Patient LIGODI : « Un an après, internet est toujours cher et nos journalistes toujours inquiétés »

ALLOCUTION DE <strong>PATIENT LIGODI</strong> A L’OCCASION D’UN AN D’ACTUALITE.CD

Mardi 16 mai 2017, tous les hommes ont déserté le village de Ngandu wa Mpata près de Tshikapa. Leur crainte : allonger la liste de ces innombrables victimes de ce qu’on appelle, plus ou moins vaguement, le drame de Kasaï ou tantôt les massacres de Kasaï.

Les auteurs, personne ne peut les désigner clairement : ils sont soit des chiffres comptés individuellement quand on ne parle pas des fosses communes.

Ce funeste 16 mai 2017, Mama Thérèse Ndemu a rassemblé le reste de la famille dans un abri.

En vain, ils ont été trouvés et abattus : 12 de ses petits-enfants et belles-filles ainsi que 150 autres personnes de leur village.

Repris dans les réseaux sociaux, Mama Thérèse Ndemu, la mère de notre confrère Joël Cadet, devenait le visage de ce drame de Kasaï.

Le retentissement de ce crime sur la webosphère m’a ramené à quelque chose que martèle un aîné dans la profession, Didier M’Buy, à savoir : les drames connus par les pays occidentaux parviennent à émouvoir dans les chaumières des villages les plus reculés de l’Afrique, parce que de l’attentat du 11 septembre à celui de Charlie Hebdo, les victimes ne sont pas des chiffres mais des vies et des visages soumis à notre humanité, à notre sensibilité par la presse occidentale ?

Même, si nous ne pensons pas que le rôle de la presse serait d’émouvoir, d’opposer le bien et le mal, de désigner les monstres et les victimes qui seraient gardiennes des valeurs de l’humanisme et de la démocratie, chaque jour à ACTUALITE.CD, nous nous interrogeons sur la manière la plus judicieuse à couvrir l’actualité politique, économique, sécuritaire et sociale d’un pays comme le nôtre sans, par la répétition des faits, les banaliser.

La presse a toujours été traversée par ce questionnement, la réponse, notre réponse, cela fait exactement un an que nous essayons de l’élaborer, cela fait un an que nous l’expérimentons.

Chaque jour, nous sommes meilleurs qu’avant ; chaque jour nous découvrons aussi des limites, nos limites ; chaque jour nous essayons de mettre un pied devant l’autre afin d’avancer.

Il y a un an, quand on tapait sur Google « actualité de la RDC », on ne tombait que sur les médias étrangers RFI, Jeune Afrique, VOA, etc.  ACTUALITE.CD est né de ce constat et de la volonté de faire émerger un média natif du web qui se donne pour mission de faire émerger une information collectée ici, traitée ici par des journalistes d’ici pour des gens d’ici, mais aussi d’ailleurs qui s’intéressent à l’actualité d’ici.

Un an plus tard, on peut dire que le pari n’était pas insurmontable… Aujourd’hui,  beaucoup de Congolais nous témoignent leur attachement à un média qui revendique la liberté, la pluralité des points de vue, l’indépendance, pour rendre compte de l’actualité congolaise.

Cette actualité, nos reporters vont la chercher sur le terrain, au cœur de la cité, parfois dans des fournaises, souvent dans des zones à risque. Que ça soit Stany Bujakera, cette matinée du 19 septembre 2016 sur le boulevard Lumumba ou encore Sosthène Kambidi à Tshimbulu ou bien Patrick Maki à Beni et dans la région des Grands Lacs, ACTUALITE.CD s’est évertué d’être au contact permanent avec l’actualité, c’est-à-dire au contact avec les hommes et les femmes qui font le Congo d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, le réseau des correspondants d’ACTUALITE.CD couvre les provinces de l’ex-Katanga, les provinces de l’espace Kasaïen, le Kongo Central et la région des Grands Lacs.

L’histoire d’ACTUALITE.CD, c’est aussi l’histoire récente du Congo entre manifestations de rue, meeting et les différentes négociations politiques. ACTUALITE.CD, c’est aussi Rachel Kitsita, Pascal Mulegwa, Willy Akonda et d’autres qui ont passé des nuits tant à la Cité de l’Union africaine qu’au Centre interdiocésain, à Kinshasa, pour rendre compte du battement du cœur politique de la RDC.

ACTUALITE.CD, c’est aussi le professionnalisme et les plumes d’Ange Kasongo et de Jacques Kini, respectivement basés en France et en Belgique, mais tout aussi attachés à l’actualité congolaise et au développement d’un pureplayer innovant. Les deux apportent le recul et la profondeur dont on a également besoin dans un climat politique encore tendu.

Sur le plan éditorial, quand on a pensé ACTUALITE.CD, le triptyque politique, sécurité et économie étaient nos thématiques exclusives. Aujourd’hui, nous avons grandi. Conscient de notre responsabilité, nous avons ajouté la rubrique société qui nous permet de couvrir des thèmes aussi importants pour notre pays, à savoir l’humanitaire, l’environnement, etc.

ACTUALITE.CD, c’est aussi une histoire des jeunes journalistes passionnés, un nouveau type des professionnels de l’info : mi-geek, mi-journaliste.

ACTUALITE.CD, c’est également Will Cleas Nlemvo, Franck Ngonga, Christine Tshibuyi, fraîchement sortis de l’IFASIC, grâce à leur dynamisme et se sont rapidement adaptés aux nouvelles habitudes de collecte, de traitement, de diffusion et de consommation de l’info.

Franck Ngonga, justement 22 ans, a quitté ACTUALITE.CD et a rejoint une organisation internationale, cette année. Il a laissé un vide parce qu’ACTUALITE.CD, c’était sa maison, son histoire. Le cas de Franck illustre au mieux, l’état de la presse congolaise actuellement : Les meilleurs ne restent pas longtemps parce que rapidement identifiés par des organisations plus nanties.

Pour sa deuxième année, le plus grand défi, c’est non seulement sur le terrain, mais aussi sur le plan du modèle économique : mieux valoriser nos espaces publicitaires auprès des annonceurs, capter davantage des annonces, des appels d’offres et des offres d’emploi, organiser des évènements capables de financer l’activité journalistique et s’éloigner davantage du coupage, qui ne peut développer un média.

Un a après, Internet est toujours aussi cher, des annonceurs toujours rares, nos journalistes toujours inquiétés pendant les évènements politiques, mais la passion du journalisme est toujours présente.

ACTUALITE.CD, c’est aussi ces héros dans l’ombre, sans leur amour inébranlable, notre foi en cette entreprise aurait décliné et emporté notre rêve dans le renoncement. Ils se reconnaîtront.

Merci.

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