Etat de siège : la reprise des activités dans les juridictions civiles accueillie favorablement au Nord-Kivu

Palais de justice de Goma/Ph ACTUALITE.CD

Les activités ont repris depuis jeudi 8 juillet 2021 dans les juridictions civiles du Nord-Kivu, soit après deux mois de suspension suite à l’état de siège. Cela devrait être le cas pour l’Ituri également sous état de siège. Les acteurs de la justice et autres justiciables au Nord-Kivu saluent cette mesure de la ministre d’État, ministre de la justice et garde des sceaux, Rose Mutombo, autorisant la reprise du traitement des dossiers non répressifs au sein des juridictions civiles.

Le vice-président de l'Assemblée provinciale du Nord-Kivu, Me Jean Paul Lumbulumbu croit que cela va résoudre le problème de dysfonctionnement de l'appareil judiciaire vécu depuis la militarisation de l’administration suite à l’état de siège.

« Depuis que l’état de siège a été proclamé, il était clairement dit dans l’ordonnance que les compétences pénales des juridictions civiles étaient dévolues aux militaires et non les compétences civiles des juridictions civiles. Mais depuis le début de l’état de siège, les compétences civiles des juridictions civiles n’étaient pas exercées. Ce qui a créé un dysfonctionnement total dans le secteur de la justice occasionnant des règlements des comptes et la justice populaire parce que les justiciables des juridictions civiles ne savaient plus à quelle porte toquer pour que leurs questions soient vidées et cela allait affecter malheureusement négativement l’état de siège dont l'objectif était pourtant de ramener l’ordre public, la paix et la sécurité », a dit Me Jean Paul Lumbulumbu, également avocat au barreau de Kinshasa-Matete et du Nord-Kivu.

Dans un communiqué officiel, le premier président de la cour d'appel  du Nord-Kivu, Collin Mbamba, a informé les avocats et les justiciables de la reprise des audiences en matières non répressives (ndlr : civiles, commercial, du travail et administratives) ainsi que des tribunaux pour enfants sur toute l’étendue de la province du Nord-Kivu dès ce jeudi 8 juillet 2021.

Cette reprise est saluée par les avocats du Nord-Kivu.

«Aujourd’hui, c'est chose faite. Ces juridictions commencent à fonctionner pour des matières autres que pénales. Cela veut dire que les juridictions civiles demeurent compétentes pour connaître des affaires civiles, commerciales, sociales et administratives. Aujourd’hui, c'est fait. Nous remercions vivement la ministre. Nous remercions également toutes les autorités ordinales des barreaux du Nord-Kivu et de l'Ituri ainsi que toutes les autorités judiciaires qui se sont mobilisées pour que la réouverture des juridictions civiles soit effective. Nous remercions toute la population de la ville de Goma qui nous a accompagnés tout au long des démarches que nous avons eu à mener pour que les juridictions civiles puissent continuer à fonctionner dans les deux provinces », a pour sa part indiqué Me Éric Birindwa, avocat au barreau du Nord-Kivu.

L’impact de l’état de siège sur le fonctionnement de la justice au Nord-Kivu était au centre des échanges, jeudi 24 juin 2021 entre le gouverneur militaire, le lieutenant général Constant Ndima et le bâtonnier de l'ordre des avocats du Nord-Kivu, Me Abel Ntumba.

Au-delà du surpeuplement habituel des prisons, il a été évoqué une augmentation exagérée des détenus dans des prisons en province.  À la prison centrale de Goma, dite « Munzenze » par exemple, plus 2 900 prisonniers ont été dénombrés pour une capacité d'accueil de 150 pensionnaires.

« C'est de la bonne interprétation de l’ordonnance du Président de la République sur l’état de siège que résulte cette réouverture des juridictions civiles. Nous estimons que cela va aider à finaliser certains dossiers qui étaient pendants devant les juridictions mais nous savons aussi que les juridictions militaires disposent du nombre réduit des magistrats. On se posait la question de savoir comment ces juridictions pourraient-elles s'en sortir avec tous les dossiers qui existent au Nord-Kivu. De notre côté, nous voulons le désengorgement des juridictions militaires pour aider la population à obtenir justice devant les juridictions civiles mais dans ces juridictions aussi, il y avait un manque de célérité dans le traitement des dossiers. Donc, il faudrait peut-être exercer un contrôle régulier et même une pression énorme aux magistrats civils qui doivent travailler en toute célérité sur les dossiers dont ils disposent », a pour sa part réagi Placide Nzilamba, secrétaire technique à la coordination provinciale de la société civile forces vives du Nord-Kivu.

L'ordonnance du Président de la République portant mesures d’application de l’état de siège, à son article 6, ne transfère que la compétence pénale des juridictions civiles aux juridictions militaires. Concrètement, les juridictions et offices de l’Ituri et du Nord-Kivu vont fonctionner dans les limites tracées par l’Ordonnance du 3 mai 2021 portant mesures d’application de l’état de siège et ce, conformément à l’article 156 de la Constitution.

Jonathan Kombi, à Goma