C'est désormais acté. La République Démocratique du Congo va comparaître au procès tentative d'évasion à la prison centrale de Makala. Il n'y aura plus de paiement des frais de consignation pour les victimes des violences sexuelles et il y aura réquisition de la Monusco et des médecins de l'hôpital militaire du camp Tshatshi pour la prise en charge médicale et psychologique des victimes des violences sexuelles lors de ces incidents.
C'est ce qu'il faut retenir du jugement avant dire droit du Tribunal militaire Garnison de Kinshasa/ Ngaliema rendu lors de l'audience du jeudi 12 septembre tenue dans les installations de la prison de Makala. Par cette décision, le Tribunal a répondu "favorablement" aux trois demandes de la partie civile qu'elle considérait comme des préalables majeurs pour la suite de cette affaire en flagrance ouverte devant cette juridiction militaire.
"Le ministère public entendu : disant droit reçoit la demande des parties civiles, la déclare totalement fondée et ordonne : la dispense des frais de consignation des victimes des violences sexuelles, requiert une expertise médicale et psychologique de la Monusco et de l'hôpital Militaire du Camp Tshatshi, ordonne la citation en personne civilement responsable à charge de l'État congolais, renvoie l'affaire en continuation à son audience publique du lundi 16 septembre 2024 à 09H", dit la décision prononcée par le capitaine Guy Kweshi, juge président du Tribunal militaire garnison de Kinshasa/Ngaliema.
Cette décision a été bien accueillie au niveau des avocats de la partie civile qui estiment que le " bon droit" a été dit. Un des avocats de la partie civile, Maître Stanislas Mwamba, revient sur le bien fondé de cette décision en faveur des victimes des violences sexuelles.
"Cette décision avant dire droit change premièrement toutes les victimes seront considérées comme partie civile et par conséquent ils ont droit de postuler et de dire "parce que nous avons été violées, parce qu'on nous avait violé, nous voulons ça ". Toutes les victimes ici présentes sont automatiquement constituées en partie civile. Deuxièmement, toutes ces victimes ici présentes peuvent espérer être dédommagées par l'État congolais au regard de ce qu'elles ont subi comme préjudices", a expliqué devant la presse Maître Stanislas.
Saluant désormais la prochaine comparution de la RDC, cet avocat estime que l'État congolais n'a pas bien joué son rôle de protection envers ces différentes femmes et mineures violées lors de la tentative d'évasion. Il affirme que la réquisition de la Monusco et de l'hôpital militaire camp Tshatshi leur permettra d'avoir une idée sur l'ampleur des dégâts dans les corps de ces victimes.
"Nous ne voyons pas parmi ces gens là qui pourrait dédommager ces victimes alors qu'ici en prison. Il y a les services de sécurité qui se sont montrés défaillants et s'il y a eu ces actes, c'est à cause quelque part de la négligence des services de l'État et, par conséquent, c'est l'État qui en est responsable et l'État congolais pourra désormais comparaître et sera condamné à dédommager toutes ces victimes du fait de ces gens qu'il avait commis à ce service et qui n'ont pas bien joué leur rôle ", a fait remarquer Maître Stanislas Muamba.
Et de poursuivre :
"Toutes ces femmes, il y en a celles qui saignent jusqu'à aujourd'hui. Vous avez vu mon confrère qui défend les mineures, a donné l'exemple des mineures qui continuent à saigner, même des majeures. Il y a des dames qui ont été violées par 10 hommes, 11 hommes, vous vous imaginez à leur âge ici depuis le jour de viol jusqu'à aujourd'hui elles saignent. On continuait ce procès sans être consultées par les médecins. C'est à partir de ces examens, de ces consultations nous saurons quel danger ces femmes courent ou quels sont les dangers qu'elles pourront courir présentement mais aussi au futur".
Actuellement, les raisons de la tentative d'évasion à Makala ne sont toujours pas élucidées. Mais le bilan annoncé par le gouvernement (131 morts) est contesté par certaines organisations de la société civile. Selon les autorités, il y a des morts par balles (24), tandis que d’autres détenus sont morts suite aux tirs de sommation, ou encore par bousculade et étouffement. Selon toujours le gouvernement via le VPM, ministre de l'intérieur, sécurité, décentralisation et Affaires Coutumières Jacquemain Shabani Lukoo, « quelques femmes violées » sans donner le nombre. « Sur le plan matériel, on déplore l’incendie du bâtiment administratif, du greffe, de l’infirmerie et des dépôts des vivres », a ajouté M. Shabani.
Au total 64 prisonniers (60 civils et 4 militaires) sont poursuivis en procédure de flagrance devant le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema pour viol, terrorisme, destruction méchante et incendie volontaire. Lors de la réunion du conseil des ministres extraordinaire tenue lundi 09 septembre dernier, le Chef de l'État Félix Tshisekedi avait demandé à la commission d'enquête mise en place de lui transmettre endéans sept jours son rapport sur les circonstances réelles de ces incidents.
Clément MUAMBA