RDC : la plupart des mesures prises par Félix Tshisekedi pour protéger les droits humains ont été superficielles, inefficaces ou incomplètes, constate Amnesty International

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Félix Tshisekedi doit utiliser son deuxième et dernier mandat pour remédier à la crise des droits humains qui sévit dans le pays, a déclaré Amnesty International suite à l’investiture du nouveau gouvernement, le 11 juin. L’organisation a présenté au nouveau gouvernement un programme en cinq points, décrivant les mesures nécessaires pour améliorer la situation des droits humains dans le pays.

« Au cours de son mandat précédent, le président Félix Tshisekedi avait pris de nombreux engagements en matière des droits humains, mais cinq ans plus tard, rares sont les progrès qui ont été réalisés. La plupart des mesures prises en vue de protéger les droits humains ont été superficielles, inefficaces ou incomplètes », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

Et de poursuivre : 

« Les cinq prochaines années représentent la dernière chance pour le président Félix Tshisekedi de bâtir un héritage durable fondé sur les droits humains. Il doit, avec le nouveau gouvernement, prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux restrictions de l’espace civique, protéger les civils dans les zones de conflit, briser le cycle de l’impunité pour les crimes de droit international, réformer le système de justice pénale et assurer une gestion efficace des ressources afin de promouvoir les droits socio-économiques. »

Alors que les conflits armés se sont intensifiés et que la crise humanitaire en RDC s’est aggravée ces dernières années, dans un contexte de retrait de la mission de maintien de la paix de l’ONU, la MONUSCO, Amnesty International appelle le président Félix Tshisekedi à respecter scrupuleusement le droit international humanitaire, particulièrement dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des opérations militaires. Le président Tshisekedi doit prendre des mesures concrètes pour protéger les civils dans les zones de conflit, enquêter sur les causes profondes des conflits armés et des violences intercommunautaires et lutter contre l’impunité généralisée pour les crimes de guerre.

Amnesty International recommande au président Tshisekedi de réformer le système judiciaire, qu’il a lui-même qualifié de « malade ». Les conditions de détention dans les prisons doivent devenir plus humaines, le recours systématique à la détention provisoire et à la détention arbitraire doit cesser et la peine de mort doit être abolie.

En mars 2024, après une interruption de deux décennies, le gouvernement a annoncé la reprise des exécutions pour les personnes condamnées à mort, affirmant que cette punition dissuaderait « l’infiltration » et la « trahison » au sein de l’armée. Le gouvernement a également déclaré que cette mesure aiderait à réprimer la violence des gangs, une initiative fermement dénoncée par les organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International.

« Le président Tshisekedi doit annuler la décision du gouvernement et instaurer un nouveau moratoire sur les exécutions, et les autorités doivent envisager l’abolition de la peine de mort pendant ce mandat. Il est également essentiel que le système de justice pénale soit indépendant et équitable », a déclaré Tigere Chagutah.

Le président Tshisekedi et le nouveau gouvernement doivent également lever de toute urgence l’« état de siège » illégal et prolongé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, et garantir la responsabilité et la justice pour les violations des droits humains commises au nom de cette mesure. Les autorités doivent adopter une législation respectueuse des droits humains protégeant et promouvant les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Malgré l’engagement du président Tshisekedi à éradiquer la corruption, le gaspillage présumé des ressources publiques a empêché l’État de financer adéquatement les services socio-économiques essentiels, compromettant ainsi la réalisation des droits humains, notamment les droits à une alimentation adéquate, aux soins de santé, à l’eau, à l’assainissement, à l’éducation et au logement.

L’expansion des mines industrielles de cuivre et de cobalt en réponse à la demande mondiale croissante a également alimenté des violations massives des droits au logement et à la santé, notamment les expulsions forcées et la pollution. Amnesty International appelle le gouvernement à instaurer un moratoire sur les expulsions de masse dans le secteur minier jusqu’à ce qu’une commission d’enquête soit mise en place et qu’elle achève une évaluation complète des protections juridiques existantes contre les expulsions forcées et que les réformes politiques nécessaires soient adoptées.

« La crise des droits humains qui touche la RDC dure déjà depuis bien trop longtemps. La communauté internationale doit faire pression sur les autorités congolaises pour qu’elles mettent pleinement et efficacement en œuvre les recommandations proposées », a déclaré Tigere Chagutah.

Le président Félix Tshisekedi a prêté serment pour un second mandat de cinq ans en janvier 2024. Le 1er avril, il a nommé Judith Suminwa Tuluka, première femme à occuper le poste de Première ministre du pays. Le 29 mai, la Première ministre Suminwa a nommé son gouvernement, composé de 54 ministres. Le nouveau gouvernement a prêté serment devant le Parlement le 11 juin.

En 2019, Amnesty International avait défini dix priorités en matière de droits humains pour l’administration Tshisekedi, alors qu’il entamait son premier mandat.