André Flahaut sur ACTUALITE.CD: « En Belgique, nous avons le devoir de regarder en face le soleil de cette Indépendance pour mieux lutter contre les tendances néocoloniales »

André Flahaut, Ministre d’État

ACTUALITE.CD vous propose une série de sujets en lien avec le 60e anniversaire de l’indépendance de la RDC. Des tribunes, des portraits, des interviews sur certains aspects de la vie du pays et dans divers secteurs.

Aujourd'hui, la rédaction vous propose cette tribune écrite pour ACTUALITE.CD par André Flahaut, Ministre d’État.

Edition spéciale sur ACTUALITE.CD et tous ses environnements numériques.

Le 30 juin 1960, le soleil de l’Indépendance se levait enfin sur le Congo et sur son peuple. Fruit d’un désir de liberté ; conquise dans le sang et les larmes, l’Indépendance venait ouvrir la voie singulière d’une Histoire à écrire. Une voie que le Congo allait désormais pouvoir emprunter de façon autonome ; une voie nourrie par la conscience d’un passé sans oubli et la volonté résolue d’un avenir à soi.

Ce 30 juin à Léopoldville, capitale qui six ans plus tard deviendra Kinshasa, le Premier ministre Patrice Lumumba évoque en son discours la grandeur de cette date et le sens de l’Histoire qui l’habite ; une date qui contient en elle toute la fierté du peuple congolais et l’illustre mémoire de ses luttes.

Lumumba lègue alors la signification de cette date frappée du sceau de l’émancipation aux enfants du Congo et aux enfants de leurs enfants.

Jalonnée de joies et de peines, de doutes et d’espoirs, d’incertitudes et de convictions, la voie toujours chahutée que suivent les peuples libres est à l’image de la vie et de ses imprévus.

Chaque peuple doit pouvoir décider pour lui-même.

Chaque peuple doit être traité en égal et les actes qu’il pose méritent d’être considérés à l’aune de cette égalité ; à l’aune, également, des responsabilités qu’elle implique.

Imposer aux peuples une voie ou un modèle, c’est fouler aux pieds les sacrifices qu’ils ont dû consentir et les souffrances qu’ils ont endurées ; c’est leur refuser le soleil de l’Indépendance et celui incandescent de la liberté.

60 ans plus tard, un certain mois de mai aux États-Unis, le soleil de George Floyd s’éteignait à jamais, un genou assassin plaqué sur son cou. George Floyd est mort parce qu’il était noir.

60 ans séparent le discours de Patrice Lumumba et la mort de cet homme dont les 8 minutes 46 secondes d’agonie racontent d’un coup 60 ans d’Histoire.

L’un et l’autre nous parlent du même racisme et de ses ravages ; de son actualité et des révoltes qu’il fait naître ; des humiliations subies et des actes posés pour en assurer la réparation.

En Europe comme aux États-Unis, ici comme ailleurs, le racisme continue de sévir au présent. Le racisme n’est pas mort. Il stigmatise. Il ségrègue. Il blesse. Il violente. Il tue.

Pourtant, malgré les heurts, malgré les drames, le soleil de l’Indépendance n’en finit pas d’éclairer le combat émancipateur de toutes les sœurs et de tous les frères en Humanité ; le combat pour l’égalité et la justice ; le combat pour la liberté.

Ainsi, prenons conscience du travail à mener pour que la couleur de la peau, les origines ou les croyances ne puissent servir demain à rabaisser encore les femmes et les hommes de ce monde.

Dès lors, 60 ans après l’Indépendance du Congo, rappelons que cet anniversaire est d’abord et avant tout celui du peuple congolais.

Cette célébration lui appartient en propre. Nul ne saurait lui en confisquer la signification.

En Belgique, nous avons le devoir de regarder en face le soleil de cette Indépendance pour mieux lutter contre les tendances néocoloniales ou paternalistes qui, trop souvent, pourrissent les relations entre l’Europe et l’Afrique. Des tendances face auxquelles nous avons d’urgence un travail à mener.

Nous n’avons pas de leçons à donner ; aucun modèle à imposer.

Toutefois, nous pouvons œuvrer, main dans la main, avec nos sœurs et frères d’Afrique, celles et ceux du Congo en particulier, pour construire à leurs côtés un monde plus prospère et plus juste ; un monde plus humain et moins raciste.

Plus que jamais, je nourris l’espoir de voir s’épanouir entre nos peuples des liens nouveaux fondés sur la confiance et la compréhension mutuelles.

Puisse le soleil de l’Indépendance nous aider à trouver le chemin d’un partenariat solidaire, respectueux et ouvert. Ce partenariat, je l’appelle de mes