CHRONIQUE  LITTERAIRE DU PROF YOKA: « une  saison  dans  l’enfer  de  l’Est  de  la  R.DC »

ACTUALITE.CD

Confidences   du  chauffeur  du  Ministre

… En route vers   la  résidence de mon patron l’ex-ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques. Nous sommes à deux ; lui mon patron a désormais choisi,  dans  la  voiture,  de  s’installer, non plus  sur la banquette arrière des VIP, mais sur le siège avant, à côté de son  chauffeur  que je suis (réaction sans doute provisoire  en attendant la fin probable du chômage technique…). Et   donc,  assis à côté de moi, comme un peu au confessionnal, mon ex-futur ministre  « en réserve de la république » (selon ses propres termes), laisse de plus en plus échapper  des bouffées de confidences inédites. Aujourd’hui, à l’ordre du jour  de ses  … confidences : la situation à l’Est de la RDC. Il m’indique              à ce sujet un article récent    dans un journal déposé sur ses genoux.

… Terminus. Dès qu’il   a   débarqué de la voiture, au parking de sa résidence, mon  patron    a laissé choir  le journal, sans doute par dépit et par révolte. J’ai ramassé le journal, et voici textuellement ce  que   j’y ai  découvert   comme infos :

«  La routine, c’est-à-dire au quotidien,   le  nombre impressionnant  des citoyens égorgés comme des riens, comme des chiens galeux. Et jetés    pêle-mêle, couci-couça, dans des fosses communes. La routine ? Les mêmes, toujours les mêmes « présumés massacreurs », à savoir : le même pandémonium sulfureux de guérilleros  AFDLR à  la petite semaine, et  les nouveaux  maffiosi des tropiques, en vérité trafiquants des grands chemins des « minerais de sang ». La routine :   les mêmes  « présumés  guerriers indigènes », le corps bardé de fétiches, et champions assermentés de cannibalisme sanguinaire. La routine, c’est-à-dire les forces armées loyalistes impuissantes ; et la MONUSCO-Ponce-Pilate,  mais   mercenaire  à  ses heures perdues (« circulez, dit-elle à chaque fois,  ‘y a rien à voir ici »).    La routine :   les   cassandres     et les  VIP locaux, maestros de  la langue de bois et des mises en scène faussement larmoyantes à la télévision. La routine ? Un   pays littéralement  coupé en deux : d’une part à l’Ouest, une capitale épicurienne (malgré la fréquence record en ce moment des déluges apocalyptiques…), perdue dans le tourbillon    des vrais-faux pronostics sur  tout et rien, perdue  dans la ritournelle des  vrais-faux suspenses sur les vraies-fausses douleurs d’enfantement du prochain gouvernement ; capitale perdue aussi  dans  des vraies –fausses rumeurs d’un  couvre-feu et d’un vaccin anti-Covid    d’avance … cadavérés !  Mais  d’autre part, à l’Est : des bruits de botte   lancinants   à  peine  couverts   par  les sanglots  longs    des femmes violées, et par les cris des enfants kwashiorkorés.  La routine ? Les vraies-fausses statistiques sophistiquées   des   vrais-faux « experts » et des humanitaires à l’affût et à l’appât de la mort (la  mort  comme  alibi  de leur contrat)…  La routine enfin, c’est-à-dire   vent  debout à Goma, Rutshuru,   Walikale, Beni, Bunia, Butembo, Aru, Bukavu,  Fizi, Kamanyola, Minembwe, de  la   part  des jeunes   et   des femmes mobilisés contre la guerre, contre les fausses dévotions politiques, diplomatiques, prophétiques ; mais jeunes et femmes adeptes de la paix : en  vue de  l’épiphanie des matins enfin radieux, en vue des   ivresses de la liberté enfin conquise ;  en vue   des arômes, des goûts  inspirés   des saisons  enfin fécondes. Car pour cette génération révoltée, la paix se gagne ! »

… Fin de citation de l’article. Je froisse le journal et le jette avec rage dans la poubelle de la cour ministérielle. Mais avant de prendre congé de mon patron l’ex-ministre, je  me  ravise, et   je   récupère  du   fond  de  la poubelle ce brûlot de journal.

Pour moi, ce  témoignage  du journal  est   une pièce à conviction au présent. C’est un aide-mémoire au futur…

 

(YOKA  Lye)

12-04-2021