RDC: l’épineuse question du non-respect de la loi sur la garantie locative … jusqu'à quand ?

Vue d'une avenue dans la commune de Lingwala à Kinshasa
Vue d'une avenue dans la commune de Lingwala à Kinshasa/Ph. ACTUALITE.CD

La RDC dispose d’une loi spécifique relative aux baux à loyer non professionnels, qui stipule notamment en son article 18 que « la garantie locative ne peut excéder une somme équivalant à trois mois de loyer pour le bail résidentiel et 6 mois de loyer pour le bail socio-culturel (commercial) ». Mais le problème du non-respect de cette disposition, qui date du 31 décembre 2015, se pose de plus en plus avec beaucoup d’acuité.

En dépit de plusieurs dénonciations et de cris d’alarme de la Ligue des locataires du Congo, la situation est restée intacte. Certains bailleurs, selon les témoignages, et les publications sur les réseaux sociaux, demandent jusqu’à dix (10) mois de garantie locative voire plus. ACTUALITE.CD s’est à nouveau intéressée sur cette question.

Pourquoi les bailleurs ne se montrent-ils pas prêts à respecter la loi ? Une bailleresse disposant d’une parcelle avec 8 maisons explique qu’elle est libre de négocier un contrat de bail et ce, comme elle veut. Elle dit noter aussi qu’il arrive des moments où elle fait face à plusieurs contraintes d'où l'augmentation de cette somme de garantie locative.

« L'Etat n'a pas construit pour moi les maisons dans ma parcelle pour limiter le délai de la garantie locative. Nous rencontrons certaines réalités qui demandent qu'on puisse prendre la garantie au-delà de ces trois mois. La maison peut se retrouver dans un état qui nécessite des arrangements. Le locataire ne va pas accepter qu’on utilise son argent propre pour la réhabilitation, et cette charge reviendra au bailleur (…). Aussi, avec cette garantie de trois mois, il arrive qu’au bout d’un temps, certains n'arrivent plus à payer le loyer. Il y en a même qui, après avoir fini leur garantie, partent avec la dette de la maison. Là, c'est moi qui perd », explique-t-elle.

Certains locataires, pour leur part, pensent que l’Etat ne contrôle pas assez afin que les dispositions de la loi numéro 15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnels.

« Si la sanction est sévère, et que l'État fait un contrôle régulier dans chaque parcelle, les bailleurs auront peur et ce fléau prendra fin . Là où je loue présentement, j'ai dû payer la garantie équivalente à sept mois pour notamment permettre au bailleur de finaliser les travaux de la maison », témoigne un locataire rencontré au quartier Kinsuka Pêcheurs dans la commune de Ngaliema.

Un officier de police judiciaire du ministère de l’habitat, dans la commune de Ngaliema, accuse les commissionnaires, aussi régis par la loi de 2015, d’être à la base du non-respect de ces dispositions. « Ce sont eux qui amènent les requérants vers les bailleurs. Ils incitent ces derniers à percevoir plus que les trois mois prévus. En plus, le langage qui coule dans la bouche des bailleurs est que ce n'est pas l'État qui construit pour eux. Donc ils peuvent demander au-delà de trois mois pour se retrouver ».

Toutefois, elle précise que l’Etat arrive à s’informer de cette situation irrégulière quand les bailleurs viennent chercher des préavis pour leurs locataires. « Lorsqu'ils viennent à l'habitat pour le préavis, si le bailleur avait pris la garantie de sept mois, les quatre autres sont qualifiés d'excédent et nous demandons au bailleur de rembourser tout d’abord cette différence au locataire avant d’être servi », indique-t-elle.

Pour rappel, en septembre 2021, le député national Gaël Bussa avait déposé, au bureau de l’Assemblée nationale, une proposition de loi modifiant et complétant la loi du 31 décembre 2015. Il a fait savoir que cette proposition de loi comporte plusieurs innovations dont 15 articles modifiés et 15 autres ajoutés. Concernant les innovations, la question du dépôt de la garantie locative est aussi abordée. Il propose notamment que « le dépôt de la garantie locative devienne un caractère facultatif c'est-à-dire qu'il relève désormais de l'autonomie de la volonté des parties (…) ». Mais cette proposition n’a pas encore été alignée pour examen.

Bénie Ongala