RDC : l’actualité de la semaine vue par Sandrine Lusamba

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De la nomination de Mme Malangu Kabedi Mbuyi à la tête de la BCC, à la création par le Chef de l’Etat du PDDRC-S, en passant par l’appel de Bintou Keita aux Nations Unies sur la tenue des élections en 2023, la semaine a été riche au niveau de l’actualité. Le Desk Femme vous propose de revenir sur ces faits marquants avé Sandrine Lusamba Taly, activiste des droits humains et Coordonnatrice de Sofepadi.  

 

Bonjour Madame Sandrine Lusamba et merci de nous accorder de votre temps. La semaine qui s’achevée a été particulièrement marquée par la nomination de deux femmes à des postes directionnels au sein de la BCC. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ? 

 

Sandrine Lusamba : la nomination de Madame Malangu et Madame Munkeni représente un pas dans notre combat pour la représentativité effective des femmes à tous les niveaux des instances de prise de décisions. C'est donc une avancée significative pour cette lutte. Cela montre aussi la volonté du Chef de l'État de pouvoir impliquer la femme dans la gestion publique et remettre la femme dans ses droits. C'est une première fois depuis la création de la Banque centrale du Congo et elle a été saluée par les organisations féminines et par la population. 

 

Parmi les défis à relever pour la nouvelle équipe dirigeante, il y a notamment celui de maintenir la stabilité monétaire du pays, renforcer l'autonomie de la banque centrale suivant les recommandations du FMI, organiser la concrétisation de l’accord de prêt de 1,5 milliard de dollars sur trois ans. La nouvelle équipe y parviendra-t-elle selon vous ? 

 

Sandrine Lusamba : notre monnaie a vraiment perdu sa valeur suite à la situation économique qui ne s’améliore pas. C’est un grand défi pour l’équipe, mais je pense qu’avec une bonne stratégie et beaucoup de maitrise du secteur, elle va pouvoir y arriver. En parcourant les CV de ces deux femmes, je me rends compte qu’elles ont une bonne connaissance et la maitrise du secteur de l’économie et de la monnaie. Même en ce qui concerne les recommandations du FMI, je pense qu’elles vont pouvoir s’en sortir. Leur réussite implique également l’accompagnement du gouvernement central.

 

Les tueries se poursuivent au Nord-Kivu malgré l’Etat de siège prorogé pour la troisième fois consécutive. Trois civils ont été tués par balles dans le secteur de Ruwenzori, le 05 juillet. Quelles propositions feriez-vous au gouvernement pour la réussite de cette opération ? 

 

Sandrine Lusamba : la situation de l’insécurité au Nord-Kivu, tout comme en Ituri, malgré l’Etat de siège étonne. Nous avions cru au début que cette opération apporterait de la lumière. Il y a eu hier samedi, une incursion dans une commune de Beni, on a découvert qu’il ne s’agissait même pas des ADF mais des voleurs à mains armées. C’est pour montrer que la situation a pris une autre tournure. Des individus au sein de la population se livrent à des actes qui n’honorent pas. Je pense qu’un inventaire physique des troupes s’avère important mais aussi des militaires, miliciens, ADF, et autres. Cela va permettre aux gouverneurs militaires de bien accomplir leur mission. Je reste confiante. Bien que l’Etat de siège ait aussi apporté une difficulté, notamment l’accès à la justice, mais avec des nouvelles décisions, je pense que certains dossiers non-militaires vont pouvoir bénéficier d’un accompagnement juridique.   

 

Le Chef de l’Etat a également créé au cours de la semaine, un service rattaché à la présidence destiné au désarmement, démobilisation relèvement communautaire et stabilisation (PDDRC-S). Ce service se veut plus cohérent et plus efficace dans la réinsertion des démobilisés notamment par la prise en charge des anciens combattants. Que faudrait-il mettre en place pour avoir des résultats probants? 

 

Sandrine Lusamba : il y a déjà eu en RDC, des grands projets destinés à appuyer la réinsertion des personnes démobilisées. Je pense qu’il faudra d’abord faire un bilan de ces projets DDR, évaluer les résultats qu’ils ont pu apporter et savoir ce qu’il faut faire actuellement pour que le nouveau département mis en place par le Chef de l’Etat puisse avoir des réels impacts. Le programme d’actions élaboré pour accompagner ce département présente-t-il des différences par rapport aux précédents programmes DDR ? Et donc, évaluer, relever les forces et faiblesses ensuite apporter des solutions durables.

 

Bintou Keita a appelé les Nations Unies à veiller sur la tenue des élections en 2023. Pendant ce temps, le Chef de l’Etat a aussi promulgué la loi sur la composition de la CENI. Pensez-vous que cette promulgation traduit la volonté de Félix Tshisekedi à organiser les échéances électorales de 2023 ?

 

Sandrine Lusamba :  la tenue des élections en 2023 devrait être une effectivité parce que le Chef de l’Etat avait promis à la population de tout organiser dans les temps et nous attendons tous. Il y a déjà des mécanismes qui sont en train d’être mis en place, la loi sur la CENI vient d’être promulguée et cela traduit la volonté de donner au peuple la chance de se choisir ses dirigeants. Mais, le grand point concerne l’identification de la population. Si cela doit être réalisé, il faudra le faire dans les délais.  

 

Dans une récente interview, le Chef de l’Etat a exprimé son désir de se représenter aux prochaines élections. Que faudrait-il pour des élections crédibles et transparentes selon vous ?

 

Sandrine Lusamba :  nous avons tous suivi ces déclarations du Chef de l’Etat, manifestant le désir de se maintenir au pouvoir ou sollicitant l’appui de la population pour le prochain mandat. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose, d’autant plus que nous devrions passer par des élections et des élections crédibles. Si le lectorat lui accorde un nouveau mandat, tant mieux. Mais si la population évalue et se rend compte que les réalisations ne sont pas celles attendues, ce sera à elle de décider à travers les élections. Nous souhaitons vivement que les prochaines élections soient vraiment crédibles, qu’elles rencontrent les attentes de la population et expriment sa volonté.     

 

Il y a également ce souhait de Félix Tshisekedi, de se faire succéder par une femme. Quels sont pratiquement les mécanismes à réunir pour qu’une femme soit enfin élue pour la première fois « Chef de l’Etat » en RDC ?

 

Sandrine Lusamba : comme à tous les niveaux, les femmes font face à de nombreuses barrières. Au sein des partis politiques, dans l’administration publique ou privée. Nous avons beaucoup martelé sur la volonté politique parce qu’aucune loi ne soutient la non-représentativité des femmes. Cependant, celles qui soutiennent l’égalité ne sont pas respectées, mises en œuvre. Si elles pouvaient être mises en application à partir des partis politiques, de sorte que la femme n’y soit pas uniquement pour chanter ou faire des éloges, si elle est prise à sa juste valeur, cette volonté du Chef de l’Etat sera réalisée. Mais aussi, les femmes sont là, nous organisons des séances de renforcement des capacités des femmes pour se faire représenter à tous les niveaux. Même si le summum est d’atteindre la présidence de la République, déjà si l’égalité est de mise au niveau des postes des municipalités, aux assemblées nationale et provinciales, cela deviendra une réalité un jour. Ce ne sont pas les femmes compétentes ou à la hauteur des attentes qui manquent. La propagande, la campagne électorale impliquent énormément de fonds. Il faudrait mettre en place des services qui puissent appuyer les femmes en politique ou dans la vie socio-économique. Elles devraient avoir l’accès aux crédits, à des finances durables, à des espaces pour présenter leurs projets.  

 

Un dernier mot pour terminer ?

 

Sandrine Lusamba : j’ajouterai le fait qu’il y a énormément de choses à faire. En dehors de la situation de la femme en général, il y a aussi la situation de l’enfant (l’accès à l’éducation, la scolarisation, la santé et d’autres services sociaux de base et aux services de SSR) qui pose problème. Le gouvernement devrait à chaque niveau démontrer par des actions, sa volonté de pouvoir remonter la pente. Chaque jour, il y a des écarts qui se créent entre la population des milieux urbains et celle des milieux ruraux. Nous restons confiants, espérons qu’il y aura un changement.

Propos recueillis par Prisca Lokale