De la participation du chef de l'État à la 78e Assemblée générale des Nations Unies aux tueries de 60 déplacés de Kwamouth en passant par le lancement de l'enquête nationale de lutte contre la malnutrition, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Allegra Fosh revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Allegra Fosh Ngalula et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Allegra Fosh : Je suis entrepreneure et cadre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).
Le président Félix Tshisekedi a répondu présent à la 78e Assemblée générale des Nations-Unies comment avez-vous jugé ces différents discours ?
Allegra Fosh : La RDC à New York, avec la promesse d'ouvrir une Ambassade à Jérusalem, promesse qui devrait tenir compte de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies et se mettre d'une certaine manière en cobelligérance avec les pays arabes, et à côté du M23, nous avons connu des attaques de l'Etat islamique dans l'Est du pays, durant l'Etat de siège qui ne cesse de se rallonger… il faut choisir !
La RDC, à la même tribune en septembre 2017, a demandé le début du départ effectif de la MONUSCO. L'opposition d'antan estimait que le temps était suspect et que c'était une manœuvre de l'ancien chef d'État pour s'éterniser au pouvoir. Nous sommes dans la même situation, à 3 mois des élections, pourquoi une telle précipitation ?
Allegra Fosh La question autour des élections de 2018, ne devrait pas se poser alors que les élections de 2023 sont imminentes et certaines listes des candidats se font attendre. Ceci suscite un doute sur le respect du calendrier et met la classe politique dans un climat de défiance. Les élus nationaux ont débuté ce jeudi l'examen du projet de loi de finances de l'exercice 2024. Ce projet retrace comment l'État a pu mobiliser ses recettes selon les prévisions budgétaires et comment il a pu engager les dépenses.
Avez-vous des propositions à faire pour l'évaluation de ce projet de loi ?
Allegra Fosh : L'Odep parle d'une augmentation de 24 % par rapport à 2023 où le premier semestre n'a enregistré que le tiers des assignations. Un accroissement pour des besoins de publicité électorale ? Je propose aux élus d'être plus pointilleux pour analyser de manière comparative comment les recettes ont été collectées, comprendre les écarts et les éléments ayant influencé la différence : surestimation , sous estimation , difficulté de collecte, étroitesse des revenus de l'état ? . Le ministère du budget soutenant l'élargissement de l'assiette fiscale et la fiscalisation du secteur informel devrait peut-être préconiser des réformes inhérentes à la réalisation de cette ambition en 2024. Est-ce qu'il compte annoncer une hausse des taxations durant une année électorale ? Le grand problème se trouve aussi dans l'exécution des dépenses conformément aux prévisions, il s'agit de définir les priorités budgétaires pour l'exercice 2024. Il faudrait aussi que le budget prenne en compte les différentes préoccupations de leurs circonscriptions électorales afin que l'action de l'État soit visible et non celle des individus en campagne. Initialement prévue entre le 5 et le 10 septembre, la publication des listes définitives des candidats aux élections législatives nationales en RDC n'a toujours pas eu lieu.
Qu'est-ce qui justifie ce retard de la CENI selon vous ?
Allegra Fosh : La CENI évoque un gargantuesque nombre de candidats et dit que ce retard n'aurait aucune incidence sur la tenue des élections. Ceci n'est pas cohérent, on ne peut pas être en retard et à l'heure au même moment ; qu'est-ce qui est fait concomitamment pour l'éviter ? Les faits conduisent à un doute sur la tenue des élections dans le délai constitutionnel et d'autres opérateurs politiques évoquent un temps de glissement technique de 2 à 3 mois.
Retrait accéléré de la Monusco, le Conseil de sécurité de l'ONU examinera la demande de la RDC le 20 décembre, le jour des élections générales. Soutenez-vous cette procédure ?
Allegra Fosh : J'ai toujours soutenu le retrait de la Monusco et la majorité des Congolais aussi d'ailleurs, cependant, la date choisie n'est pas un fait du hasard. Les élections étant déjà tendues et non consensuelles, l'Etat de siège n'étant pas encore levé, et dire qu'il y aurait eu des discussions proposant un transfert de compétences de la Monusco vers les forces régionales telles que l'EAC ou la SADC, si ça se décide un jour d'élections, ce n'est pas signé.
Dans le Bandundu, au moins 60 personnes parmi les déplacés de Kwamouth sont mortes suite à la précarité. Quelle recommandation faites-vous au Gouvernement pour faire cesser les atrocités dans cette partie du pays ?
Allegra Fosh : Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Le ministère des Affaires Sociales au niveau national doit pouvoir se déployer pour arrêter cette hémorragie. On ne peut pas fuir l'insécurité pour aller mourir de faim, dans le pays le plus vert d'Afrique centrale. Et j'appelle à la rescousse tous les Congolais pouvant se sentir solidaires à cette cause, à envoyer des vivres à ces populations meurtries.
Le gouvernement de la République à travers le Ministère de la Santé vient de lancer une enquête nationale pour l'éradication de la malnutrition. Quel est votre point de vue ?
Allegra Fosh : C'est une bonne chose que le ministère de la Santé s'emploie à un tel exercice. Mais il existe déjà des approches intégrées de lutte contre la malnutrition chronique, menées conjointement par la FAO et l'UNICEF. Pourquoi ne pas s'en inspirer et commencer à régler le problème avec les études existantes ?
Sur les 33.000.000 USD demandés, le gouvernement vient de débloquer 10.000 000 USD pour la relance de la compagnie d'aviation Congo Airways. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ?
Allegra Fosh : 10 millions de dollars américains sur 33 millions de dollars américains, c'est quand même un beau geste, mais les signaux ont été envoyés depuis longtemps par cette entreprise publique en faillite. Mais payer pour 30 % des besoins ressemble à un rationnement. Il vaut mieux payer et financer une fois pour toute afin de relancer la société, et laisser l'entreprise décider de son cash-flow en n'imposant pas les prix des billets car ceux-ci couvrent les charges d'exploitation.
Le journaliste Stanis Bujakera a été arrêté le 8 septembre et amené à la prison centrale de Makala. Son cas défraie la chronique. Pensez-vous que la liberté de la presse a encore sa place en RDC ?
Allegra Fosh : À Stanis Budjakera, je voudrais dire qu'il a le soutien des amateurs de l'information certifiée, dont moi-même. La liberté de la presse est intimement liée à celle d'expression qui, selon Mirabeau, est la liberté sans laquelle les autres libertés ne peuvent être conquises. Dans notre pays, c'est avec désolation que nous constatons le musèlement de la presse. C'est une grande preuve de recul démocratique. Que les instances judiciaires fassent leur travail sans traîner, l'incarcération est une exception, et tue la liberté, consacrée par l'Article 8 de la constitution.
L'ex-président centrafricain François Bozizé et des chefs rebelles viennent d'être condamnés à perpétuité pour l'offensive armée menée au moment de l'élection présidentielle de décembre 2020. Un verdict rendu ce jeudi en l'absence des condamnés, par la cour d'appel de Bangui. Quel est votre point de vue ?
Allegra Fosh : L'Afrique est assez meurtrie et a faim d'autres dirigeants que ceux qui pensent que le pouvoir leur est personnellement destiné. Nous voulons une Afrique où les dirigeants ont plus soif de développement, de sécurité que de tapis rouge.
Votre dernier mot
Allegra Fosh : À la population congolaise, je demande d'être courageuse, nous ne sommes pas dans notre situation. Nous sommes ce que nous choisissons de faire de notre situation.
Propos recueillis par Grâce Guka