Affaire Atou Matubuana : les explications du Conseil d’Etat sur son ordonnance réhabilitant l’ex-gouverneur du Kongo-Central à son poste

Noël Botakile, juge et directeur de cabinet du premier président du Conseil d’État
Noël Botakile, juge et directeur de cabinet du premier président du Conseil d’État

Au cours d'une conférence de presse organisée ce samedi 30 octobre en son siège à Kinshasa/Gombe, le Conseil d’Etat a éclairé l'opinion sur son ordonnance en référé liberté ROR 320 de suspendre l'organisation de l'intérim ouvert aux fonctions de gouverneur du Kongo-Central par le VPM, ministre de l'intérieur, pour réhabiliter ainsi le demandeur, en cas d'espèce, le gouverneur Atou Matubuana dans ses fonctions.

Noël Botakile, juge et directeur de cabinet du premier président du Conseil d’État, a précisé que l'arrêt de la Cour Constitutionnelle n'avait pas caractère à résoudre un litige dans le cadre des contentieux mais plutôt un arrêt en interprétation.

« Ce qui est arrivé au niveau de la Cour Constitutionnelle, s'agissant du Kongo Central, était tout sauf un règlement d'un litige entre un individu contre une loi parce que le juge constitutionnel est juge des litiges nés entre un individu et une loi. Il s'agit plutôt d'une préoccupation venant du président de l'Assemblée provinciale du Kongo Central sur la compréhension des dispositions de la constitution en ce qui concerne la procédure de déchéance née de motion de défiance ou censure du membre du gouvernement provincial. Et le Président de l'Assemblée provinciale du Kongo-Central a posé la question d'interprétation de la constitution à la Cour Constitutionnelle. Qu'est-ce que l'Assemblée provinciale du Kongo-Central doit comprendre de la portée de telle ou telle autre disposition de la constitution. Donc le Président de l'Assemblée provinciale n'avait jamais déféré devant la Cour Constitutionnelle une loi, un édit provincial ou un acte d'une autorité provinciale ou une quelconque décision de la province. Tel n'est pas son rôle sinon il n'aurait aucun intérêt parce qu’il est une des autorités provinciales. Il ne peut pas accuser la province », a déclaré Noël Botakile devant la presse.

Et de poursuivre :

« L'interprétation de la constitution et les arrêts d'interprétation de la constitution ne sont pas des arrêts qu'on exécute dans le sens d'aller, de donner à tel ou tel autre raison. Ce sont des arrêts de clarification des dispositions de la constitution pour en faire bon usage dans le cadre du fonctionnement de son institution. Et le Président de l'Assemblée provinciale a reçu l'interprétation, il lui appartenait, d'en faire usage dans le cadre des procédures si une motion de défiance devait être initiée par les membres du gouvernement provincial. Donc il n'a jamais existé à la Cour constitutionnelle un arrêt susceptible d'avoir tranché un litige pour que son exécution soit possible. On n’exécute pas les arrêts en interprétation, les arrêts en interprétation font partie de la constitution, ce qui va utiliser, ce qui va appliquer les dispositions de cette constitution devant le faire en comprenant la portée de cette disposition comme la Cour Constitutionnelle l'a précisé donc il n'a jamais existé un arrêt de la Cour Constitutionnelle qui puisse défaire, condamner ».

Par sa décision, le Conseil d'État dit avoir suspendu les effets de la décision du VPM, ministre de l'intérieur Daniel Aselo Okito instituant l'intérim dans la province du Kongo-Central. Pour la plus haute juridiction de l’ordre administratif en RDC, le VPM, ministre de l'intérieur a une mauvaise compréhension de l'arrêt de la Cour Constitutionnelle qui n'était que d'interprétation.

« Le Conseil d'État a considéré que le VPM, ministre de l'intérieur qui invoque l'arrêt de la Cour constitutionnelle qui était un arrêt d'interprétation de la constitution n'a pas raison parce que cet arrêt permet à quiconque des autorités publiques de mettre en mouvement les procédures dans le cadre des motions de défiance et de censure tels que la Cour Constitutionnelle l'a décrit et en tirait les conséquences tels que la Cour Constitutionnelle l'a décrit mais il n'a jamais existé un litige ou la Cour Constitutionnelle a été saisie pour trancher entre l'Assemblée provinciale et son gouverneur, ça n'a pas existé donc cet arrêt d'interprétation n'a pas nature à s'imposer au sens que lui donnait le Vice-premier ministre, ministre de l'intérieur », a précisé Noël Botakile, haut magistrat du Conseil d'État.

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À l'en croire, même si Atou Matubuana est poursuivi par la justice, tant qu'il n'y a pas encore une décision le condamnant à la Cour de Cassation, il bénéficie de la présomption d'innocence. Il a précisé que le fait qu'il soit remis de ses fonctions n'efface pas non plus la procédure judiciaire ouverte contre lui.

« Le Conseil d'État a ensuite reçu des exceptions soulevées dans le sens des possibles poursuites dont ferait l'objet le gouverneur de la province du Kongo-Central et dans ce sens le Conseil d'État a tranché que les poursuites contre le gouverneur du Kongo Central, lorsqu'elles n'ont pas encore abouti à un arrêt de la Cour de Cassation dont il est justiciable de condamnation il est toujours présumé innocent. Une personne même poursuivie, même soupçonnée, tant qu'elle n'est pas condamnée, est toujours présumée innocente. Et donc le fait que le gouverneur du Kongo Central soit remis à ses fonctions n'efface pas les condamnations qui sont ouvertes contre lui parce que ces condamnations pour les actes posés dans le cadre de ses fonctions passeront par des autorisations des poursuites au niveau de son Assemblée provinciale. Qu'il soit en fonction ou pas, il sera jugé et s'il a détourné des fonds du trésor provincial, il sera condamné et le juge de cassation qui est juge compétent en la matière nous fixera le moment venu », a souligné Noël Botakile, directeur de cabinet du premier président du Conseil d'État.

Avec cette ordonnance du conseil d'État, le processus électoral dans la province du Kongo-Central devrait s'arrêter, prévient Me Noël Botakile. 

« Les décisions judiciaires s'imposent à l'administration, lorsqu'un juge a décidé, l'administration s'incline, l'administration applique et cette exécution est poursuivie sous la vigilance du Président de la République par l'entremise des magistrats du parquet, parce qu’auprès de chaque juridiction administrative il y a un parquet. La conséquence, c’est que le jour de la notification de cette ordonnance à la commission électorale nationale indépendante, au Vice-premier ministre, ministre de l'intérieur, aux autorités de la province du Kongo-Central tous les actes contraires à cette décision sont irréguliers parce que les décisions du juge administratif s'imposent, ça produit les mêmes effets qu'une loi donc le processus électoral ne peut plus régulièrement se poursuivre au Kongo Central. Les décisions de la CENI après l'ordonnance du conseil d'État seront confrontées à cette ordonnance et seront jugées illégales, ça veut dire que le calendrier électoral est partiellement annulé pour la province du Kongo Central. On le soutire du processus, les autres peuvent se poursuivre. Le cas contraire, tous les contentieux qui viendraient, les actes pris par la CENI après l'ordonnance du Conseil d'État seront donc nul et sans fondement juridique »,  a prévenu Noël Botakile.

La province du Kongo Central fait partie des provinces retenues par en vue de la tenue des élections des gouverneurs et vice gouverneurs. L’Avocat Général près la Cour de cassation de Kinshasa/Gombe avait envoyé à Atou Matubuana un mandat de comparution. Rappelons que c’est seulement le 5 septembre 2021 que le ministre de l’Intérieur, Okito Aselo, a exécuté la décision de destitution d’Atou Matubuana par l’Assemblée provinciale du Kongo Central pourtant prise depuis décembre 2019.

 Clément Muamba