La République Démocratique du Congo (RDC) a enregistré le premier cas de Covid-19 en mars 2020. Depuis, la maladie a pris plus d’ampleur, et les mesures y relatives ont fait en sorte que la lutte déjà entamée contre certaines maladies a été perturbée. A cet effet, nous nous sommes intéressés à la maladie du sommeil, appelée Trypanosomiase Humaine Africaine (THA).
Quel impact a eu la Covid-19 sur la lutte et les recherches contre la maladie du sommeil en RDC ? Félix Akwaso est médecin en charge des cas de THA dans le territoire de Masimanimba dans la province du Kwilu. Pour lui, la Covid-19 a freiné les travaux de terrain à cause de la réduction des financements.
« La Covid-19 n’a pas causé de problème de déploiement de médicaments, parce que c’est au niveau du Programme national de lutte contre la THA que ça se passe. Pour le déploiement vers les sites, il n’y a pas de soucis, et la communication est bonne par rapport aux sites et à la coordination. Mais la Covid-19 a freiné certaines activités sur le plan financier. Les unités mobiles sont parfois stationnaires par rapport au plan financier. C’est d’ailleurs quelque chose qui se passe au niveau national, voire international, les financements ne sont plus comme d’habitude, et les unités mobiles ne travaillent plus comme d’habitude », a déploré Docteur Akwaso.
Au programme national de lutte contre la THA en RDC, on parle d’un problème de dépistage de masse. On fait savoir qu’avec Covid-19, on ne peut pas faire le dépistage de masse dans les villages comme c’était pendant la période avant Covid.
« La THA n’a pas des liens avec la Covid-19, mais parfois on procède au dépistage de masses ou les unités mobiles se présentent dans un village et on regroupe les gens de tout le village dans un coin pour les examiner. Pendant cette période, il faut donc prendre des précautions, des mesures de distanciation ordinaires et le port des masques, et les personnes qui doivent être examinés ne peuvent pas se tenir l’un à côté de l’autre. Donc depuis Covid-19, lors de dépistage de masses, il faut prendre des dispositions pour que les mesures soient respectées », ajoute Philémon Mansinsa, responsable de la lutte anti vectorielle contre la mouche tsé-tsé, et chargé de communication au Programme Nationale de la Lutte contre la Trypanosomiase Humaine Africaine (PNLTHA).
La fondation de recherche médicale initiative médicaments contre les maladies tropicales négligées (DNDi) a un projet de lutte contre la THA en RDC. Selon le responsable de ce projet, avec les mesures liées à la lutte contre la Covid-19, il y a restriction des mouvements qui limite ainsi la coordination du travail de terrain.
« Nous sommes dans les recherches des médicaments pour la maladie du sommeil, et cette recherche se fait dans les sites où il y a les malades, pas à Kinshasa, c’est dans des milieux reculés. Avec la Covid-19, il y a diminution et restriction des mouvements, c’est déjà un problème, parce que dans le cadre de notre travail, nous devons superviser ces sites et se rassurer que tout se passe normalement. Cela a eu un gros impact parce qu’on ne pouvait plus aller facilement sur ces sites », a précisé Wilfried Mutombo, coordonnateur du projet THA à DNDi.
Et de poursuivre :
« Par rapport aux recherches, où nous travaillons avec plusieurs personnes, certaines qui doivent venir de l’étranger, tout ceci a été perturbé et ça a eu un grand impact ; Ces dernières années nous n’avons parlé que de Covid-19 et nous avons oublié d’autres maladies. Pour la THA, les équipes mobiles doivent faire, chaque mois, un screening sur terrain afin d’examiner la population de village en village, et avec Covid, cela n’a pas été possible, parce qu’au lieu d’en faire 12, ils en ont fait moins. Donc ça ne nous étonnerait pas que les cas de la maladie augmentent un peu. Nous sommes sur la voie, les cas diminuent, mais avec Covid, ça ne nous met pas à l'abri de surprise, dans certains milieux, ça commence à remonter un peu ».
Ceci étant seulement pour la maladie du sommeil, le docteur Mutombo précise : « mais il y a aussi des maladies négligées comme la filariose où ils font la campagne de distribution des médicaments, donc avec Covid, tout cela devient difficile. Mais aussi les partenaires étrangers qui appuient le ministère de la santé, avec la Covid, ils n’apportent pas le même appui qu’ils apportaient auparavant, ça diminue. Covid-19 risque de rendre plus négligées, les maladies qui étaient négligées ».
A toutes ces difficultés s’ajoute la question des rumeurs autour de Covid-19, qui fait qu’on n’accepte pas qu’il y a la pandémie en RDC.
La RDC a célébré, le 30 janvier dernier, la journée nationale de lutte contre la trypanosomiase humaine africaine (THA), sous le thème « en route vers l’élimination et l’éradication de la THA en RDC à l’horizon 2030 ». En présence des partenaires techniques et financiers du secteur, le ministre de la santé, Dr Jean Jacques Mbungani avait évoqué les efforts fournis dans la lutte contre la THA qui a permis au pays de passer de 6000 à moins de 400 cas pour la période 2012-2021.
Thérèse Ntumba