RDC : à Lubero, des organisations de défense des droits de l’enfant tirent la sonnette d’alarme face au recrutement des mineurs par des groupes armés

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Les organisations de protection de l’enfance se sont réunies cette semaine dans le territoire de Lubero, au Nord-Kivu, pour dresser un état des lieux de la situation des enfants en contexte de conflit armé. Au cœur des échanges, le recrutement des mineurs par des groupes armés, une pratique qui continue de compromettre gravement les droits fondamentaux des enfants dans cette partie de la province du Nord-Kivu dans l’est de la RDC.

À l’issue de cette rencontre, les représentants des organisations ont lancé un appel pressant pour que cesse l’enrôlement d’enfants dans les milices encore actives dans le Nord-Kivu. Plusieurs mineurs continuent d’être utilisés comme combattants, porteurs ou espions, au mépris des normes internationales, a dénoncé Jean-Pierre Kavaketi, vice-président chargé de la protection de l’enfance à Lubero.

Jean-Pierre Kavaketi a brossé un tableau sombre de la situation, évoquant également la présence croissante d’enfants non accompagnés, de mineurs en conflit avec la loi, d’enfants soumis au travail forcé et de victimes de violences sexuelles. Il a appelé les groupes armés à libérer, sans condition, tous les enfants dans leurs rangs, en référence à la résolution 1612 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui interdit expressément le recrutement d’enfants en temps de conflit.

« En réalité, la situation des enfants dans le territoire de Lubero est très préoccupante. Nous avons des enfants enrôlés dans les groupes armés, mais aussi des enfants non accompagnés, des enfants séparés de leurs familles, des enfants en conflit avec la loi. D’autres sont soumis à des travaux forcés ou victimes de violences sexuelles, notamment de viols. De nombreux enfants vivent ainsi dans des conditions extrêmement difficiles. C’est dans ce contexte que se dessine un tableau alarmant, qui exige une action conjointe des agences de protection de l’enfance et du gouvernement pour alléger ce lourd fardeau qui pèse sur la société. Les enfants doivent retrouver leur place dans les familles et à l’école, et non dans les forêts ou sur les lignes de front », a-t-il insisté, plaidant pour un accueil sans stigmatisation des enfants démobilisés, ainsi que pour la mise en place de programmes de réinsertion scolaire et socio-économique durables.

Les statistiques fournies par Jean-Pierre Kavaketi, point focal du réseau des organisations de la société civile mobilisées contre le recrutement des enfants, confirment l’ampleur du phénomène : plus de 10 000 enfants garçons et filles confondus seraient encore enrôlés dans des groupes armés au Nord-Kivu.

Entre janvier et mai 2025, seuls 21% des enfants enrôlés ont pu être récupérés grâce à l’action conjointe des acteurs humanitaires et de protection. À ce jour, 1 471 garçons et 999 filles seraient toujours actifs dans les groupes armés, tandis que 2 500 enfants (dont 1 851 garçons et 409 filles) ont pu être extraits de ces milices.

Malgré les efforts déployés, les obstacles restent nombreux. Selon Jean-Pierre Kavaketi, l’insécurité généralisée et l’inaccessibilité de certaines zones sous contrôle de groupes armés freinent les opérations de sauvetage. À cela s’ajoutent le manque de ressources financières et l’insuffisance des campagnes de sensibilisation à l’endroit des communautés affectées.

Face à cette crise humanitaire prolongée, plusieurs mesures sont préconisées : renforcement de la présence militaire pour restaurer l’autorité de l’État dans les zones à haut risque ; création de mécanismes d’accompagnement solides pour les enfants démobilisés, incluant soutien psychologique, scolarisation et appui à la réinsertion économique.

Josué Mutanava, à Goma