Les lanceurs d’alerte Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere affirment avoir porté plainte en France contre BGFI-Bank, leur ancien employeur. Ils soutiennent qu’ils avaient subi des représailles après avoir, disent-ils, mis en garde leur hiérarchie en 2006 sur l’existence de plusieurs transactions suspectes de dizaines de millions de dollars américains entre la BGFIBank RDC et des sociétés qui seraient contrôlées par des proches de Joseph Kabila, mais aussi sur l’existence de comptes qui seraient liés au financement du terrorisme. Jean-Jacques Lumumba explique dans une interview ce mercredi 13 février à ACTUALITE.CD leurs démarches.
Que peut-on savoir de la procédure judiciaire que vous avez enclenchée contre BGFI-Bank ?
C'est une procédure judiciaire qui permet à tout individu de pouvoir intenter une action en justice en France. Parce que la loi française prend en compte la procédure qui concerne un réfugié, surtout dans mon cas, qui a connu des actes de menace et de répression dans son pays. Et donc là, la justice française se sent compétente de pouvoir suivre mon affaire
Pourquoi avoir attendu plus d'un an, après vos alertes, pour finalement saisir la justice contre votre ancien employeur ?
Cela va faire plus d'une année qu'on est en train de réfléchir sur la manière dont il fallait poursuivre cette affaire. Mes avocats ont pris le temps de mûrir le dossier et de voir tous les aspects qui ont fait en sorte qu'aujourd'hui on puisse les ramener auprès de la juridiction française. C'est le temps qu'il fallait prendre. Les faits ont été commis, donc il fallait prendre du temps de constituer et d'analyser tous les faits que j'ai subis pour pouvoir porter l'affaire auprès des juridictions compétentes.
Peut-on avoir une idée sur le montant logé dans les comptes dits illégaux à la BGFI-Bank ?
Il s'agit des dizaines de millions de dollars. Donc c'est des montants importants. C'est des faits qui constituent mon affaire avec BGFI-Bank que j'ai connue dans le cadre de l'exercice de mes fonctions. Donc c'est vraiment plusieurs millions de dollars.
Qu'attendez-vous à travers cette démarche judiciaire que vous avez entreprise ?
C'est la réparation par rapport à tout ce que j'ai subi. Parce que vous savez que c'est cette affaire qui m'a poussé à l'exil. Cela concerne non seulement ce qui est de ma personnalité mais aussi ma famille et mes proches. Et aujourd'hui j'attends que la banque répare ces actes. Parce qu'à cause de ce problème, je ne peux plus faire mon travail, je deviens l'objet des menaces, alors j'attends réparation. Et je ne vais pas en justice pour une quelconque récompense mais plutôt pour que la banque à travers laquelle tout cela a été commis reconnaisse sa faute et qu'elle répare ce qui a été fait.
Ces réparations que vous revendiquez pourraient se traduire en quoi, par exemple ?
En tout cas, je refuse de parler des montants ou d'argent. Donc je parle juste de réparation. Vous savez, c'est un combat pour la justice que nous sommes en train de faire. C'est un combat pour la vérité que nous sommes en train de faire. A travers ma personne, je veux qu'aucune autre personne ne vive ce que, moi, j'ai vécu. Raison pour laquelle je mène ce combat. C'est le combat pour le rétablissement de la vérité, de la justice et de la lutte contre la corruption. Et on ne laisserait pas que, dans l'exercice de ses fonctions, que quelqu'un soit victime parce que son employeur a des relations avec des politiques. Parce que cela ternit l'image des autorités politiques de notre pays (...) c'est dans ce cadre que je demande réparation.
Vous sentez-vous toujours en insécurité malgré l'élection du nouveau président dans le pays ?
Monsieur Kabila parti, oui mais il n'y a rien qui rassure mon retour au pays. Je suis en contact avec beaucoup d'hommes politiques. Je ne peux pas dévoiler ici la quintessence de nos discussions. Mais malheureusement, je ne me sens pas toujours en sécurité pour revenir au pays. D'où, ma première démarche c'est la justice. Je sais qu'à travers la justice, mon retour au pays ne posera pas problème. Je veux bien qu'il y ait la réconciliation sur tout ce qui s'est passé entre moi et mon employeur. Mais cela ne se passera pas sans qu'il y ait une voie de justice. Je finirai par rentrer au pays parce que je suis Congolais. J'aime mon pays mais rentrer vite dans la précipitation, je ne pense pas que je vais m'inscrire dans cette démarche.
Etes-vous prêt à négocier avec votre ancien employeur ?
Je laisse la porte ouverte pour pouvoir discuter. Je reste très ouvert. Mais je ne laisserai pas sans qu'il y ait réparation. Parce que je pense que j'ai subi des préjudices. Et ces préjudices peuvent être réparés. Les personnes qui ont commis ces préjudices ne sont peut-être plus là mais l'institution dans laquelle cela s'est produit existe. Donc, à travers elle, je réclame réparation. Je ne me montre pas du tout fermé mais je veux que tout se passe dans la légalité.
Will Cleas Nlemvo