RDC : l'actualité de la semaine vue par Angèle Makombo

Photo/ Droits tiers
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D'une rentrée des classes marquée par la grève des enseignants au manque de consensus entre les religieux dans la désignation du président de la CENI, en passant par la motion contre le ministre des PTNTIC liée à la taxe RAM ainsi que la publication d'un rapport faisant état de plus de 300 accusations de sorcellerie envers les femmes, la semaine qui s’achève a connu une actualité dense. Tous ces faits sont analysés ce 10 octobre par Angèle Makombo.

Bonjour Madame Angèle Makombo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? 

Angèle Makombo : Bonjour Desk Femme et merci. Je détiens une Maitrise en Droit des Affaires de l’Université de Paris I-Panthéon Sorbonne et un Diplôme Supérieur de Sciences Politiques de l'Institut d’Etudes Politiques de Paris (SciencesPo Paris), un Diplôme de l’institut d’Etudes Judiciaires de l’université de Paris I-Sorbonne et un Certificat de Réussite à l’Examen d’Entrée au Centre de Formation Professionnelle des Avocats de Paris (CFPA). Fonctionnaire International au siège de l’Organisation des Nations Unies à New York pendant près de 24 ans (1987-2011), j’ai occupé différentes fonctions dont  celui de Conseillère Politique Principale en charge des questions africaines au Cabinet du Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan et du Secrétaire général Ban ki Moon. J’ai également été Juriste au Bureau Juridique de l’ONU ainsi qu’Attachée de Presse au Département de l’Information. 

Depuis septembre 2014, je suis Conseillère de la République/Membre du Conseil Economique et Social de la RDC, servant dans la Commission Environnement et Ressources Naturelles. Depuis 2011, je suis Présidente Nationale du Parti politique dénommé la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC), membre de l'Union Sacrée de la Nation. Depuis octobre 2018, je suis Manager de la Polyclinique/Centre de santé et de bien-être familial Dr Makombo Mutamba (PDMM), Yolo Sud, C/Kalamu, Kinshasa.

L’actualité de la semaine a été marquée par une rentrée scolaire très timide. Dans plusieurs écoles du pays, les enseignants ont grevé. Suite à cela, le ministère de l’EPST a procédé à la désactivation de la fiche de paie de quelques enseignants des écoles catholiques (Collège Boboto et Lycée Bosangani). Que pensez-vous de cette mesure qui pourrait s’élargir à d’autres établissement selon le ministère ?  

Anģèle Makombo : les tensions sociales sont perceptibles dans divers domaines d’activités socio-économiques, dont l’enseignement, la santé, la justice etc…Hier c’était les médecins qui donnaient de la voix, aujourd’hui ce sont les enseignants dont la plupart ne répondent pas présents en ce moment crucial de la vie nationale que représente la rentrée scolaire. Ils sont en grève. Pourquoi ? Parce qu’ils protestent contre de nombreux mois d’arriérés de salaires, contre de maigres salaires qui ne leur permettent pas de prendre en charge leurs familles, ils protestent aussi contre de mauvaises conditions de travail. La grève des enseignants affecte l’éducation de nos enfants mais en même temps, il faut reconnaitre que la grève est un droit reconnu par la Constitution (Article 39) et que les revendications des enseignants sont légitimes. Au Gouvernement des Warriors d’engager et d’intensifier des pourparlers pour répondre aux préoccupations des enseignants. A cet égard, je ne pense pas que la décision du Ministère de l'EPST de désactiver de la fiche de paie des enseignants grévistes soit appropriée. Cette décision malheureuse manque d’humanité et risque d’envenimer plutôt que d’apaiser les tensions sur le front social.

Entre temps, les discussions entre le gouvernement et le banc syndical des enseignants pour évaluer l'application de l'accord de Bibwa n’aboutissent pas, malgré quelques promesses du gouvernement et une somme de 40.000 FC (milieu rural) et 20.000 FC (milieu non-rural) qui a été ajoutée à l’enveloppe de chaque enseignant. Quelles suggestions feriez-vous aux deux parties pour sauver l’année scolaire 2021-2022 ? 

Angèle Makombo : il faut que le Gouvernement des Warriors intensifie ses discussions avec les syndicats des enseignants afin de trouver des pistes de solutions et conclure des accords acceptables pour tous. Mais une fois les accords conclus, il faut absolument que le Gouvernement respecte et applique ces accords, ce que le Gouvernement ne fait pas toujours : ce dernier conclut parfois de beaux textes sur le papier, mais tarde ensuite à les appliquer. Résultat : la confiance est rompue entre l’Exécutif et les partenaires sociaux.

Deux reports ont été enregistrés concernant la poursuite de l’examen de la question orale avec débat sur la taxe RAM. Les députés nationaux, membres de la plateforme politique FCC ont officiellement lancé la récolte des signatures pour la motion de défiance contre le ministre des PTNTIC Kibasa Maliba après avoir observé ce blocage. Selon vous, cette motion pourra-t-elle aboutir ?

Angèle Makombo : les reports concernant la taxe RAM à l’Assemblée nationale sont regrettables. Le peuple congolais préoccupé par les méfaits de cette RAM qui entament son maigre pouvoir d’achat, s’impatiente. A ce stade, j’ignore si la motion de défiance contre le Ministre des PTNTIC aboutira, mais il y a des risques.

La ministre d’Etat, ministre de la Justice a inauguré le pavillon 9 de la prison de Makala, réservé aux détenus femmes et remis une centaine de matelas pour permettre à ces femmes de dormir dans de bonnes conditions. Sachant que les conditions carcérales des prisons congolaises sont décriées par les organisations de droits de l’homme, que pensez-vous de cette action de la ministre ? Des recommandations ? 

Angèle Makombo : je salue la détermination et les actions de la Ministre de la Justice visant à améliorer les conditions carcérales dans les prisons congolaises et l’encourage à poursuivre ses efforts.

Un rapport du BCNUDH note d’importantes avancées dans la lutte contre l’impunité liée aux violences sexuelles en temps de conflit et des mécanismes de prise en charge des victimes en RDC. Notamment la ligne verte et des centres intégrés des services multisectoriels pour apporter une assistance holistique aux victimes de violences basées sur le genre. Que pensez-vous de ce rapport ?

Angèle Makombo : les rapports périodiques du BCNUDH épinglent souvent et à juste titre les défaillances fréquentes de notre pays en matière des droits de l’homme. Il y a donc lieu de se réjouir aujourd’hui de son rapport, dont je n’ai pas encore pris connaissance, qui relève d’importantes avancées dans la lutte contre l’impunité liée aux violences sexuelles en temps de conflit et en matière de mécanismes de prise en charge des victimes.

Le même rapport indique aussi que les membres des Forces armées de la République démocratique du Congo et la Police nationale congolaise continuent de figurer parmi les principaux responsables des violences sexuelles commises contre 222 et 75 victimes respectivement. Que faire pour mettre fin à cette forme de violence opérée par les hommes en uniforme ? 

Angèle Makombo : Comment mettre fin aux violences sexuelles commises par les hommes en uniforme? Mettre fin à l’impunité en sanctionnant sévèrement les coupables, surtout les récidivistes. Les suspendre, les écarter de nos forces de sécurité. Les dénoncer publiquement et régulièrement (avec leurs noms et photos) au sein des communautés, dans les médias et réseaux sociaux. Mais la sanction doit être précédée, accompagnée de la prévention : savoir recruter des éléments intègres, les sensibiliser, savoir les former et promouvoir une formation continue sur ces questions.

Entre temps, de juin à septembre dans le Sud-Kivu, l'association des Femmes des médias a documenté plus de 500 cas de violences faites à la femme sous différentes formes. Notamment 324 cas d'accusations de sorcellerie. Les femmes victimes sont souvent livrées à la justice populaire. Que faire pour lutter contre ce phénomène qui prend de l’ampleur ?  

Angèle Makombo : il faut mener des campagnes régulières de sensibilisation au sein des familles et des communautés. Ne pas oublier de mener ce genre de campagne aux niveaux des écoles, des médias et des réseaux sociaux. Identifier et former des leaders traditionnels et religieux au sein des communautés sur ces questions. Ces derniers pourront à leur tour éduquer les populations. 

En sports, les Léopards se sont imposés (2-0) face aux Barea de Madagascar, jeudi 7 octobre, au stade des Martyrs de la Pentecôte de Kinshasa. C’était à l’occasion de la 3ème journée des éliminatoires de la Coupe du monde, Qatar 2022. Deuxième avec 5 points, ils seront face à la même équipe pour un match-retour à Antananarivo. Quelles sont vos attentes de la part de l’équipe nationale ? 

Angèle Makombo : félicitations à nos Léopards pour la victoire 2-0 face aux Barea de Madagascar qu’ils ont offerte au peuple congolais jeudi dernier au Stades des Martyrs. Mes attentes pour le match retour à Antananarivo ?  Une victoire évidemment 3-0 !      

Un dernier mot ?

Angèle Makombo : c’est un spectacle désolant que les confessions religieuses offrent au peuple congolais en ne parvenant pas à se mettre d’accord pour la désignation du leadership de la CENI. Nous avons droit à un match de ping pong marqué d’accusations des uns contre les autres ! L’Eglise n’est visiblement plus au milieu du village(…) Or le temps presse. Il est donc temps de songer à modifier prochainement le mode de désignation des leaders de la CENI en retirant aux confessions religieuses cette noble responsabilité.

Propos recueillis par Prisca Lokale