Un rapport du groupe d’experts des Nations unies publié ce mercredi révèle que la coalition AFC-M23 a instauré un système sophistiqué de contrôle sur l’extraction, le commerce et l’exportation du coltan depuis Rubaya, dans la province du Nord-Kivu, générant ainsi d’importantes ressources financières pour ses activités.
Selon les experts, au moins 150 tonnes de coltan ont été frauduleusement exportées vers le Rwanda depuis les mines de Rubaya, où l’AFC-M23 a établi une administration parallèle. Ces minerais étaient mélangés à la production rwandaise, entraînant une contamination majeure des chaînes d'approvisionnement des minéraux dits "3T" (étain, tantale et tungstène) dans la région des Grands Lacs. Ce mélange a été décrit comme la plus grande contamination de ce type enregistrée au cours des dix dernières années.
La coalition AFC-M23 a tiré d’importants bénéfices de cette exploitation illégale. L’impôt prélevé sur la production et le commerce du coltan à Rubaya a rapporté environ 800 000 dollars par mois. Une taxe de 7 dollars par kilogramme était imposée sur le coltan et le manganèse, et de 4 dollars sur l’étain (cassitérite). Ces fonds ont permis à l’AFC-M23 de financer ses opérations militaires et de consolider son contrôle territorial.
Le rapport précise que la coalition contrôlait les routes reliant Rubaya à la frontière rwandaise, notamment via des localités comme Mushaki, Kirolirwe, Kitshanga et Kibumba. Les convois de coltan, composés de véhicules capables de transporter jusqu’à cinq tonnes par chargement, traversaient régulièrement ces itinéraires pour atteindre le Rwanda. Des images satellite montrent que ces convois étaient acheminés jusqu’à un parking situé près du marché de Kibumba, avant d’être transférés dans des camions en provenance du Rwanda.
À Rubaya, l’AFC-M23 a mis en place une administration quasi étatique, avec un « ministère » chargé de l’exploitation minière. Des permis étaient délivrés aux creuseurs et opérateurs économiques, moyennant des redevances annuelles de 25 à 250 dollars. Les salaires des creuseurs ont été doublés pour les inciter à rester dans la région, mais des mesures coercitives, telles que des patrouilles armées et des détentions arbitraires, étaient appliquées pour s’assurer que les minerais ne soient vendus qu’aux opérateurs autorisés par la coalition.
Les experts soulignent que l’extraction frauduleuse et l’exportation des minéraux ont non seulement bénéficié à l’AFC-M23, mais aussi à l’économie rwandaise, qui a intégré ces ressources dans ses propres circuits de production.
Cette situation, qui illustre une exploitation systématique des ressources naturelles à des fins militaires et économiques, continue de nourrir les tensions régionales et de compromettre les efforts de stabilisation dans l’Est de la RDC.