À la suite d'un arrêté signé lundi 12 août 2024 par le ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux Constant Mutamba, les dirigeants de l'établissement public Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) ont été suspendus de leurs fonctions.
Cette démarche fait suite à l'option prise par le ministre de tutelle de mettre à la disposition du parquet toute l’équipe dirigeante du Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en RDC (FRIVAO). La décision fait suite au rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) qui relève de nombreuses irrégularités dans l’affectation des fonds destinés à l’indemnisation des victimes de la guerre de Kisangani.
En réaction, Mimy Mopunga Makendeni qui occupait avant sa suspension le poste de secrétaire rapporteur de cet établissement public s'est dit surprise de la décision prise par le ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux Constant Mutamba. À l'en croire, ils ignorent "totalement" les faits qui leur sont reprochés par le ministre de tutelle.
"C'est un sentiment de regret d'abord du fait que nous avons été suspendus injustement. Et puis, la procédure aussi n'a pas été suivie. Les autorités doivent apprendre à respecter la hiérarchie. Je pense qu'on piétine même sur les prérogatives du chef de l'Etat qui avait signé l'ordonnance nous nommant comme mandataires du Fonds spécial d'indemnisation aux victimes des activités illicites de l'Ouganda en RDC (Frivao). Est-ce que c'est un arrêté qui vient abroger une ordonnance présidentielle ou c'est le contraire ? En lisant l'esprit de cet arrêté, vous allez remarquer qu'il n'y a pas de charges à notre endroit", a déploré Mimy Mopunga au cours d'un entretien avec la presse jeudi 15 août 2024 à Kinshasa.
À la question de savoir si le rapport de l'Inspection Générale des Finances n'était-il pas en leur défaveur ? Madame Mimy Mopunga, rapporteur de l'équipe suspendue, estime que les prérogatives du Président de la République sont empiétées par le ministre de la Justice.
"C'est pour cette raison que j'ai dit qu'on est en train d'empiéter sur les prérogatives du chef de l'Etat. A ma connaissance, l'Inspection générale des finances (IGF) est un service rattaché à la Présidence de la République. Un rapport a également été remis au ministre d'Etat, ministre de la Justice. Le rapport n'indique pas de détournement et moins encore ne mentionne pas de mégestion. Des observations pertinentes ont été faites comme tout contrôle. Il y a peut-être quelques procédures qui n'ont pas été respectées. Le rapport fait état des observations destinées aux membres de Frivao. Nulle part, il a été mentionné la mégestion ou le détournement", a-t-elle fait remarquer dans sa réaction
Et de poursuivre :
"Après l'audit, lorsqu'il y a une anomalie, c'est l'Inspection générale des finances qui transmet le dossier au niveau de la justice pour la poursuite de l'enquête. Ce qui n'est pas le cas pour nous. Il a ouvert une enquête bien sûr mais nous voulons bien mais il aurait dû attendre que le dossier soit clôturé. Aussitôt, nous voyons un arrêté nous suspendant et le même arrêté qui procède aux nominations. Là où le bas blesse, le ministre d'Etat a violé l'ordonnance présidentielle qui nommait trois personnes. Il en a nommé quatre. Il aurait pu laisser le dossier judiciaire ouvert à notre endroit suivre son cours normal. S'il faudrait proposer d'autres personnes, il devrait suivre la procédure mais pourquoi s'est-il précipité de nous accuser de mauvaise gestion".
À la question de savoir c'est juste une suspension et qu'il lèverait incessamment ? Elle estime que cette décision n'a pas suivi une procédure administrative et celà nécessite une réparation.
"Une suspension sans cause et qui n'a pas suivi une procédure administrative. Nous, nous ne dépendons pas du secrétariat général à la Justice. Comment peut-il enjoindre le secrétaire général de prendre des dispositions pour l'exécution de cet arreté. L'arrêté poursuit qu'en attendant une autre ordonnance présidentielle. Je pense qu'il y a l'anguille sous roche. La moindre de choses, c'est de respecter la procédure administrative. Donc, c'est une question administrative qui devait suivre la procédure administrative. L'arrêté n'évoque nulle part une raison valable de notre suspension et sans se référer aux textes règlementaires. Nous sommes dans le regret de constater ce malentendu qu'on doit corriger", a-t-elle plaidé dans son intervention.
Dans le même arrêté, le ministre d'État, ministre de la justice et garde des sceaux Constant Mutamba avait procédé à la nomination de nouveaux mandataires à titre provisoire, à la tête du Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en RDC (FRIVAO). M. Chançard Bolukola Osony a été désigné pour être le nouveau coordonnateur ad intérim de FRIVAO.
Quant à Dismas Kitenge Senga, président et co-fondateur du groupe Lotus, organisation de défense des droits humains basée à Kisangani (Tshopo), il est le désormais coordonnateur adjoint ai alors que Clémence Kalibundji Bigofala a été élevée au rang de secrétaire rapporteur ai. Geneviève Aline Engbe va quant à elle s’occuper des finances de FRIVAO (Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en RDC).
Pour administrer les fonds alloués à l'indemnisation, un établissement public appelé Fonds spécial de répartition de l’indemnisation aux victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC et à leurs ayants droit, FRIVAO en sigle, a été instauré. Basé à Kisangani, chef-lieu de la province de Tshopo, ce nouvel organisme est constitué de membres nommés par ordonnance présidentielle et est chargé de différentes missions, notamment l'identification des victimes et la répartition équitable des compensations selon les catégories spécifiées par la Cour Internationale de Justice dans son arrêt.
Suite à l'arrêt de la Cour Internationale de Justice concernant l'affaire des activités armées de l’Ouganda en République Démocratique du Congo, le montant total dû à la RDC devra être versé par l’Ouganda en cinq versements annuels de 65 millions de dollars américains, le premier ayant eu lieu le 1er septembre 2022. Selon les décisions de la Cour Internationale de Justice, le montant des indemnités à régler, réparti sur cinq tranches, comprend 69,2% pour les dommages personnels, 12,3% pour les biens et 18,4% pour les ressources naturelles.
Clément MUAMBA