RDC: l’Intersyndicale des magistrats met en garde le ministre de la Justice, Constant Mutamba, et rappelle le précédent Tunda

Les magistrats lors de la prestation de serment devant le Président de la République. Ph/droits tiers

L’Intersyndicale des Magistrats du Congo a vivement réagi aux récentes initiatives du ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba. Dans un communiqué publié ce lundi, elle exprime son profond désaccord avec les multiples sorties médiatiques du ministre et son dépôt précipité de projets de lois relatifs aux réformes du pouvoir judiciaire, sans consultation préalable des acteurs concernés.

L’Intersyndicale fustige le discours virulent du ministre Mutamba, qu’elle accuse de traiter les magistrats comme membres d’un "réseau mafieux". Elle déplore une rhétorique qui, selon elle, attise la haine contre le corps judiciaire et expose les magistrats à des risques accrus d’insécurité, rappelant les agressions et assassinats dont certains magistrats ont été victimes. Cette attitude est perçue comme une incapacité du ministre à faire la transition entre son ancien rôle d’avocat et sa nouvelle position d'homme d’État, un manque de maturité politique qui pourrait nuire à l’indépendance de la justice en République Démocratique du Congo.

Le communiqué critique également la méthode employée par le ministre pour introduire des réformes judiciaires. L’Intersyndicale souligne que ces réformes, déposées au Parlement durant les vacances parlementaires, ont été présentées sous forme de propositions de lois, contournant ainsi les procédures légales requises, notamment l’examen en Conseil des ministres. Cette démarche rappelle, selon l’Intersyndicale, l’épisode malheureux de l’ancien ministre de la Justice, Tunda Ya Kasende, qui avait été écarté de ses fonctions en juillet 2020 pour des faits similaires.

Tunda Ya Kasende avait déposé à l’Assemblée nationale, sans en informer préalablement le Conseil des ministres ni obtenir l’aval du gouvernement, trois propositions de lois controversées visant à réformer le système judiciaire. Ces propositions, perçues comme une tentative de subordonner le pouvoir judiciaire à l'exécutif, avaient déclenché une crise politique majeure, marquée par des manifestations publiques et des protestations au sein du pouvoir législatif. La Cour constitutionnelle avait également émis un avis de non-conformité à la Constitution pour ces textes. Face à la pression, Tunda Ya Kasende avait été contraint de démissionner, illustrant ainsi les dangers d’une gestion non concertée des réformes judiciaires.

L’Intersyndicale insiste sur le fait que le ministre de la Justice ne peut pas s’arroger le pouvoir de libérer conditionnellement des personnes incarcérées en dehors du cadre légal, rappelant que ces prérogatives sont strictement limitées et ne doivent pas interférer avec les procédures judiciaires en cours ou l’exécution des décisions de justice. Elle appelle le ministre Mutamba à respecter la séparation des pouvoirs et à travailler en concertation avec le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) pour mettre en œuvre des réformes véritablement bénéfiques pour le système judiciaire.

En outre, l’Intersyndicale invite le ministre de la Justice à tirer les leçons des États généraux de la justice, plutôt que de convoquer de nouvelles assises coûteuses pour l'État. Elle réaffirme sa détermination à défendre l’indépendance de la justice et à améliorer les conditions socio-professionnelles des magistrats, conformément aux engagements pris par le président de la République, Félix Tshisekedi.

Cette prise de position de l’Intersyndicale des Magistrats s'inscrit dans un contexte de tension croissante entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, et reflète la vigilance des magistrats face aux tentatives perçues d’ingérence dans leurs prérogatives. Le rappel du précédent Tunda Ya Kasende souligne les risques encourus par tout responsable politique qui tenterait de contourner les procédures légales en matière de réforme du secteur judiciaire.

En réponse, Constant Mutamba a réaffirmé, sur Twitter, sa détermination à redresser la justice en RDC : « Le Chef de l'État nous a nommé pour redresser notre justice et redorer son image. Rien n'arrêtera cet engagement ferme du Magistrat Suprême. Les réformes courageuses en cours vont se poursuivre à la satisfaction générale de notre peuple. Des réseaux mafieux démasqués craquent déjà. Seule la justice élève une Nation »