RDC-violences sexuelles: comment s'organise la prise en charge dans les hôpitaux?

Photo/ Actualité.cd
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La prise en charge holistique des victimes des violences sexuelles implique toute une série d'éléments dont il faut prendre compte. En RDC, avec l’appui de certains partenaires du gouvernement, des centres intégrés des services multisectoriels (CISM) ont été mis en place à Kinshasa dans des hôpitaux de référence. Reportage. 


 L'hôpital général de référence de Ndjili (une commune du district de la Tshangu) reçoit environ 5 cas par jour pour leur assurer une prise en charge à différents niveaux. « A chaque fin du mois, nous atteignons une moyenne de 60 victimes. Plus de 70 % de ce nombre est composé des jeunes filles mineures. La prise en charge dure 6 mois pour les cas bénins. Pour le reste, nous dépassons ce délai. La plupart des cas nous sont référés par les parquets, les garnisons militaires, les tribunaux, la Police nationale congolaise », explique Colette Sefu, responsable du service médical. 

La parole se libère de plus en plus


Le programme de prise en charge des victimes est en place depuis 2013. Pour Mme Sefu, le nombre des cas enregistrés a sensiblement augmenté au cours des dernières années, passant de 10 à 60 cas au cours d'un seul mois. « Cela démontre le courage des victimes. Il y a de plus en plus de victimes qui dénoncent et acceptent d’être prises en charge à notre niveau, c’est un bon signe » se réjouit Mme Sefu. 


A l’hôpital Mère et enfant de Ngaba dans le district de la Lukunga, le CISM est appelé service VBG (Violences Basées sur le Genre). Installé au sein du même bâtiment que la pédiatrie, il a déjà accueilli 51 victimes au cours du premier trimestre de l’année 2022. « 15 cas en janvier, tous féminins, 14 mineures et 1 majeure. En février, nous avons reçu 25 cas, tous mineurs féminins, en mars 11 cas, tous mineurs féminins », explique Hervé Eteb Lames, l’un des directeurs. 


A Mont-Amba, le centre hospitalier Yolo-médical est une structure privée connue pour la prise en charge des cas depuis 2017. En 2021, une nouvelle équipe a pris la direction de l’hôpital. Par conséquent, quelques volets de la prise en charge ont disparu. Par manque de partenaires d’appui fiables, de moins en moins de victimes se réfèrent à ce centre. « Nous recevons des cas qui nous sont référés par les ONG. Nous leur proposons la prise en charge médicale. Nous exploitons aussi notre réseau privé pour obtenir des services juridiques lorsqu’il en faut », explique Serge Wembo, responsable du volet médical. 


A Kintambo, le CISM reçoit des dizaines de cas par jour. Lors de la réalisation de ce reportage, une fillette de 2 ans figure parmi les victimes. Elle ne saigne plus, mais « il y a à craindre à propos de sa santé » confient les infirmières. La salle d’attente est débordée. Des victimes accompagnées des parents ou autres membres des familles attendent des médicaments. Nénette (nom d’emprunt) a 20 ans. Victime d'un viol commis par son voisin, il y a quelques mois,  se retrouve enceinte. Clémentine (nom d’emprunt), victime de viol a tenté de faire un avortement. Depuis ce matin, les saignements ne s’arrêtent pas.  


Des intrants, des antibiotiques

 « Les ONGs, les assistants sociaux, les agents de la police, du parquet, … différentes personnes accompagnent les victimes tous les jours. Nous assistons la victime jusqu’à son rétablissement complet (…) », relate Bibiche Awezamo, responsable du volet médical à Kintambo. 


Et de renchérir, « Le volet médical implique des moyens importants pour notamment payer des intrants. Nous recevons par moment des victimes avec des situations complexes, des saignements, des déchirures, des cas qui arrivent dans le coma (…) et il faut avoir le matériel pour les prendre en charge ». 
Au centre hospitalier Yolo médical, Serge Wembo a souligné le fait que l’hôpital reçoit des intrants de la part notamment de l’UNFPA.   

Ce que coûte la prise en charge 

 « Pour qu’une survivante soit prise en charge médicalement, il faut au moins une consultation et 5 rendez-vous à respecter. La consultation coute au moins 10.000 Fc ou 5$. A cela s'ajoute les frais de laboratoire, à l’échographie, à la radio, au test de grossesse, test de VIH, aux antibiotiques (ARV, Anti fongique, Anti-mimétique, Anti-protozoaires), tout cela peut couter 100 $ par jour » a-t-elle estimé. 


Il est à noter que le PNUD, le BCNUDH, l’UNFPA, le Canada, sont parmi les partenaires de l’Etat congolais qui financent la prise en charge des cas et dotent les hôpitaux en intrants et médicaments. Tous les soins au niveau des trois centres intégrés des services multisectoriels sont gratuits.

Prisca Lokale