L’année de la gratuité pour l’enseignement de base a officiellement commencé le 02 septembre en RDC. Dans certaines écoles, les inscriptions sont déjà clôturées, dans d’autres, le processus de remboursement des frais scolaires a déjà été déclenché.
Lundi 02 septembre, comme partout ailleurs c’est la rentrée des classes à Kinshasa. Il est 12 heures, au lycée Bosangani à Gombe, des centaines d’élèves dans leurs uniformes encore neufs se précipitent vers la grille en compagnie de leurs parents pour certains. Chantal est mère. Elle a trois filles dont l’une en sixième année. Cette dernière affirme que le manque de craies a paralysé l’enseignement du jour. “Le maître nous a dit qu’il n’y avait pas de craies pour enseigner. Toute la journée, nous étions assises dans la salle sans travailler,” confie l’élève.
Pour sa mère, cette première journée n’augure rien de bien pour le reste de l'année. “J’ai soldé tous les frais scolaires pour mes filles. L'école nous a demandé de passer avec nos bordereaux afin de retirer ces frais. Cependant, avec cette journée perdue, je ne pense pas être en mesure de récupérer cet argent pour le moment. Dans un premier temps, je vais d’abord observer l’évolution de cette gratuité,” précise Chantal.
Huguette Ngalula est elle aussi parent d’élève dans le même lycée. Sa fille est inscrite en 7ème. Cette mère estime que si les élèves n’ont pas étudié, c’est parce que les enseignants s’inquiètent au sujet des primes. “Les enseignants se plaignent de la date fixée pour les primes. Le gouvernement a promis de les rendre disponibles à la fin du mois d’octobre. Mais, ces enseignants ont eux aussi des enfants. Il n’y a pas de motivation sans argent. Comment vont-ils enseigner nos enfants alors qu’ils sont démoralisés ?” s’interroge-t-elle.
Effectifs en nette augmentation
A l’école primaire Saint-Pierre sur le croisement des avenues Kabambare et Kasa-vubu, les parents viennent en masse, pour inscrire leurs enfants malgré la clôture des inscriptions. “D’habitude, nous acceptons jusqu’à 30 élèves pour chacune des salles de premières années. Nous ne sommes qu’au deuxième jour de la rentrée et déjà, nous avons inscrit 55 élèves par salle de classe. Nous n’acceptons plus d’inscrire en première année” répond le surnuméraire à une femme visiblement en quête d’inscription pour son enfant.
Xavier Mpoyila, Directeur de Saint-Pierre avoue que l’école a presque doublé les effectifs cette année. “ Nous étions à 380 élèves inscrits l’année dernière. Cette année, nous avons enregistré environs 680 enfants pour l’année scolaire qui commence. J’ai demandé au surnuméraire de suspendre les inscriptions pour les classes de première année pour permettre aux élèves de s’asseoir au moins à deux par banc,” explique le directeur.
Les attentes des enseignants
José Mukwassa enseigne le cours d’histoire aux secondaires(7è et 8è) à l’école primaire d’application de l'Athénée de la Gombe. Pour elle, gratuité de l’enseignement rime avec élève et maître satisfaits. “ Dans l’enseignement, nous avons deux acteurs, l’enseignant et l’élève. Si l’enseignant s'efforce de satisfaire son encadré, l’Etat de son côté doit songer à satisfaire les besoins de l’enseignant. Il suffit d’envisager une gratuité basée sur le fait que les deux acteurs trouvent une satisfaction,” souligne José Mukwassa qui enseigne depuis 18 ans.
Wivine Awena, enseigne en troisième année au Petit Lycée de l’EP2 Kinshasa. Malgré ses 20 ans dans l’enseignement, 140.000 francs congolais est le salaire le plus élevé qu’elle ait touché. “Nous attendons que nos conditions de vie soient meilleures à travers cette gratuité décrétée par le président de la République. Que nous soyons bien rémunérés parce que nous avons des familles à nourrir, nos enfants sont à l’université et aux humanités. Avec au moins 500 dollars comme salaire, nous allons payer leurs études, acheter de vivres et payer nos loyers.”
Au même Petit Lycée, Annie Nkifu, enseignante en 6 ième année, évoque la question des primes de transports. “ Nous voulons que l’Etat congolais pense à nous accorder le transport avant le salaire qu’il nous propose. Chaque jour, nous sommes obligés de dépenser au moins 5.000 francs pour atteindre l’école. L’Etat a promis de nous payer au mois d’octobre. Et déjà, je m’inquiète pour les transports du mois de septembre,” déplore l’enseignante.
Dans un courrier datant du 27 août dernier envoyé par le secrétariat général du ministère de l’enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP) aux directeurs provinciaux du sous-secteur de l’éducation, il est souligné que seuls 15.000 enseignants sur 132 614 non payés seront pris en charge dès le mois d’octobre prochain .
Pour rappel, lors de la table ronde sur la gratuité de l’enseignement de base tenue du 22 au 24 août, les participants ont fait un certain nombre des recommandations au gouvernement. Il s’agit de la prise en charge des enseignants non payés et nouvelles unités, l’amélioration des salaires de tous les enseignants, l’octroi d’une prime de diplôme aux enseignants d’école technique et professionnelle, la généralisation et revalorisation des frais de fonctionnement dans toutes les écoles concernées par l’éducation de base ainsi que les bureaux gestionnaires, la valorisation de la prime d’itinérance des inspecteurs, et enfin la restauration de la prime de brousse au profit des enseignants des milieux ruraux. Dans son oral devant l’assemblée Nationale, ce 03 septembre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a promis de mettre en place des actions pour concrétiser ces recommandations de la table ronde.
Prisca Lokale