Rachat et transformation de la résidence de Papa Wemba en musée, Professeur Yoka plaide pour une stratégie globale et à long terme de politique culturelle

Papa Wemba. Ph. Droits tiers.

Sur ACTUALITE.CD, Professeur Yoka Lye Mudaba, Directeur Général de l’Institut National des Arts (INA) a apporté sa contribution dans le débat autour de la proposition du gouvernement de racheter la résidence de l’artiste Papa Wemba et de sa destination comme musée. 

  • Il faut féliciter ce geste d’empathie du gouvernement par rapport  à la misère des artistes et de leurs familles et, mine de rien, ils sont nombreux
  • Bien entendu la mort sur scène de Wemba continuera à amplifier l’émotivité générale survenue du drame;
  • Mais le cas de Papa Wemba est à extrapoler: comment ont fini les Joseph Kabasele, Franco Luambo, Tabu ley, Nico Kasanda, Lucie Eyenga, Kester Emeneya, Abeti Masikini, Masengo ou Bukasa, Empompo Lowayi, Mpongo Love, Wendo, Pepe Kalle, etc.: tous sont morts misérablement. Et un bon nombre d’entre eux sont morts pratiquement sur scène : Franco en Hollande, et Tabu ley à la suite de prestations artistiques emblématiques à Cuba et au périple harassant, etc. 
  • Papa Wemba n'est pas le "roi de la Rumba ". Il y a eu dans notre pays, surtout depuis les années '40-50, nombreux "rois " et "princes" des Rumba (au pluriel), certains reconnus comme des pionniers (comme Wendo ou Kalle), d’autres comme de vrais "maitres" (comme Franco, Tabu ley ou Nico ou Eyenga...). Wemba s’inscrit dans une filiation, celle de Tabu Ley dont il a été d’ailleurs disciple en termes notamment d’ inspiration poétique et d’auto-marketing.`
  • La politique culturelle du pays devrait favoriser des promotions globales, concertées et durables. L’idée d’un musée n’est pas mauvaise, pourvu qu’elle soit thématique et consignée (encore faudrait -il y mettre un contenu attractif et substantiel dans un endroit qui a pignon sur rue);
  • Je plaide donc pour un haut-lieu fédérateur (comme la Place des Artistes à  Kinshasa, ou celle du Cinquantenaire à Lubumbashi) et vraiment INTERDISCIPLINAIRE ( toutes disciplines artistiques et littéraires confondues): sorte de Panthéon qui consacre les meilleurs des meilleurs ;
  • Il existe une Commission nationale du Patrimoine et une autre consacrée à la promotion nationale et internationale de la Rumba congolaise. D’ailleurs c’est seulement en 2017 que cette Rumba congolaise a été officiellement reconnue comme "patrimoine culturel immatériel national ". Cela a été un long processus d’inventaires par des spécialistes. Donc on ne devient pas "patrimoine culturel national " sans étude historique et scientifique approfondie.  D’ailleurs, en ce moment un des grands défis est l’inscription de la Rumba congolaise sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité ;
  • En attendant l’affaire de la maison à vendre de Papa Wemba est à considérer sur deux plans: culturel, patrimonial d’une part; et d’autre part humanitaire. Je comprends le volet humanitaire qui honore les autorités politiques nationales, mais que faire des autres familles éprouvées? Quant au volet patrimonial et culturel, je le répète, il faudrait l’inscrire dans une stratégie globale et à long terme de politique culturelle, de promotion des droits d’auteur et des industries créatives en RDC.
  • Cela étant, toutes choses étant égales par ailleurs, et tout artiste ayant ses ombres et ses lumières, Papa Wemba a été une voix qui a formidablement porté, et qui compte dans la vaste et complexe histoire des beaux-arts et des belles-lettres en Rdc et en Afrique. ..

Pr Yoka Lye

Dg. INA et Président de la Commission nationale/Rumba.

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