Trente ans après sa disparition, le célèbre dramaturge congolais Norbert Mikanza Mobyem a été honoré à travers la pièce de théâtre intitulée "Wazalendo" lors d'une représentation à l’Institut National des Arts (INA), à Kinshasa, ce 27 septembre. Ce spectacle, dirigé par le chorégraphe et metteur en scène Jackson Lohanga Kamba, a rendu un hommage à cet homme qui a révolutionné le théâtre en République démocratique du Congo.
La pièce, présentée dans le cadre du stage académique de Jackson Lohanga, a été jouée pour coïncider avec le 30ème anniversaire de la mort de Mikanza Mobyem. Ce dernier est reconnu pour avoir ancré le théâtre comme une discipline artistique majeure en RDC.
« Mikanza est le tout premier à avoir conçu l'art dramatique et le ballet national dans notre pays. Si nous étudions aujourd'hui le théâtre, c'est grâce à lui », a dit Jackson Lohanga.
La restitution de "Wazalendo", qui a duré plus d’un quart d’heure, s'est déroulée dans la grande salle de spectacle de l'INA, nommée en l'honneur du dramaturge. La pièce aborde des thèmes sensibles tels que la guerre à l’Est du pays, mettant en avant les tragédies vécues par les populations congolaises et leur générosité à l’égard des réfugiés rwandais.
Le jeune metteur en scène congolais a souligné l’importance de la culture et de l’art comme acteurs du développement national et de la cohésion sociale. Il a déclaré que "Wazalendo" est une œuvre qui « interpelle particulièrement sur la souffrance des peuples de l’Est du pays ». Cette restitution artistique a été assurée par 17 interprètes, dans une démarche mêlant chants, danses et dialogues pour rendre hommage à Mikanza Mobyem et sensibiliser les étudiants de l'INA aux réalités tragiques que vit la nation.
Une exposition artistique dédiée à Mikanza Mobyem
En parallèle du spectacle, une exposition d’œuvres artistiques a été organisée pour honorer la mémoire de ce grand maître du théâtre congolais. Patrick Tankama, chercheur sur l'œuvre de Mikanza, a présenté des collages de photos et des dessins retraçant la vie et la carrière du dramaturge. « Mikanza représente une forme de résistance intelligente, particulièrement contre la dictature. C’est un devoir de mémoire que nous avons envers les pionniers de notre théâtre moderne », a-t-il affirmé.
Tankama a également souligné que l’œuvre de Mikanza est particulièrement difficile à trouver, en raison de la rareté des rééditions et de la crise dans le domaine de l'édition en RDC. Parmi ses pièces majeures on retrouve "Notre Sang", "Monnaie d'Échange" et "Tu es sa Femme", qui explorent respectivement les thèmes de la dictature, de la corruption et de la maladie, reflétant la profonde dimension morale et politique de son travail.
Mikanza Mobyem : Une figure emblématique du théâtre congolais
Né en 1944, Mikanza Mobyem a marqué de son empreinte l’histoire culturelle de la RDC. En 1969, il fonde la Compagnie du Théâtre National à la demande du ministre de la Culture de l’époque, Paul Mushiete. Il a influencé de nombreuses générations d’artistes et d'intellectuels, et son œuvre continue d’inspirer le milieu théâtral congolais. À travers ses pièces, Mikanza a dénoncé les maux de la société congolaise tels que la dictature, la corruption et la désintégration sociale, tout en prônant la responsabilité collective.
« L’héritage de Mikanza est immense parce que Mikanza est vraiment une figure de proue de notre culture. La compagnie du théâtre national du Congo, c’est une émanation de Mikanza Mobyem. C’est quelqu’un qui s’est adonné à la formation de la jeunesse, nous sommes tous là ses élèves, il avait une méthode innovante de formation ; il a formé des acteurs de théâtre, des metteurs en scène, des animateurs culturels au pays et ailleurs. En plus c’était un grand initiateur des projets culturels. Il a initié beaucoup de projets, d’activités, de créations » », a déclaré Jean-Claude Diyongo Pululu, Chef des travaux et animateur de l’activité.
Ce trentième anniversaire de la mort de Mikanza Mobyem rappelle l'importance de perpétuer son héritage artistique, en dépit des défis que connaît aujourd'hui le secteur du théâtre en RDC. L'hommage qui lui a été rendu à l'INA témoigne de l’impact profond de son œuvre sur la culture congolaise, mais aussi de l’urgence de préserver et de diffuser ce patrimoine pour les générations futures.
James M. Mutuba