La ministre de la fonction publique, Yolande Ebongo Besongo a pris, le 16 avril dernier, un arrêté portant mise en place et affectation des secrétaires généraux de l’administration publique. Cet acte contesté par certains syndicalistes a poussé la Présidence à réagir en date du 27 avril à travers le directeur du cabinet adjoint de la Présidence de la république, qui a agi au nom du Chef de l’Etat. Et ce, après une réunion entre le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, la ministre de la fonction publique et le Dircaba du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Désiré Casemir Kolongele Eberande.
Dans sa correspondance, invitant, sur instruction du Président de la République, la ministre de la fonction publique de rapporter son arrêté, Kolongele Eberande accuse la ministre de la fonction publique d’avoir violé certaines dispositions des lois dont la constitution, le statut des agents de carrière des services publics l’Etat et l’ordonnance portant règlement d’administration relatif à la carrière des agents des services publics l’Etat ainsi qu’un communiqué officiel de la Présidence interdisant le mouvement du personnel.
« L’arrêté a fait l’objet soit des concertations, soit des orientations du Premier ministre, dit la ministre ».
24 heures après le reproche de la Présidence, la ministre de la fonction publique sort son artillerie et rétorque en balayant d’un revers de la main toutes les accusations portées contre elle. Dans sa lettre sous forme de mise au point adressée au Premier ministre avec copie pour information au Président de la république, au Dircaba Kolongele Eberande et au secrétaire général au gouvernement, Yolande Ebondo, se défend et estime agir en toute légalité après « des concertations ou des orientations du Premier ministre ».
Pour ce qui est de la violation de l’article 81 alinéa 1er point 4 de la constitution, Yolande Ebengo dit n’avoir agi que conformément aux dispositions de l’article 93 de la constitution et à l’ordonnance fixant les attributions des ministères en affectant les agents nommés par les ordonnances présidentielles du 27 décembre 2018 qui restaient sans affectation. En ce qui concerne le statut des agents de carrière des services publics de l’Etat, la ministre de la fonction publique précise que l’article 19 évoqué n’a pas été violé puisque cette disposition lui confère le pouvoir d’affecter, chose faite, selon elle.
Yolande Ebongo note une mauvaise interprétation de l’ordonnance portant règlement d’administration relatif à la carrière des agents des services publics l’Etat de la part du directeur de cabinet adjoint du Chef de l’Etat. Pour elle, l’article 4 dont il est question aborde la question de l’admission sous statut et de la gestion de la carrière des agents publics de l’Etat, ce qui relève de la compétence du ministère de la fonction publique. Quant au communiqué officiel de la Présidence du 25 janvier suspendant le mouvement du personnel, la ministre déclare que celui-ci a cessé de prendre effet dès l’installation du nouveau gouvernement tout en rappelant que certains de ses collègues ont posé des actes allant dans le même sens. Au moment de l’expédition de son courrier, la ministre a notifié ses 58 nouveaux secrétaires généraux de l’administration publique en dépit de la correspondance de la Présidence.
L'usurpation du pouvoir et les incohérences de Yolande Ebondo.
L'article 19 du statut des agents de carrière des services publics de l'État alinéa 1er dit ceci : les agents sont affectés aux différents emplois correspondants à leurs grades, selon le cas, par le Président de la république, le Premier Ministre, le Ministre, le Gouverneur de province ou tout autre responsable des services publics de l'État énumérés à l'article 2 de la présente loi.
À la lumière de cet article, le droit d'affecter les agents de la catégorie A, les hauts fonctionnaires qui sont le secrétaire général, directeur général et directeur comme repris à l'article 17 de la même loi revient au Président de la république tout comme le droit de nommer les agents de catégorie A comme lui conférer à l'article 81 alinéa 1 point 4. La ministre n'a que le pouvoir d'exécuter, c'est-à-dire, notifier et établir une commission d'affectation soit collective soit individuelle et non prendre un arrêté.
En sus, Yolande Ebondo a affecté les secrétaires généraux du sénat et de l'Assemblée nationale en violation de l'article 19 alinéa 2 du statut des agents de carrière des services publics de l'État qui stipule : les agents des services administratifs des chambres du parlement sont affectés aux différents emplois correspondants à leurs grades, le cas échéant, par le Président de la république, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat.
Pour ce qui est de l'article 4 de l'ordonnance portant règlement d'administration relatif à la carrière des agents des services publics de l'État, cette disposition revient sur la mise à disposition des agents nommés et martèle sur la commission d'affectation conformément à l'article 19 du statut des agents de carrière des services publics de l'État. Elle ne parle nullement d'un arrêté pour exécuter une ordonnance présidentielle.
Des secrétaires généraux non promus par les ordonnances présidentielles mais affectés par la ministre Yolande Ebondo.
Il ressort de documents consultés par ACTUALITE.CD que 209 candidats avaient pris part au test organisé en septembre 2018 par le cabinet privé CADICEC sur appel d’offre du ministère la fonction publique, ceci dans l’objectif d’avoir de nouveaux secrétaires généraux après la mise en retraite de 2017. Les directeurs nommés par les ordonnances présidentielles, ceux commissionnés par les arrêtés ministériels et les secrétaires généraux intérimaires qui gardaient toujours le grade de directeur sont les agents qui étaient éligibles au concours. Seuls 72 ont pu obtenir le pourcentage requis soit au moins 60%. Les lauréats ont tous été nommés sur les ordonnances présidentielles N°18/143 et N°18/143B du 27 décembre portant nomination des agents de carrière des services publics de l’Etat au grade et à la fonction de secrétaire général.
A l’analyse de l’acte pris par la ministre de la fonction publique, le constat est que, seul une trentaine sur les 72 ont été affectés. Il y a des permutations de certains secrétaires généraux même ceux qui sont à la porte de la retraite mais aussi de l’affectation des agents qui n’ont pas satisfait au test et non repris sur les deux ordonnances signées le 27 décembre par l’ancien Chef de l’Etat, Joseph Kabila. Et donc, des directeurs nommés ou commissionnés en lieu et place des secrétaires généraux nommés, qui certains n’ont pas trouvé des sièges malgré la réussite au test et l'ordonnance présidentielle en mains.
Voici, à titre illustratif, quelques 5 cas.
Le secrétaire général placé à l’énergie et ressources hydrauliques sans ordonnance présidentielle, Potien Kamina Kabangu était intérimaire à l’Enseignement Supérieur et Universitaire (ESU). Ce dernier qui est un directeur commissionné aux services généraux de l’ESU avait obtenu 59,23% au concours. Il en est de même pour le secrétaire général a.i à l’Urbanisme et Habitat, Mabulema Massamba Adolphe qui n’avait atteint que 58,73% mais affecté comme secrétaire général à l’Urbanisme et Habitat pendant qu’il y a eu un certain Masimango Mbili Buleli Daniel du même ministère qui avait fait 65,07% au test et repris dans l’ordonnance présidentielle contrairement à lui. Ndambu Mwangala Odon, secrétaire général ai à la recherche scientifique non plébiscité avec ses 58,59% au concours, non repris dans l’ordonnance mais affecté au même ministère au moment où ceux qui ont fait plus, repris même dans l’ordonnance, n’ont pas été affectés.
1er plus gros pourcentage du test soit 74,65%, Mboko Iyeti Alain, a malgré tout été écarté en faveur de Tchelu Mweyemali Laurent à la santé publique. Ce dernier n’a même pas participé au concours. Mulasa Luzembi Modeste, 53,94% au test, non nommé sur ordonnance présidentielle, car déclaré perdant, a été affecté au secrétariat général aux affaires coutumières qu’il dirigeait comme intérimaire.
Certains affectés n'ont pas passé le test.
Dans cet arrêté, les secrétaires généraux affectés à la justice, à l’emploi et travail, à la défense nationale, aux anciens combattants, aux finances, aux petites moyennes entreprises et artisanat (PMEA), à l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU), à la santé publique, à l’agriculture et à la chancellerie des ordres nationaux sont les concernés, car n’ayant pas passé le test.
Fonseca Mansianga