De la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame au Quatar à la prise de Walikale centre par les rebelles du M23 en passant par la possible mise en examen de l'ex-Première dame du Rwanda, pour son implication dans le génocide des Tutsis, la semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun des faits marquants avec Georgette Bilonda.
Merci de nous accorder de votre temps Madame, pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Georgette Bilonda: je suis nutritionniste et diététicienne de formation. En tant qu'experte en santé publique et en nutrition, je travaille activement à promouvoir des pratiques alimentaires saines et à améliorer la sécurité alimentaire pour les communautés vulnérables. Je suis également membre du Réseau des Associations Congolaises des Jeunes (RAJOC) , où je milite pour l’autonomisation des jeunes et l'amélioration de leur bien-être.
Les présidents de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame, se sont entretenus en face-à-face le 18 mars au Qatar, sous la médiation de l'émir, pour tenter de trouver une solution à la crise sécuritaire de l'Est de la RDC. Que pensez-vous de cette initiative ?
Georgette Bilonda: En tant qu’actrice engagée pour la paix et le bien-être de ma communauté, je salue toute initiative visant à trouver une solution durable à la crise de l’Est de la RDC. Les dialogues entre les dirigeants de pays voisins, dans un cadre médiatisé et impliquant des acteurs internationaux, sont essentiels. Toutefois, il ne faut pas négliger l’impact des solutions proposées sur les conditions de vie des populations locales, notamment en termes de sécurité alimentaire et de santé, deux domaines qui me touchent directement en tant que nutritionniste.
Pensez-vous qu'elle peut vraiment contribuer à la paix dans la région ?
Georgette Bilonda: Une initiative de cette envergure peut poser les bases d’une désescalade de la violence, mais pour qu’elle soit véritablement efficace, il faut qu’elle soit inclusive et qu’elle prenne en compte les voix des populations locales. Une paix durable passe également par l’amélioration des conditions de vie des Congolais, y compris l'accès à des services de santé, une nourriture saine et l’accès à l'éducation.
L'Angola, en tant qu'intermédiaire du processus de Luanda, semble avoir vu son rôle marginalisé avec l'initiative qatarie. Quelle est votre analyse de cette dynamique ?
Georgette Bilonda: L’Angola a toujours été un acteur clé dans la médiation des conflits en Afrique centrale. Si son rôle a été marginalisé, cela pourrait compromettre la diversité des approches dans la recherche d’une solution. Il est crucial que toutes les parties prenantes, y compris celles ayant une histoire commune avec la RDC, participent activement aux discussions pour que toutes les perspectives soient prises en compte.
Quelles peuvent être selon vous, les conséquences possibles de cette marginalisation pour la résolution de la crise ?
Georgette Bilonda: La marginalisation de l’Angola pourrait affaiblir les efforts de médiation en diminuant les chances d'une approche équilibrée. Un manque de cohésion régionale pourrait également augmenter les tensions, ce qui risquerait de prolonger la crise. Il est important de maintenir un dialogue continu entre tous les pays impliqués pour garantir que la paix soit réellement viable à long terme.
Les rebelles du M23 et leur soutien rwandais occupent actuellement le chef-lieu du territoire de Walikale, sans affrontements majeurs selon des sources concordantes. Que pensez-vous de la manière dont l'armée rwandaise soutient les rebelles du M23 dans cette occupation?
Georgette Bilonda: En tant que citoyenne engagée pour le bien-être de mes compatriotes, je ne peux que déplorer toute forme de soutien extérieur aux groupes armés, qu’il soit direct ou indirect. L’occupation de Walikale par les rebelles du M23 et leur soutien rwandais ne fait qu’exacerber les souffrances des populations locales. Cette situation compromet gravement la sécurité alimentaire et les conditions de vie de milliers de Congolais.
Comment analysez vous les actions de l'État congolais et la réponse de la communauté internationale face à l'occupation de zones stratégiques comme Walikale par des groupes armés étrangers ?
Georgette Bilonda: L’État congolais doit absolument renforcer sa réponse militaire et diplomatique face à l'occupation des zones stratégiques. Toutefois, la communauté internationale a un rôle clé à jouer pour assurer une pression sur les acteurs extérieurs qui soutiennent ces groupes armés. Les sanctions et les actions diplomatiques doivent être cohérentes et efficaces.
La justice se penche actuellement sur la possible mise en examen de l'ex-Première dame du Rwanda, Agathe Habyarimana, pour son implication dans le génocide des Tutsis. Quelle est votre perception vis-à-vis de la justice internationale pour les crimes du passé?
Georgette Bilonda: La justice pour les crimes passés est fondamentale pour la réconciliation. Cependant, elle doit être juste et impartiale, sans parti pris. La justice ne doit pas seulement viser à punir les coupables, mais aussi à réparer les torts faits aux victimes, y compris à travers des initiatives de soutien psychologique et social, essentielles pour restaurer la dignité des survivants.
Comment ceci pourrait-il affecter les relations entre la RDC, le Rwanda et d’autres acteurs internationaux ?
Georgette Bilonda: L'ouverture d’enquêtes sur le génocide rwandais pourrait compliquer les relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda. Toutefois, il est crucial que la vérité soit établie, et la justice rendue, pour que les peuples congolais et rwandais puissent véritablement guérir de cette période tragique. Une approche basée sur la vérité et la réconciliation serait plus bénéfique à long terme pour la stabilité de la région.
Le génocide rwandais reste un sujet sensible pour la région des Grands Lacs. Que faut-il faire pour favoriser une véritable réconciliation entre les peuples congolais et rwandais, tout en reconnaissant et en punissant les crimes commis pendant cette période tragique ?
Georgette Bilonda: La réconciliation doit passer par un dialogue ouvert, où les deux peuples reconnaissent les souffrances passées tout en construisant un avenir commun. La mise en place de programmes d’échange culturel, éducatif et économique, centrés sur la jeunesse, pourrait être une voie importante pour renforcer la paix et la coopération régionale.
Le président américain a récemment signé un décret visant la fermeture du département fédéral de l'Éducation. Comment cet événement pourrait-il résonner dans un contexte mondial où des décisions politiques de grandes puissances ont des répercussions globales ?
Georgette Bilonda: La fermeture d’un département aussi crucial dans un pays aussi influent que les États-Unis peut avoir des répercussions mondiales. Dans le contexte congolais, cela pourrait alimenter des inquiétudes sur l’avenir des financements en matière d’éducation et de santé, domaines qui sont déjà sous pression dans beaucoup de régions du monde, y compris en RDC. Cela souligne l'importance de garantir l’indépendance des systèmes éducatifs, particulièrement dans les pays en développement.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka