10 ans de l’Accord cadre d'Addis Abeba: en RDC, il faut des réformes institutionnelles et les principes d’équité pour tous les pays signataires, insiste Mukwege 

Denis Mukwege
Denis Mukwege

Le 24 février dernier, l’Accord-cadre d’Addis Abeba a totalisé 10 ans depuis sa signature par 11 États et quatre institutions internationales et régionales à savoir les Nations-Unies (ONU), l'Union Africaine (UA), la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). Cet accord porte sur la paix, la sécurité et la coopération en République Démocratique du Congo et dans la région. L’Accord-cadre d’Addis Abeba avait suscité l’espoir de lendemains meilleurs après des décennies de conflits, d’instabilité, d’exploitation et de souffrance dans la partie orientale de la RDC. 

Le 10e anniversaire de cet accord coïncide avec une nouvelle agression de la RDC par son voisin le Rwanda via la rébellion du M23 dans le Nord-Kivu. Le Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege souligne que cette nouvelle guerre menace la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays. Mukwege déplore l’inaction de la communauté internationale et appelle à “sortir de cette tragédie”. 

“Un coût humain tragique continuera si l’on ne parvient pas à résoudre les causes profondes de la violence et de l’instabilité. Le temps est venu de sortir la tragédie congolaise de l’indifférence, de l’inaction et du silence complice de la communauté internationale qui ont contribué au pourrissement de la situation sécuritaire, humanitaire et politique, avec un impact désastreux sur le respect et la protection des droits humains. La RDC et ses partenaires doivent s’attaquer aux principales causes structurelles qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent à l’Est du pays, à savoir l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles et la culture de l’impunité”, a-t-il fait savoir dans une réflexion vendredi 24 février. 

En effet, il s’agissait de la première initiative de paix visant à mettre fin au conflit le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale et à résoudre les causes profondes de la violence et des guerres à répétition à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). L’État congolais, les pays de la région et la communauté internationale semblaient résolus à parvenir, grâce à une approche globale, à une paix durable en RDC et dans la région des Grands Lacs.

C’est pourquoi, le directeur de l'hôpital Panzi invite le gouvernement congolais à entreprendre sans tarder des réformes institutionnelles pour garantir le respect de l’Etat de droit, favoriser une culture des droits humains et rétablir la confiance dans les institutions, notamment celles en charge de garantir la sécurité et de rendre la justice.

Mukwege insiste surtout sur les principes d’équité entre les parties signataires de l’Accord-cadre. 

“Si l’on veut maintenir un État de droit respecté au niveau international, il devient impératif de mettre fin à l’indignation sélective, à l’humanisme à géométrie variable et aux politiques de double standards qui entraînent un déficit de confiance et de crédibilité dans les institutions internationales et le multilatéralisme. A défaut d’appliquer les principes d’équité et de cohérence, un réel danger guette notre système de sécurité collective et la rue africaine désabusée s’orientera vers Poutine”, a-t-il lancé. 

Et de poursuivre :

“La souffrance est universelle et la soif de dignité et de justice l’est tout autant. Le sang des Congolais a trop coulé. A l’instar de tous les peuples, la Nation congolaise a le droit de disposer d’elle-même, et de vivre en paix. Si les défis sont nombreux, le chemin de la paix est possible. Il passera par plus de sécurité, plus de responsabilité dans le commerce mondial, plus de justice et plus de démocratie. Je gage qu’ensemble, avec une volonté politique renouvelée de la RDC et de la communauté internationale, nous y arriverons”.

La signature de l’Accord-Cadre d’Addis Abeba sur la paix, la sécurité et la coopération en République Démocratique du Congo et dans la région avait pour objectif de neutraliser et de démobiliser les groupes armés, nationaux et étrangers, et la réaffirmation de principes de base du droit international s’ajoutaient à divers engagements de la RDC, des États voisins et de la communauté internationale.

Sont signataires: Afrique du Sud, Angola, Burundi, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie et Zambie. Le Kenya et le Soudan sont aussi devenus signataires de l’Accord-cadre le 31 janvier 2014.

Clément Muamba