Ange Kasongo présente “Les femmes de Pakadjuma” ce 21 mai à l’Ifasic

Ange Kasongo. Photo droit tiers.

“ Les femmes de Pakadjuma” relate le vécu des habitantes d’un bidonville de la capitale congolaise. Rires, douleurs, pleurs et espoirs… ce récit d’Ange Kasongo sera présenté à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC) à Gombe. Dans une interview accordée à Actualité.cd, elle passe en revue son travail d'enquête.

Ange Kasongo, parlez-nous de votre livre “Les femmes de Pakadjuma”, d’où vous est venue l’inspiration ?

AK : En septembre 2017, j’ai posté une photo sur facebook avec deux mots “Nakeyi Pakadjuma”. La photo a suscité la curiosité et de nombreux internautes y ont réagi. Je suis kinoise et je connais la réputation de ce quartier. Face à ce double constat, j’ai décidé d’explorer ce bidonville et écrire pour trouver  des réponses à toutes ces questions.

Combien de temps les enquêtes ont-elles duré ?

AK : J’ai fait des enquêtes entre mars et mai 2018. J’allais à Pakadjuma tous les samedis avec un membre de l’association “Les ailes du Coeur” qui venait d’organiser une formation dans le quartier.

Sachant que ces femmes pouvaient être réticentes, comment avez- vous fait pour gagner leur confiance?

AK : Je savais que ça n’allait pas être facile, je suis passée par cette association en tant que bénévole pour assurer ma sécurité mais aussi pour que ces femmes et toutes les personnes que je pouvais rencontrer se sentent à l’aise. En plus, je n’avais pas d’appareil photos,  encore moins une caméra.

Ange Kasongo, votre livre fait environ 110 pages, 5 chapitres, dédicace et remerciement. Excepté la couverture, on n’y trouve aucune photo d’illustration, pourquoi ?

AK : Mon intention n’était pas de faire un album photo. Je suis apprentie photographe et je ne voulais pas faire le travail des autres. J’en profite pour avouer que la photo de couverture est celle de Samy Ntumba.

Dans le texte, il ya des termes tels que “ Tchiza, Vieux nanga, jadel”. Pourquoi ces expressions?

AK : Je voulais  faire ressortir le côté kinois de ma personne dans la rédaction du récit. C’est comme ça que dans certains passages j’écris en Lingala. Je pense qu’au-delà de la musique, on peut également imposer le Lingala dans la littérature. J’ai donc tenu à garder mon côté kinois.  Pour info, Jadel, c’est une marque de contraceptifs.

Ange Kasongo, vous êtes également journaliste, pourquoi avez-vous choisi de présenter l’histoire de ces femmes sous forme de récit ?

AK : J’ai emprunté une démarche journalistique dans la rédaction de ce livre, il s’agit d’une enquête. A un certain moment je me suis retrouvée face à un dilemme: vouloir rapporter les faits tels qu’ils se déroulent, mettre à nu certains dérapages des agents de l’ordre et  en même temps respecter certaines normes journalistiques. Je ne voulais pas mettre en insécurité mes sources et moi-même. J’ai dû inventer un personnage principal (Ophélie) et d’autres personnages dont 307, Vieux nanga et plusieurs termes qui décrivent la réalité, c’est là que j’ai eu plus de liberté.

Dans le chapitre 5, vous avez parlé de Madame Pascaline Zamunda, quelle est sa contribution dans le récit?

AK : L’histoire de Pakadjuma remonte à 1982, lorsqu’un gouverneur initie un salongo spécial sur ce site autrefois occupé par des bandits. C’est là que des nombreuses personnes ont pu acquérir des terres. Pendant mes enquêtes, j’ai pu faire un constat: autant les kinois ont peur d’approcher les habitants de ce quartier, autant ces derniers s'auto excluent de la société.  Pascaline est une sociologue que j’ai contacté pour qu’elle m’explique la morphologie du phénomène “Pakadjuma”. Elle a accepté de me répondre, j’ai inséré ses réponses dans le récit.

Vous avez également abordé l’histoire de Dorcas, l’étudiante et celle d’une femme qui passée d’une vie de prostituée à celle de femme mariée. Après avoir parcouru ce quartier, que retenez-vous de positif sur les femmes ?

AK : Pakadjuma, c’est la société kinoise. Autant les gens se cherchent en ville, autant ils se cherchent à Pakadjuma. J’y ai rencontré des femmes intellectuelles, comme cette étudiante qui a choisi de faire le droit à l’Université Protestante du Congo (UPC). Elle n’ose pourtant pas avouer qu’elle vit à Pakadjuma parce que le quartier n’a pas bonne réputation. Ce sont des femmes qui n’arrêtent pas de se battre pour réussir. Ce sont des personnes ordinaires qui tombent, se relèvent et continuent à se battre.

Après votre parcours dans ce quartier, quel message pourriez-vous lancer à la société kinoise?

AK :  J’invite les gens à regarder Pakadjuma différemment. A ne pas juger, à s'enquérir de la situation des femmes et des enfants de ce quartier. C’est un monde où les gens sont plein d’espoir,  où les gens ont besoin de sortir d’un couloir et retrouver la lumière…  

Ange Kasongo travaille comme journaliste indépendante pour plusieurs médias congolais et européens. C’est une ancienne de l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (2012) où elle présentera son bouquin ce Mardi 21 mai à 12 heures.

Propos recueillis par Prisca Lokale