Confidences du chauffeur du ministre :
… Cela s’est passé il y a une semaine. Incapable de me lever le matin pour le cabinet à cause d’un sérieux ennui de santé dans le dos, j’ai tenté d’appeler le directeur de cabinet afin de présenter mes excuses. Pas de réseaux. Et pourtant je venais de faire le plein de crédits-téléphone. J’ai encore tenté : deux fois, trois fois ; rien. A chaque fois, pour toute réponse, seule une voix de femme, voix polie mais impersonnelle, sans état d’âme.: « Votre correspondant est fermé ou hors du périmètre cellulaire… ». Ce qui avait la vertu de chauffer mes nerfs. De guerre lasse, j’ai tenté d’appeler la secrétaire particulière de notre ministre. Rien, la même voix féminine, protocolaire, mécanique et métallique : « Votre appel a été transféré, veuillez attendre ou fermer ». J’ai choisi naïvement d’attendre. En vain. J’ai alors appelé le garde du corps de son Excellence monsieur le ministre. Toujours la même réponse désobligeante, et cette fois en lingala : « Allô-Allô ekangemi ; benga na sima». J’ai poussé un juron impoli à l’adresse de la femme-fantôme au téléphone. Puis j’ai pris mon courage à deux mains (‘mes courages à quatre mains’, comme disent les Kinois) ; j’ai directement appelé notre patron le ministre d’Etat en charge des Questions Statistiques et Tactiques. Et j’ai attendu presqu’au garde-à-vous la réponse ministérielle. Rien. Voix de femme en swahili : « tshombo yako iko mubaya ». J’ai insisté. Rien. Même voix et même propos de la même femme en kikongo puis en tshiluba. Voix égale, imperturbable.
Je suis alors rentré chez le vendeur-ligablo des crédits-téléphone. Boutique-ligablo fermée. Cela a suffi pour susciter des soupçons dans ma tête. Hélas, je dois avoir été roulé ! J’ai alors fait le scandale du siècle : j’ai tempêté, tempêté comme un fou. Tempêté contre la femme standardiste ; contre le vendeur –ligablo ; mais aussi contre le dircab, contre la secrétaire particulière, contre le garde du corps, ainsi de suite… Je tempêtais surtout contre le silence des membres et responsables de notre cabinet ministériel, contre le fait que tous faisaient semblant d’être tous très occupés et au même moment. Furieux, j’ai décidé de transformer, pour ainsi dire, mon congé-maladie en grève personnelle … perlée.
… C’est le soir au journal parlé de la télé que j’apprendrai la nouvelle ou plutôt la double nouvelle : celle du RAM, « Recette à Miracles », selon un député … dépité par « cette taxe surnuméraire contre-nature, contre-tshombo ». Et, plus tard, coup sur coup, les radios internationales nous surprendront en indiquant qu’il y aurait eu un immense clash planétaire de Facebook et Whatsapp. Que toutes les communications, tous les messages, tous les transferts étaient K.O. Le comble de la confusion…
… C’est finalement un technicien phaseur, un débrouillard des ateliers de l’électronique à ciel ouvert de Beautour –City à Gombe, qui me révèlera la vérité : primo, la RAM était une réalité, dure réalité, mais réalité cousue de fil blanc et passablement tortueuse ; secundo, ce sont les as et les champions des ateliers à ciel ouvert de Beautour-City de la Gombe qui ont découvert la panne planétaire de Facebook et qui ont miraculeusement débloqué la situation. Bien entendu, chuttt, tout ça (RAM ou FACEBOOK), tout ça reste …confidence !
(YOKA Lye)
07-10-2021