Une cinquantaine d’otages ont été libérés ces dernières semaines par les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). La plupart des victimes étaient kidnappées lors des attaques des localités de Mamove, Apetina, Bakila Tenambo, Kiskivi et Kengele, des entités situées à l'ouest de la cité d'Oicha.
Nicaise Kibel'bel Oka, journaliste et auteur des livres « RD Congo : Les Forces armées face à la guerre non conventionnelle » et « L’avènement du jihad en RD Congo », estime que la libération des otages est une stratégie des rebelles de s'attirer la sympathie de la population afin de se reconstituer.
« C'est une stratégie vicieuse des islamistes qui vise deux choses, d'abord montrer à la population que les ADF peuvent la protéger, de deux, pour se reconstituer. Car, ils ont deux ennemis, les FARDC et la famine. La trêve leur permettra de se ravitailler en vivres et de se réorganiser », analyse Nicaise Kibel'bel Oka, journaliste d'investigation et responsable du journal « Les Coulisses ».
Les otages avaient transporté des butins des rebelles jusque dans la forêt où ils ont passé plusieurs jours. Les otages libérés étaient porteurs d'un message, au nouveau président de la République, Félix Tshisekedi, à qui les rebelles demandent d’arrêter les offensives de l’armée contre eux afin de leur permettre de vaquer librement à leurs occupations dans la forêt de Beni comme ce fut le cas sous les régimes de Mobutu et de Laurent-Désiré Kabila. En contrepartie, les rebelles promettent de ne plus s’attaquer aux civils, rapportent les ex-otages.
Les combattants ADF « sont des terroristes islamistes qui ne se battent pas pour arracher le pouvoir à Kinshasa mais pour un Etat islamique », renchérit M. Kibel'Bel Oka.
Le gouvernement congolais avait révélé, en septembre dernier, que les Forces démocratiques alliées sont constituées pour la plupart des terroristes étrangers. Les Forces armées congolaises avaient, pour leur part, indiqué que ces rebelles, auteurs d'une vague de massacres depuis 2014, sont, en réalité, des terroristes qui visent à "islamiser" la région de Beni.
Le journaliste Nicaise Kibel'bel Oka pense « qu'il faut réadapter les opérations militaires à la hauteur de l'ennemi qui utilise la guerre asymétrique ». Il suggère la formation « des unités spéciales adaptées à la contre insurrection ».
Tous les otages ne seront jamais libérés
Plusieurs otages ont été libérés grâce à l’offensive des FARDC contre la rébellion dans la région de Beni. Mais les islamistes qui recrutent et forment des combattants pour gonfler leurs rangs ne pourront malheureusement pas libérer tous les otages, à en croire M. Oka.
« Les FARDC ont déjà libéré près de mille otages depuis le début de l’année. Les islamistes ADF ont besoin des gens pour les convertir et pour le djihad, ils ne peuvent pas libérer tous les otages », a affirmé le journaliste basé à Beni.
Dans un rapport publié le 15 novembre 2018, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), projet de recherche installé à l’Université de New York (USA), affirme que les rebelles ADF, présents sur le sol congolais depuis 1995, se présentent comme des terroristes implantés dans une large zone de l'Afrique de l'Est, en utilisant des méthodes similaires à celles des Al-Shabaab, Al Qaida, ISIS et Boko Haram.
Yassin Kombi