Ebola en RDC : Urgence internationale Oui, mais à Butembo les avis convergent vers la prise en compte des réalités locales

Photo ACTUALITE.CD.

Bien que surpris par la déclaration d'une épidémie en voie d'être maîtrisée comme une urgence sanitaire mondiale, à Butembo, des acteurs encouragent et appellent à ne pas baisser les bras. Dans la ville de Butembo, l’une des entités du Nord-Kivu touchée par la dixième épidémie d’Ebola depuis près d’une année, ce sont des réactions de surprise, de désolation et de qui sont enregistrées ce jeudi 18 juillet, au lendemain de la déclaration par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de cette épidémie comme une « urgence de santé publique de portée internationale ».

« La décision de l’OMS n’a pas de raison d’être dès lors que la communauté (victime d’Ebola, Ndlr) a commencé à adhérer et à s’engager, et les cas d’Ebola commencent à diminuer », a déclaré à ACTUALITE.CD, sur fond de surprise, M. Edgar Mateso, vice-président de la société civile du Nord-Kivu, à l’annonce de la déclaration par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de l’actuelle épidémie d’Ebola qui sévit au Nord-Kivu et en Ituri, en République Démocratique du Congo (RDC).

En effet, par cette décision, l’OMS considère l’actuelle épidémie d’Ebola comme une menace à la santé publique au-delà des frontières de la RDC, et invite, entre autres, les Etats à « renforcer et maintenir » leurs capacités en vue de la surveillance épidémiologique et de riposte. « Tant mieux, pourvu que ça ne démotive la communauté et ne ramène la situation ancienne de méfiance », prévient M. Edgar Mateso. Une prévention, car cette décision arrive alors que Butembo commençait déjà à connaître la diminution des cas, après qu’il en a connu la flambée entre février et mai 2019, à la suite de résistances et attaques contre les équipes de riposte.

« Mais depuis quelques semaines maintenant, la tension a baissé. Des cas de résistance et attaques, on en connaît de moins à moins. Et le résultat est là : on n’enregistre plus assez de nouveaux cas confirmés comme avant. Même si la situation générale demeure alarmante, il faut éviter de faire trop de coups de pub autour de la mobilisation, car les communautés qui commencent à adhérer et à s’engager d’elle-même contre la maladie, risquent de douter de l’intention de toute cette forte mobilisation contre une épidémie qui devient de plus à plus maîtrisée à Butembo », conseille-t-il.

Des préalables pour capitaliser la mobilisation internationale

M. Jules Vahikehya, le député national invalidé du territoire de Beni, craint cependant qu’on puisse aller chercher des solutions très haut, à travers cette mobilisation de la communauté internationale, sans pour autant résoudre les facteurs locaux qui ont concouru à la propagation de l’épidémie.

« Il y a des erreurs qu’on doit chercher à régler d’abord à l’interne, avant de solliciter l’appui de la communauté internationale. C’est par exemple le problème de gestion de frustration du personnel des structures sanitaires locales qui sont négligés, alors que ce sont eux qui maîtrisent les communautés qu’ils gèrent au quotidien, il y a aussi des problèmes de mauvaise communication sur la maladie qui aide à amplifier les rumeurs, il y a le problème de gestion de la logistique de riposte qui tique les communautés, mais aussi le problème de l’inadéquation entre certaines pratiques des équipes de riposte et les us et coutumes des communautés locales. Solliciter la mobilisation de la communauté internationale sans chercher à résoudre d’abord ces problèmes, c’est tourner en rond », indique-t-il à ACTUALITE.CD.

Mais en attendant cette mobilisation internationale, le député national Eric Kamavu, élu à Butembo sur la liste du RCD-KML (dont le président Antipas Mbusa Nyamwisi est impliqué dans la riposte contre Ebola), appelle la population à poursuivre la surveillance et le respect de mesures d’hygiènes.

« Nous ne pouvons pas croiser nos bras face à ce fléau. La communauté internationale nous viendra en aide si elle constate que nous travaillons nous-mêmes pour notre autoprise en charge. Sachons que la solidarité internationale est souvent théorique, et qu’Ebola sera complètement vaincu si nous respectons les conseils et les règles d’hygiène tel que fixés par les agents de santé », conseille-t-il.

Le ministère congolais de la santé publique a pris acte de la décision de l'OMS de déclarer l'épidémie d'Ebola qui frappe les provinces du Nord - Kivu et de l’Ituri comme une urgence sanitaire de portée mondiale. Dans un commentaire rendu public après la réunion du comité d'urgence de l'agence onusienne, le ministère de la santé a dit espérer que "cette décision n’est pas le résultat des nombreuses pressions de différents groupes de parties prenantes".

Claude Sengenya