Patrick Muyaya : Avant de rajeunir la classe politique, rajeunir d’abord la classe enseignante (Tribune)

<strong>Ce lundi 4 septembre 2017 marque le début de l’année scolaire 2017-2018. Des millions d’enfants reprendront les chemins de l’école demain ou dans un avenir proche pour les villes qui pourraient être secouées par le mot d’ordre de grève des principaux syndicats de l’enseignement. Loin de cette confrontation Gouvernement- Syndicats devenue tristement habituelle depuis quelques années, je voudrais regarder la question sous un autre prisme.</strong>

L’éducation, nous en convenons tous, est le premier secteur qui conduit au développement. C’est à travers elle que l’être humain comprend et s’intègre dans son monde. Il y impulse les éléments qui améliorent son quotidien. Cependant, en RDC, l’éducation demeure un défi tant pour le gouvernement, les parents mais surtout pour les enseignants face à leurs élèves.
En effet, la RDC, scandale géologique mondialement reconnu, aussi scandale démographique, rajouterais-je, est majoritairement peuplé des jeunes avec un des taux de natalité de plus élevé d’Afrique.

Ce pays, dont le décollage conditionnera celui de la région mais aussi du continent, doit répondre à d’énormes défis pour y arriver. Les principaux défis étant la bonne gouvernance basée sur une bonne affectation des ressources afin d’assurer un équilibre économico-social et social et l’éducation.

Dans cette réflexion, je voudrais me focaliser sur une facette du secteur de l’éducation, celle qui constitue le socle : <em>l’Enseignement Primaire et Secondaire.</em>

<strong>Mais d’abord quelques chiffres :</strong>
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<li><em>Nombre d’enseignants : 542 186 non compris ceux qui ne sont pas mécanisés. </em></li>
<li><em>Nombre d’élèves : environs 15 millions</em></li>
<li><em>Ratio : 1 enseignant pour 20 élèves (standard) mais en RDC, le calcul fait 250 </em></li>
<li><em>Part dans le budget de l’Etat : environs 16 %.</em></li>
<li></li>
<li>Ces quelques chiffres illustrent l’étendue des défis à relever dans ce secteur primordial. Il y a quelques jours, j’ai assisté aux obsèques du préfet de mon école secondaire, l’Institut Lisanga. Marcel Malenso Ndodila, d’heureuse mémoire, a façonné des milliers des jeunes congolais par sa rigueur et son esprit de discipline. Grâce à cette circonstance, j’ai pu revoir mes enseignants de l’époque. 18 ans plus tard, le corps enseignant de l’Institut Lisanga n’a pas changé. Ce qui a changé néanmoins, c’est ma vue d’eux : <em>le regard d’un jeune élève de 17 ans est bien différent de celui d’un homme de 35 ans</em>.</li>
</ul>
Mais ma joie de les revoir fut soudainement remplacé par un regret ou plutôt de la tristesse lorsque j’ai cherché désespérément à trouver des nouveaux visages sans succès. C’est malheureusement le cas de plusieurs institutions d’enseignement sur toute l’étendue de notre pays.

Ces enseignants, sont en réalité, des <em>« héros »</em> vivant avec un salaire maigre. L’exposition permanente à la poussière de la craie blanche, les bruits des élèves toujours aussi capricieux et turbulents mais la volonté de former et de transmettre des générations successives reste de marbre. Hommages à ces soldats qui se sacrifient pour former l’élite d’aujourd’hui et de demain. Je suis votre produit et vous dis toute ma reconnaissance.

Aujourd’hui, la moyenne d’âge des Enseignants se situe entre 50 et 60 ans, la plus élevée du monde. Un petit détour à la Mutuelle de Santé des Enseignants (MESP) nous a permis de constater que très souvent les cas de maladies traités sont liés, aux yeux, à la tension artérielle, … Généralement, des maladies des personnes de troisième âge.

A l’ère du digital et des NTIC, l’éducation s’informatise mais la plupart d’Enseignants n’ont que peu la maîtrise de ces outils ordinateurs, tablettes tactiles et autres nouveaux supports technologiques pris en compte dans l’éducation dans d’autres pays. Il est donc urgent, dès maintenant, de travailler pour la prise en compte de cette adaptation technologique.

Ma tristesse est encore plus grande quand je regarde les débats politiques actuels dominés comme depuis le temps de l’indépendance par une guerre d’ego, une querelle permanente de positionnement. A l’ère où tout le monde ne jure que par le rajeunissement de la classe politique, il est peut-être temps de penser à rajeunir le corps enseignant et nous préparerons mieux l’avenir.

J’invite donc urgemment le Gouvernement à renverser cette tendance par quelques mesures suivantes :
<ol>
<li><em>L’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de recrutement des jeunes pour travailler dans le secteur de l’Education au même titre que le programme de recrutement des jeunes dans l’Administration publique ;</em></li>
<li><em>La mise à la retraite de ceux qui sont éligibles en envisageant un mécanisme de reconversion professionnelle devant garantir et rassurer leur survie ;</em></li>
<li><em>L’amélioration des conditions salariales des Enseignants assorties d’une prime supplémentaire pour une bonne prise en charge de jeunes devant assurer la rélève ;</em></li>
<li><em>Garantir des formations permanentes, la mise à niveau, le renforcement des capacités et le recyclage des Enseignants dans la perspective d’adaptation du système éducatif aux impératifs de développement de notre pays ;</em></li>
<li><em>La Valorisation de la profession enseignante en lui redonnant sa place de noblesse et de dignité dans la société.</em></li>
</ol>
Le développement du Congo passera d’abord par l’éducation non par les mines ni par les diamants avec leurs effets pervers notamment le faible taux de scolarisation dans le Katanga et dans le Kasaï. Il nous faut donc une éducation opérationnelle avec des écoles et ensuite des universités compétentes qui forment au savoir-faire et au savoir-être.

L’éducation forme le potentiel humain qui permet de développer les autres potentiels.

Ainsi, avant de rajeunir la classe politique toujours dominée par des jeunes depuis 1960 et qui y vieillissent, rajeunissons d’abord la classe enseignante.

<strong>Patrick MUYAYA, député national</strong>