon les résultats provisoires publiés par la CENI, Raphaël Kibuka, 4ème meilleur élu de Kinshasa et premier élu du Mouvement de Libération du Congo (MLC) sur l'ensemble du pays a été invalidé par la cour constitutionnelle. Il dit être convaincu que son invalidation relève d’un problème politique. Son siège a été récupéré par Sylvie Ingele, fille de l'ex ministre de l'énergie, Ingele Ifoto, qui avait recueilli selon les résultats de la CENI, 649 voix.

Comment considérez-vous l’invalidation de votre élection ?

C'est un scandale ! Il est inconcevable d’invalider un candidat qui a obtenu plus de 26 000 voix, d'après les résultats proclamés par la CENI, pour valider l’élection d’une candidate qui n’a recueilli que 649 voix. C'est un scandale absolu. Et nous ne comprenons par le mécanisme par lequel la Cour constitutionnelle est passée pour sortir cet arrêt.

Avez-vous été entendu par la Cour constitutionnelle ? Quelle a été la teneur des débats sur votre dossier ?

Nous n'avons jamais été notifiés de quoique ce soit. Ni moi, ni mon parti. Personne n'a même su qu'il y avait une affaire contre moi. La CENI n'a jamais été associée. C’est un  procès à huis clos qui a été organisé par ceux qui ont rendu cet arrêt. La Ceni a proclamé les résultats et j'ai obtenu 26 802 voix. Je suis de l’opposition, et la Ceni, qui est pourtant réputée pro-pouvoir, a tout de même proclamé ma victoire. Et ceux qui se sont rendus dans ma circonscription de Mont-Amba, ici à Kinshasa, savent bien ce que j'ai pu faire sur terrain. J'ai travaillé dur sur le terrain, depuis près de 10 ans, pour arracher cette victoire. La décision de la Cour constitutionnelle est inique, et nous pensons, au regard des éléments à notre disposition, qu’il doit y avoir réparation.

Quelle est la motivation de l’arrêt qui invalide votre élection ?

Quand j’ai appris cette décision, je suis allé lire cet arrêt. Et j’en suis resté hébété. La motivation tient en deux lignes, qui assène notamment que j’aurai obtenu frauduleusement 15 000 voix. Mais par quel mécanisme ? Ce n’est pas précisé. Quelles sont les preuves ? Ils n’en produisent aucune. Et ils ont par ailleurs été incapables de dire combien celle qui me remplace est supposée avoir obtenu de voix. Je pense que c'est une erreur grossière, une erreur grave, de la part de ceux qui ont rendu cet arrêt.

Aucun recours légal n’est possible après un arrêt de la Cour constitutionnelle. Que comptez-vous faire maintenant ?

J'ai introduit une requête en rectification d'erreur matérielle. Je suis avocat et je refuse de rester les bras croisés et de voir mon siège être attribué gratuitement à une autre. J'attends que la Cour constitutionnelle puisse répondre à ma requête. Si elle répond positivement, tant mieux. Dans le cas contraire, je me tournerai vers la population qui m'a élu, parce que ce n'est pas mon siège, mais celui du peuple.

Ces invalidations concernent pour la grande majorité des candidats des listes de l’opposition. Comment analysez-vous cela ?

Il y a vraisemblablement une stratégie pour affaiblir l’opposition. Si la Ceni, qui a pourtant été considérée pro pouvoir, a pu proclamer la victoire des candidats de l’opposition et qu’ensuite, la Cour, qui n'a pour mission que de constater les erreurs commises par la Ceni et de les réparer le cas échéant, viennent en fait nous mettre à la porte de l’Assemblée nationale, c’est qu’il y a un vrai problème. Et c’est un problème politique. Mon invalidation est politique, j’en suis persuadé.

Lamuka a annoncé une série d’actions, dont la suspension des activités parlementaires de ses députés jusqu’à nouvel ordre. Allez-vous y participer ?

J'adhère à cette démarche. Nous allons marcher pour protester contre ces gens qui se permettent de ternir l'image de la justice congolaise. Il y a un réel problème au niveau de la Cour constitutionnelle, et je pense que le chef de l’État, qui a affirmé vouloir rétablir l’État de droit en RDC, doit s’en saisir. Dans nos tribunaux, dans nos palais de justice, il y a des brebis galeuses.

Interview réalisée par Stanis Bujakera Tshiamala