Gouvernement Ilunkamba : les attentes des vendeuses du marché central de Kinshasa

Vendeuse au marché central

Quatre mois après son investiture, le président Félix Tshisekedi a nommé Sylvestre Ilunga Ilunkamba au poste de Premier ministre. Aujourd’hui, les vendeuses du marché central de Kinshasa expriment leurs attentes vis-à-vis du nouveau chef du gouvernement. Taxes, billets, patentes et   régulation du taux du dollar font partie de leurs priorités.

Antho Mangaza vend des plantes médicinales et des sous-vêtements au marché central. Elle s’inquiète de l’augmentation des taxes à payer. “Quand nous achetons nos marchandises, nous payons également la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour chaque colis. En arrivant au marché, nous sommes obligées de payer  à nouveau des taxes ainsi que les tickets (jetons déposés par les agents de la salubrité sur les tables des vendeurs) que nous imposent les agents de l’ordre. Nous voulons que l’Etat pense également à réduire les taxes pour nous faciliter la vie”, dit -elle.

Les 100 premiers jours de Félix Tshisekedi en tant que président de la République sont également au coeur des inquiétudes des vendeuses qui attendent encore plus de réalisations de la part du chef de l’Etat congolais. “Quand le programme des 100 jours a été annoncé, nous nous sommes réjouis. On se disait que les conditions de vie allaient s’améliorer. Mais, les voilà passés et nos conditions de vie ne s’améliorent toujours pas. Comparé aux années précédentes, nous écoulons péniblement nos marchandises. Les clients viennent difficilement… Nous avons l’impression que le programme des 100 jours du président était axé sur les infrastructures et que le social a à peine été abordé,” s’inquiète la vendeuse de légumes, Jeanne Nkamba.

“Nous attendons beaucoup de ce gouvernement”

Aïcha Ilunga est sur la friperie. Elle explique toutes les dépenses qu’elle fait en matière de taxes. “Pour une année seulement, nous payons 25.000 francs congolais pour la patente (autorisation administrative) et 5.000 francs pour une fiche (autre type d’autorisation administrative). Concernant les tickets, je dois payer 1.000 francs par jour parce que j’occupe une table de 1,20 m. Je paie également 15.000 francs pour avoir 3 fiches pour cette table. Pour la salubrité, il faut payer 100 francs par billet. Voyez-vous toutes ces dépenses ?” , s’interroge-t-elle avant d’ajouter “que les nouvelles autorités pensent à revoir les taxes exhorbitantes qui nous sont imposées. C’est injuste pour une femme qui se bat pour son autonomisation.”  

Vendeuse au marché central de Kinshasa
Vendeuse au marché central de Kinshasa

Bijoux Adula vend au marché central depuis 14 ans. Elle se plaint des fluctuations du dollar. “ Que les autorités songent à stabiliser le dollar. Nous ne voulons plus vivre les souffrances que nous avons vécues au cours des régimes passés. Nous achetons nos marchandises en dollar. Lorsqu’on se présente avec des francs congolais, ils exigent un taux de 1700 francs congolais pour 1 dollar alors que sur le marché, les clients nous donnent 1650 francs. Par moment, on peut vendre une paire de 10 dollars à 14.000 francs et là on perd davantage parce qu’il n’y a pas de circulation de la monnaie”, déplore cette mère de famille qui parle également de la location des maisons. “A l’époque de Mobutu, la location d’une maison à 1 chambre et salon revenait à  20 dollars. Mais, actuellement, une maison de 80 dollars est une bicoque alors qu’un sac de ciment se vend à 13.000 francs congolais. Le taux de dollars devra être stabilisé.

Mireille Kimboto, vendeuse des vivres frais, déplore pour sa part l’absence d’un  nouveau gouvernement depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir. “Depuis que le président Félix Tshisekedi a pris le pouvoir, nous ne vendons pas. La monnaie ne circule pas. Tout cela est dû à l’absence d’un gouvernement. Nous attendons beaucoup de ce gouvernement. Qu’il soit enfin mis en place pour que les questions qui concernent le social soit prises en compte,” conclut-elle.

“Ils cassent et brûlent nos marchandises peu importe que nous soyons dans les normes”

Aux alentours de 13h, une dizaine d'éléments du sous-commissariat communément appelé “sous-ciat”, installé au marché, font le tour de l’avenue Rwakadingi, de Kasa-Vubu à Bokassa, sous le regard du commandant. Ils dispersent les vendeurs qui ont occupé le passage avec leurs marchandises. Pendant ce temps, un agent saute sur quatre valises d’une femme et les emporte au bureau. Elle fait pourtant savoir qu'elle est dans les normes. “Je n’ai même pas dépassé la limite qu’ils ont placée. Je suis dans les normes. Ces valises coûtent 15 dollars chacune. Quand ils les emportent, il faudra payer au moins 20 dollars, l'équivalent de 32.000 francs ou plus pour les récupérer ! Depuis le matin, je n’ai encore rien vendu. D’où me viendra cet argent ?”, hurle-t-elle.

Ses deux voisines, qui ont essayé d’intervenir, expliquent : “Nous vivons ce genre de situation à toutes les heures de la journée.On ne nous laisse pas faire notre commerce en paix. Ils cassent, ils brûlent nos marchandises peu importe que nous soyons dans les normes. Et pourtant, nous vivons de notre commerce, nous scolarisons nos enfants et soutenons nos maris. Quand le nouveau gouvernement va être installé, qu’ils songent aussi à réguler le marché central de Kinshasa”, conseille Liliane Mpongo, vendeuse des sacs.

Lors du discours qui a suivi sa nomination, Sylvestre Ilunga a annoncé qu’“il y aura des consultations dans le cadre de la coalition afin de déterminer la composition du gouvernement. Une fois les consultations terminées, on pourra déterminer le délai pour la formation du gouvernement. Tous les Congolais voudraient que cela se fasse rapidement et le président de la République m’a rassuré que cela se fera rapidement,” a confié le nouveau Premier ministre.

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Prisca Lokale