Nord-Kivu: impayés depuis six mois, les enseignants de Masisi et Rutshuru menacent d'aller en grève avant la fin de cette année scolaire

Un enseignant en plein cours/Ph. ACTUALITE.CD

Plus de 100 enseignants, répartis dans six groupements du secteur de Katoyi et un groupement de la chefferie des Bahunde, dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu), réclament le paiement de six mois d’arriérés de salaire. Mécanisés depuis plusieurs années, ils affirment n’avoir perçu aucune rémunération depuis janvier 2025.

Face à cette situation critique, ces professionnels de l’éducation menacent de recourir à une grève générale dans les jours à venir si aucune solution concrète n’est apportée par le gouvernement. L’année scolaire se clôture d’ici début juillet selon le calendrier. 

Dans un mémorandum adressé au gouverneur militaire de la province, ils appellent à une intervention urgente du ministère de l'Éducation. La Caritas qui assure la fonction d’agent payeur dans la zone, évoque des difficultés logistiques pour acheminer les fonds. Des explications jugées infondées par les enseignants, qui dénoncent un mépris à l’égard de leur profession.

Certains enseignants souhaitent être payés par mobile money pour gagner du temps, plutôt que d'attendre le processus de paiement habituel via la Caritas.

Le secrétaire permanent de la province éducationnelle Nord-Kivu 3, Augustin Sabakaka, tire la sonnette d’alarme, et fait savoir qu'actuellement certains enseignants vivent loin de leurs familles à cause de la guerre. D’autres sont contraints de s’endetter ou de recourir à des aides extérieures pour survivre. Il souligne également que le manque de frais de fonctionnement empêche les écoles d’acheter même des fournitures de base, comme des craies ou des cahiers.

« Depuis janvier, les enseignants ne reçoivent absolument rien. Nous travaillons dans des conditions très difficiles, tant dans les écoles primaires que secondaires. Toutes les écoles du secteur de Katoyi et du groupement Ufamandu 1er en chefferie des Bahunde sont concernées. Plus de 100 enseignants de ces sept groupements sont affectés. Nous sommes mécanisés depuis longtemps, mais depuis janvier, ni les frais de fonctionnement pour les écoles primaires, ni les salaires des écoles secondaires ne sont versés. Beaucoup d’entre eux ont contracté des dettes à cause de l’insécurité. Ils ne peuvent même plus se rendre dans les champs pour subvenir à leurs besoins. Leurs familles sont en train d’être détruites », explique-t-il.

Par ailleurs, dans la sous-division éducationnelle Rutshuru 4, les activités scolaires sont également suspendues depuis mars. Les enseignants y attendent eux aussi le paiement de six mois d’arriérés.

Dans certaines écoles, les enseignants ont décidé de cotiser pour continuer à encadrer les élèves de sixième année primaire en vue des examens de fin d’année. Les parents paient jusqu’à 500 francs congolais par semaine pour couvrir les frais de fonctionnement.

« Je suis directeur dans une école à Kibirizi. Cela fait plus de cinq mois que je ne suis pas payé. Aujourd'hui, j’ai du mal à prendre en charge ma famille, surtout à subvenir à leurs besoins, car l’État ne nous a toujours pas payés. Nous avons décidé d’abandonner temporairement notre travail, en attendant que l’État assume enfin ses responsabilités. Les enseignants du territoire de Rutshuru souffrent énormément. Certains ont même choisi de se tourner vers les travaux agricoles, dans l’espoir de pouvoir nourrir leurs familles. Comment comprendre que seuls les enseignants de six écoles sur des dizaines reçoivent un mois de salaire, pendant que d'autres attendent toujours ? », s’interroge un directeur d’école de Kibirizi.

En mars dernier, la ministre de l’Éducation avait affirmé que Kinshasa prendrait en charge les enseignants non rémunérés. Trois mois plus tard, les concernés attendent toujours la concrétisation de ces engagements.

La situation est aggravée par la détérioration du contexte sécuritaire. Depuis l’occupation de plusieurs localités, dont la ville de Goma, par les rebelles du M23, les banques ont cessé leurs opérations. Les promesses du gouvernement de créer des mécanismes alternatifs pour payer les fonctionnaires restent lettre morte.

Josué Mutanava, à Goma