RDC : "Nous avons déjà vaincu l’inertie", les catholiques promettent d’autres actions anti-Kabila (Interview)

Même dans leur clandestinité après des "<em>mandats d’amener</em>" émis contre eux par un parquet de Kinshasa, les responsables du Comité Laïc de Coordination (CLC) à l’origine des deux déferlantes populaires contre le président Kabila ne fléchissent pas.

Reconnu par l’archidiocèse de Kinshasa et le Saint-Siège, ce collectif catholique entend lancer un nouvel appel pour d’autres actions. Objectif : exiger du pouvoir l’application  "<em>intégrale</em>" de l’accord de la Saint-Sylvestre, conclu entre Majorité présidentielle et Opposition aux dernières heures du 31 décembre 2016 sous le parrainage des évêques catholiques.

"<em>Le train du changement est en marche</em>", affirme l’un des responsables du CLC, l’historien professeur émérite Isidore Ndaywel è Nziem, interviewé ce jeudi 25 janvier  par ACTUALITE.CD.

<strong>Jusqu’où iront vos actions ?</strong>

" Nos actions vont se poursuivre jusqu’au bout. D’ailleurs, en la matière, nous avons déjà vaincu l’inertie. Le train du changement est en marche. Les Congolais ont repris courage. Ils ont vaincu la peur. Ils ont retrouvé la joie d’être ensemble. Catholiques, protestants, kimbanguistes et musulmans sont unis dans cette action. Croyants et non croyants, ceux du pays et de la diaspora, sont unanimes dans leur volonté d’aller jusqu’au bout de la conquête de leur dignité longtemps bafouée. Plus rien n’arrêtera cet élan. Voilà pourquoi, le CLC est déterminé à continuer à soutenir cet effort, à la fois par conviction et par devoir. Conviction dans la foi que les Congolais ont droit au bonheur et au bien-être social, fruit de leur travail et de la mise en valeur de leurs richesses communes, trop longtemps confisquées par quelques profiteurs sans foi ni loi. Devoir d’honorer la mémoire de nos martyrs, ceux-là même qui viennent de faire le sacrifice de leur vie pour l’instauration de la démocratie chez nous. Nous avons confiance. Grâce au soutien et à la prière de tant de compatriotes, nous sommes assurés que Dieu nous accordera la force et le courage nécessaire pour accomplir pleinement cette tâche ".

<strong>Pour le pouvoir, le CLC est manipulé par l’opposition aujourd’hui déclassée et par une partie de l’Occident ?</strong>

" Nous ne voulons pas verser dans la polémique. Relevons seulement une contradiction dans ce raisonnement. Si l’opposition est déclassée par la Communauté internationale au nom de je ne sais quel principe, si elle est discréditée et divisée par la même MP, on ne voit pas d’où lui proviendrait l’énergie nécessaire pour manipuler le CLC qu’elle a vu surgir sans l’avoir programmé ? La force de notre Comité est ailleurs. Il se fonde, au niveau de ses membres, sur le primat de l’éthique et sur l’amour réel et profond du pays. Si son action suscite l’unanimité nationale, c’est certainement parce que la population s’y reconnaît ; parce que ladite action est le symbole de l’espérance qu’incarnait précisément cette opposition devenue, hélas, si faible. Voilà pourquoi, les quelques vrais partis d’opposition qui existent encore, comme les mouvements citoyens, se reconnaissent eux aussi dans notre initiative »

<strong>C’est pour quand la prochaine action ?</strong>

"Cette information sera communiquée en tant opportun. A noter que nous n’avons pas l’ambition de détenir le monopole d’initiatives pour continuer à faire bouger les choses. D’autres projets peuvent provenir d’autres instances partenaires. Par exemple, le Collectif des abbés de l’archidiocèse a décidé de sonner les cloches, pendant un quart d’heure, tous les jeudis à 21 heures. Nous soutenons cette action symbolique qui a pour objectif de rappeler à tous qu’il faut rester en éveil, que le combat pour la démocratie se poursuit car le résultat est loin d’être au rendez-vous".

<strong>Etes-vous d’accord à l’idée d’un dialogue ?</strong>

"Question superflue puisque plus personne n’en veut et n’y croit. Les pouvoirs publics ont réussi à discréditer parmi nous tout ce qui a pour noms : « dialogue », « concertation » ou « rencontres ». Tant d’efforts dans le passé qui n’auraient finalement abouti qu’à une sorte d’alignement de bonnes intentions, habilement utilisés par les commanditaires de ces forums, pour la pérennisation de leur pouvoir. Désormais, ne compte plus que le langage des faits. Telle est la conclusion de ces expériences malheureuses".

<strong>Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’envoyer la population à la mort alors qu’on ne vous voit pas dans les rues ?</strong>

"Ce n’est pas si sûr qu’on ne nous aperçoive pas dans des marches. Cette tentative de nous discréditer est vaine. Si nous sommes très discrets, pour sécuriser la suite des actions, c’est notre population elle-même qui nous le recommande, consciente qu’elle est de la délicatesse de notre situation. Nous sommes sous mandat d’amener ! Il va sans dire que nous n’envoyons personne à la mort, puisque nous nous contentons d’inviter les compatriotes à aller marcher, sans forcer quiconque ni par séduction ni par menace. Contrairement aux autres marches, il n’y a ici ni distribution de tee-shirts ou de casquettes, ni promesses de distribution des enveloppes ou frais de transport après la marche, encore moins des menaces de perdre tel ou tel avantage, comme celui de perdre sa place de vente pour les malheureuses vendeuses du marché. Les gens sont libres de ne pas répondre à notre appel. Il faut donc ici rendre hommage au courage et à la conviction de ceux qui volontairement s’y engagent, au nom de l’intérêt général. Le 21 janvier, nous étions plusieurs millions à l’avoir fait, à Kinshasa, en provinces mais aussi dans la diaspora sur tous les continents, y compris dans des pays lointains comme le Japon".

<strong>Allez-vous saisir les instances judiciaires internationales ?</strong>

"Nous ne pouvons pas tout faire. Fort heureusement, il y a des synergies qui se mettent en place. Une organisation spécialisée, comme l’ACAJ (Association Congolaise pour l’Accès à la Justice), ne manquera pas de se charger de la mise en œuvre de cette préoccupation tant de fois suggérée par des compatriotes".

<strong>Par  Stanys Bujakera</strong>