Après le lancement de l’appel d’offres pour l’exploitation des blocs pétroliers et gaziers en République démocratique du Congo, deux ans après, des questionnements demeurent quant à l’effectivité du projet. Le pays qui s’est engagé depuis un temps, à mettre en exploitation ses blocs pétroliers et gaziers, ne produit que 20.000 barils de pétrole par jour, ce qui le classe à la 70ème place au niveau mondial, loin derrière ses voisins Angola, Sud-Soudan et Congo Brazzaville. Le projet lancé le 28 juillet 2022 à Kinshasa par les autorités congolaises n’a toujours pas débuté. Selon le gouvernement de la République alors dirigé à l’époque par Sama Lukonde, ce projet visait à garantir par l’exploitation, le développement des zones dans lesquelles se trouvent les blocs pétroliers et gaziers. Une décision prise pour que le pays arrive à exercer son droit de souveraineté afin d’utiliser sa richesse pétrolière pour le développement de ses entités, soutenaient les autorités. À l’heure actuelle, les congolais se demandent comment et pourquoi il n’y a pas eu d’évolution dans ce projet ? Qu’est-ce qui bloque son avancement ? Les questions sont multiples et méritent d’explications.
Alors que ce projet était annoncé avec pompe comme vecteur du développement de la RDC, il est difficile aujourd’hui de croire en toutes les promesses faites il y a quelques années. Comme on peut le rappeler, le choix des blocs, sélectionnés pour la première phase, a été opéré sur base de meilleurs leads et prospects identifiés dans les différents bassins sédimentaires, ce qui devrait être un gage de rentabilité pour les futurs investisseurs. Malheureusement, un projet qui pouvait avoir selon différentes ONG de défense de l’environnement, des conséquences catastrophiques pour la biodiversité et les communautés locales. Car, craignant que la RDC devienne « un nouvel eldorado des investissements pétroliers ».
L’on parlerait d’une malédiction en RDC à chaque fois qu’un projet est lancé. Des millions de dollars américains se perdent pendant ce temps sur terrain. Depuis le lancement de l’appel d’offres, la République démocratique du Congo a déjà perdu plus de 900 millions USD en termes d’endettement. Ceci est la résultante de plusieurs faiblesses qui ont émaillé le processus d’appels d’offres. C’est entre autres, le risque des conflits avec les anciens détenteurs desdits blocs, le non-respect des critères de sélection mais également les principes de transparence non conforme.
« Dans le cadre des blocs pétroliers 1 et 2 du Graben Albertine où le permis était déjà expiré autant que le permis de Total dans le bloc 3, le gouvernement accepte de donner à la société Ventora de Dan Gertler la somme de 240 millions de dollars (américains). Ce qui veut dire, pendant que les choses n'ont pas encore commencé, le pays ne fait que s'endetter. Et avec ça, les majors ne vont pas venir pour exploiter le pétrole, ceux qui vont venir seront des spéculateurs qui vont chercher à vendre à moins cher pour revendre à plus cher, ou encore pour garder ça, comme on a fait avec Dig oil, avec Dan Gertler, ils gardent et demandent au gouvernement de rembourser le temps passé pour des investissements qu'on n'a pas évalués », regrette Maître Jimmy Munguriek, chercheur et membre de la campagne Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV).
Ce qui fait croire que ces appels d’offres ont profité à des individus. Malgré la mise en place d’une nouvelle équipe gouvernementale, ce projet poursuit Jimmy Munguriek, n’augure aucun espoir pour le peuple congolais.
« Bien que nous ayons un nouveau gouvernement, nous devons nous interroger: est-ce que ce projet est rentable pour le pays? On a lancé ces appels d’offres depuis juillet 2022 et aujourd’hui deux ans après, aucun preneur ne s’est porté garant pour ces blocs pétroliers. Et cette attitude devrait nous interpeller. Alors pour moi, si le nouveau gouvernement veut se positionner par rapport à cette question, il doit commencer par une étude de savoir si l’exploitation des blocs pétroliers et gaziers en RDC est encore une opportunité », a démontré Jimmy Munguriek.
Du côté du gouvernement, l’on reste serein et confiant quant aux innovations qu’apporte ce projet. Tosi Mpamu, conseiller de l’ancien ministre des Hydrocarbures, estime que la RDC est un pays qui vise le développement de ses entités.
« Si le gouvernement avait mis aux enchères ces parcelles pour forage, c’était dans le seul but de financer des programmes de lutte contre la pauvreté et de générer de la croissance, dont le pays a désespérément besoin. Voilà notre priorité », a dit Tosi Mpamu.
Lewis Yola, expert en hydrocarbures lui, démontre que, pour que ce projet marche, il faut que le nouveau ministre chargé des Hydrocarbures arrive à exclure un certain nombre de blocs interférant avec les airs protégés ou n’ayant pas un potentiel attractif.
« Nous disons que le ministre exclut de ce processus d’appels d’offres ces blocs problématiques c’est-à-dire ceux qui interfèrent avec les airs protégés. Une fois exclus, les blocs restants devront passer à des études approfondies et après quoi, ce processus peut réussir sur terrain. Ceci, pour éviter le pays à des risques d’endettement », a fait savoir Lewis Yola, expert en Hydrocarbures.
Le développement des hydrocarbures en RDC constituera un facteur de stabilisation du pays à condition que ce développement soit organisé de façon cohérente et dans une bonne gouvernance. Certains bassins gaziers et pétroliers, il faut le retenir, présentent un potentiel immédiat, d’autres à plus long terme. Voilà pourquoi leur exploitation, dans le cadre d’une politique énergétique cohérente qui prévoit aussi d’exploiter le potentiel hydroélectrique, peut générer un développement économique en générant des recettes supplémentaires pour l’État.
Mais cette « manne pétrolière » ne contribuera à stabiliser la RDC que si ses dirigeants établissent les conditions d’une bonne gouvernance. Par exemple, des réglementations efficaces, un processus décisionnel transparent, le respect de l’environnement, la liberté d’expression, la lutte contre la corruption.
Ben AKILI