Journée nationale de l'enseignement : quid de la situation sociale des enseignants ? 

Enseignant dans une salle de classe (photo droits tiers)

En République Démocratique du Congo, la date du 30 avril est dédiée à la journée nationale de l'enseignement, communément appelée fête des enseignants. Mais depuis belle lurette, cette journée déclarée chômée et payée par la loi congolaise n'a jamais été bien accueillie à cause des complaintes de l'ensemble de professionnels de la craie blanche, dont les appétits restent inassouvis.

De par leur rémunération, leur train de vie, conditions sociales et autres, les enseignants, contactés par ACTUALITÉ.CD se sentent négligés au profit d'autres corps de métier.

Pour Peter Matondo, enseignant qui dispense les cours d'anglais et d'informatique au lycée Julie Billiart, une école conventionnée catholique située dans la Commune de Kisenso, l'enseignant est la colonne vertébrale de la société, qui doit être traité avec dignité et honneur. Il fustige l'écart considérable de sa rémunération par rapport à celle des députés nationaux.

« Les autorités doivent voir les problèmes des enseignants, qui sont la colonne vertébrale de la société. Un enseignant doit être traité avec dignité, avec honneur. C'est un homme de valeur. Mais aujourd'hui vous allez trouver un député qui a vingt et un mille dollars, aujourd'hui on parle de trente-trois mille dollars, alors qu'un enseignant touche trois cents nonante ou quatre cents mille francs congolais, dépendant aussi de zone de couverture. Il y a des zones où les enseignants ne touchent que deux cents trente mille. Donc si vous faites un calcul, le salaire que prend un député converti au salaire d'un enseignant, il faut compter 22 ans », soupire-t-il.

Professeur d'université, Eddy Mwanzo, ex-directeur de cabinet du ministre de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPST), dit être fier de son statut mais ne l'est pas quant à la situation de l'enseignant en RDC, avant d'évoquer «la clochardisation de l'enseignant ».

« Laissez-moi préciser que je parle de l'enseignant des universités. Et à leur sujet, je dois vous avouer que si je suis fier de mon statut, c'est de la part de mes anciens étudiants et nouveaux que j'ai formés, qui m'honorent pour ma contribution à leur formation intellectuelle. Laissez moi sincèrement vous affirmer que je ne suis pas fier de la situation actuelle de l'enseignant en RDC. C'est la clochardisation de l'enseignant ! Savez vous combien touche un professeur ordinaire de l'université ? Moins qu'un diplômé d'État dans certains services de l'État. J'insiste moins qu'un diplômé d'État ! Nombre de professeurs vivent dans la misère. Le pouvoir en place ne s'occupe pas du social des enseignants. Le dernier réajustement des salaires des professeurs date de l'époque du gouvernement Matata », a-t-il dit à ACTUALITÉ.CD. 

Le professeur André Andite de l'ITI Kasa-Vubu, lui, reste convaincu qu'avec le traitement qu'ils reçoivent actuellement, il y aura carence des enseignants dans les années à venir. « l'enseignant est négligé en RDC. C'est regrettable quand on parle de la date du 30 avril alors que l'État n'a même pas payé un rond. Il est à noter que dans les années à venir il y aura carence des enseignants», estime-t-il.

Lors de son discours sur l'état de la nation, en novembre 2023, le président de la République, Félix Tshisekedi, s'était félicité de l'augmentation du salaire d'un enseignant à l'école, qui est passé de 110.000 en 2018 à 410.000. Des chiffres qui avaient suscité débat du côté de quelques enseignants, qui disaient ne pas percevoir cette somme d'argent.

Il sied de signaler que la loi cadre consacrant la journée nationale de l'enseignement le 30 avril a été promulguée le 22 septembre 1986, sous le feu maréchal Mobutu, deuxième président de la RDC.

Samyr LUKOMBO