RDC : la Rapporteuse spéciale de l'ONU Paula Gaviria Betancur dresse un tableau sombre de la situation des personnes déplacées et tire la sonnette d'alarme sur leur sort

Les habitants de Sake fuyant vers Goma (Illustration)
Les habitants de Sake fuyant vers Goma (Illustration)

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits humains des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, Paula Gaviria Betancur a bouclé sa visite officielle en République démocratique du Congo (RDC) du 19 au 30 mai 2025. À l'issue de sa visite de dix jours, Paula Gaviria Betancur a dressé un tableau sombre de la situation des droits humains des personnes déplacées par les conflits armés, la violence intercommunautaire, les catastrophes naturelles, les projets de conservation et les activités extractives. 

Selon l'ONU, la RDC victime de la guerre d'agression rwandaise via la rébellion du M23 compte l'une des plus importantes populations de personnes déplacées internes au monde en raison des conflits armés et des guerres qui sévissent depuis plusieurs années. Il s'agit de la première visite d'un titulaire de mandat relevant des procédures spéciales dans ce pays depuis plus d'une dizaine d'années.

"Cette crise s’aggrave avec les violences intercommunautaires et les groupes armés dont le M23/AFC soutenus par le Rwanda et les autres. Les déplacés sont dans les souffrances et ont besoin de sécurité et dignité en vue de recouvrer une vie humaine et normale dans cette partie du pays où les filles et femmes sont victimes de violation sexuelle, car elles sont utilisées comme outils aux fins de déplacement avec soumission de travail forcé. La situation est critique, les personnes et déplacées internes en RDC ont besoin d'une vie meilleure pour eux, ils veulent retourner chez eux mais ils ont besoin d'avoir les moyens pour le faire, pour la possibilité d'accès à l'étude, des terrains pour cultiver et pour avoir un peu un meilleur futur pour ces familles, ils ne demandent pas de la charité, ils demandent des outils pour faire ce qu'ils faisaient avant leur déplacement", a-t-elle dit vendredi 30 mai à l'issue de sa visite de travail en RDC.

Diplomate des Nations-Unies, Paula Gaviria a indiqué que la rébellion de l’AFC/M23, les groupes armés Mobondo ainsi que le Zaïre, sont les principaux auteurs de ces violences. À l'en croire, ils obligent les déplacés à retourner dans leurs domiciles sans garantie de sécurité, ni respect des normes, de dignité humaine. 

"La situation devient encore plus fragile avec l’arrêt de l’assistance financière des bailleurs de fonds, comme les États-Unis, et la fermeture de l’aéroport de Goma, ce qui complique le travail des humanitaires.  Il faut apporter une réponse urgente, car les déplacés retournent et voient leurs terres occupées, pour ce, les recommandations vont à l’endroit du gouvernement, des groupes armés et de la communauté internationale. Il faut défendre les droits de l’homme et la communauté internationale doit accompagner le gouvernement, les ONG internationales et locales, à cet effet, garantir l’inclusion de tous, dans la prise de décision, réformer la gouvernance financière et garantir la restitution foncière. Les déplacés ont besoin d’appui pour rester sur leur terre et vivre", a-t-elle indiqué.

Après une première étape à Kinshasa, la Rapporteuse s'était rendue dans plusieurs provinces touchées par les déplacements, notamment le Nord-Kivu, l’Ituri et le Tanganyika. 

Comme recommandations aux parties prenantes afin d’améliorer la protection, l’assistance et les solutions durables pour ces populations, elle a exhorté la communauté internationale à apporter son appui à la reconstruction de la paix en République démocratique du Congo et au gouvernement de la République d'assumer ses responsabilités.

"Au monde, nous faisons appel à la solidarité de principe durable, il faut une réponse dans le bon sens. Nous voulons une résolution positive, le désir de paix, la RDC doit poursuivre le dialogue, car c’est la caractéristique du pays pour aspirer à la paix. Au peuple congolais, votre courage et votre résilience sont visibles. Mais au nom du principe directeur de droit international, les États sont responsables, le Gouvernement demeure responsable de ces situations. Le monde a les yeux tournés vers la RDC qui reconnaît l’ampleur de la crise, crise de liquidité avec la fermeture des banques. Il y a une responsabilité du Gouvernement bien que 50% de ces déplacés se trouvent à l’est", a-t-elle souligné.

Le gouvernement de la République démocratique du Congo et la communauté humanitaire ont procédé jeudi 27 février 2025 à Kinshasa, au lancement du Plan de réponse aux besoins humanitaires 2025, afin de mobiliser 2,54 milliards de dollars. Cette enveloppe est cruciale pour fournir une aide vitale à 11 millions de personnes dont 7,8 millions de déplacés internes, l’un des niveaux les plus élevés au monde parmi les 21,2 millions de Congolais affectés par des crises multiples : conflits armés, catastrophes naturelles et épidémies.

Le lancement du Plan de réponse aux besoins humanitaires pour la RDC intervient dans un contexte particulier de polycrise multidimensionnelle d’une ampleur inédite, qui combine trois éléments déstabilisateurs majeurs : d’une part une spirale de violence qui s’étend de l’Ituri au Tanganyika ; d’autre part la présence d’une autorité de facto dans des zones clés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, deux provinces où les besoins humanitaires sont très importants ; et enfin une crise majeure du financement de la réponse humanitaire.

Clément MUAMBA