RDC : trois jours de dialogue national de capitalisation des acquis et de la prise en compte des droits des communautés locales dans la mise en oeuvre du Cadre Mondial de la Biodiversité

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Photo d'illustration

Le chapiteau de l’hôtel Pullman, de Kinshasa, reçoit depuis mardi 9 mai, le dialogue national de capitalisation des acquis et de la prise en compte des droits des communautés locales dans la mise en oeuvre du Cadre Mondial de la Biodiversité en République Démocratique du Congo. Il se tient sur trois jours, jusqu’au jeudi 11 mai, et réunit les organisations des peuples autochtones et des communautés locales, les scientifiques et les chercheurs, les partenaires techniques et financiers, les institutions publiques dont le ministère de l’environnement, celui des affaires coutumières, celui de l’aménagement du territoire, les chefs coutumiers et bien d’autres. 

Ce dialogue national vise à démontrer que les approches basées sur les écosystèmes stimulent la conservation de la biodiversité à travers plusieurs pratiques identifiées susceptibles de contribuer à la cible 3 du Cadre Mondial de la Biodiversité, qui est de faire en sorte que, d'ici à 2030, au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines soient effectivement conservées. Il permettra également d’orienter les contributions nationales et régionales grâce à des systèmes efficaces de zones protégées et conservées, et d’identifier les prochaines étapes pour la mise en œuvre de cette cible. 

Les peuples autochtones, gardiens de la biodiversité 

Le premier jour, des représentants des peuples autochtones ont pris la parole pour exhiber leur apport, dans la sécurisation des aires protégées. A ces jours, 25 sites identifiés sont conservés par les peuples autochtones. Ils attendent, après ce dialogue, que leurs revendications soient prises en compte. Cela notamment, pour réduire le taux de pauvreté et que leurs efforts soient reconnus par l’Etat congolais.

L’un des points essentiels pour y parvenir est sur le plan juridique. l’Alliance Nationale d’Appui et Promotion des Aires et Territoires du Patrimoine Autochtones et communautaires du Congo (ANAPAC) est en ordre de bataille pour y parvenir.

« Notre organisation travaille avec certains partenaires pour accompagner une proposition de loi déposée par un député à l’assemblée nationale. Elle porte sur le conflit faune et homme. A travers cette loi, on peut penser à intégrer les approches de conservation communautaire. Elle peut aussi parvenir à sécuriser ces aires protégées par les peuples autochtones », a dit Alex Mueneluata, facilitateur communautaire au sein de l’ANAPAC.

Cette organisation travaille avec les peuples autochtones et les communautés locales dans l’identification des aires et territoires conservés par eux. Leurs efforts contribuent d’une manière ou d’une à la préservation de la nature. Ce dialogue est une opportunité de montrer aux partenaires techniques et financiers que leurs efforts pour la conservation de la biodiversité doivent être reconnus dans toutes les sphères en lien avec la biodiversité. 

La reconnaissance, au niveau national et international, des peuples autochtones et des communautés locales comme acteurs importants et clés en matière de conservation ; ce sur quoi insiste Daniel Mukubi, expert en charge de la conservation de la biodiversité au ministère de l’environnement et développement durable. 

« Les peuples autochtones et les communautés locales sont les gardiens de la nature depuis fort longtemps. Si nous avons érigé des aires protégées, c’est parce que nous les avons trouvés dans la conservation dont ils ont des connaissances très importantes. Cependant, ils n’étaient pas officiellement reconnus, ni au niveau international ni national, comme des acteurs importants et clé en matière de conservation », a-t-il dit.

Les Autres Mesures de Conservation Efficace (AMCE)

Il a été jugé utile de prendre en compte les acquis des communautés locales et des peuples autochtones, de les valoriser et de les intégrer dans le système national de comptabilité des espaces conservés. D’où le nouveau concept “Autres Mesures de Conservation Efficace” (AMCE), qui vise à promouvoir les connaissances traditionnelles en matière de conservation par les peuples autochtones et communautés locales.

Au sortir de ce dialogue, que l’expertise de l’IUCN puisse accompagner la RDC à faire sortir les peuples autochtones et les communautés locales comme les acteurs principaux de la conservation de la biodiversité et comme des acteurs clés des pratiques coutumières de gestion durables des ressources naturelles 

Les AMCE deviennent incontournables dans la mesure où, on ne peut pas seulement se baser sur les aires protégées. Elles impliquent essentiellement la conservation en dehors des aires protégées par les communautés locales et les autres. Le concept date de 2018, à l’occasion de la COP 14. Il a été adopté pour faire la promotion et la valorisation de la conservation qui est faite par les peuples autochtones. Dans les aires protégées l’objectif principal est la conservation alors que dans les AMCE, la conservation peut être principale, complémentaire ou secondaire.

Vers l’Objectif 30X30 

Les résolutions de ce dialogue devront amener à l’atteinte de l’objectif 30X30. Cette assignation est vise à dédier à la conservation 30% de surface terrestre et marine. Actuellement, le pays est à 13,8% de superficie conservée mais c’est seulement les aires protégées qui sont sous gestion de l’Institut Congolais de la Conservation de la Nature (ICCN). Il n’a été capitalisé celles qui sont sous gestion des privés, sous gestion des communautés locales et peuples autochtones, sous gestion des ONG. Si cela est fait, l’objectif de 30% sera atteint d’ici 2030.

Côté ICCN, on indique que comme institution de l’Etat, il ne peut répondre au besoin de l’heure actuelle de faire de 30% de la superficie nationale érigée en aires protégées. Il est important qu’il y ait d’autres mesures de conservation efficace qui accompagnent les aires protégées pour arriver à cette superficie. Il est aussi important, indique le directeur en charge des parcs nationaux, domaine de chasse et réserve au sein de l’ICCN, que les amis qui accompagnent les communautés dans les autres mesures efficaces, puissent faire un lobbying important pour qu’on donne un sens à ces actions.

« Notre pays s’est aligné sur la vison 30X30, et l’ICCN faisant partie de l’Etat congolais, d’office nous sommes aligné dans cette vision. Nous devons nous battre, travailler et orienter nos efforts vers l’atteinte de cette vision. On n’a pas d’autres choix, c’est la vision mondiale que notre pays a signé. Les gens pensent que nous conservons pour l’Etat congolais, mais en réalité, nous conservons pour et par les communautés. C’est la vison de l’ICCN actuellement » a expliqué le Colonel De Dieu Biaombe. 

Côté ministère de l’environnement, une feuille de route est en cours d’élaboration pour conduire le pays à cet objectif.

« Il est capital aujourd’hui pour endiguer le problème lié au changement climatique, à la dégradation des terres et à la perte de la biodiversité. La RDC est en train de vouloir valoriser les Autres Mesures de Conservation Efficace pour atteindre les 30% de conservation d’ici à 2030. C’est un travail fastidieux, mais avec les efforts consentis par toutes les parties prenantes, on est en train déjà de dresser une feuille de route qui va nous conduire jusqu’en 2030 pour qu’on arrive à atteindre 30% de superficie conservées », a dit Daniel Mukubi, expert en charge de la conservation de la biodiversité au ministère de l’environnement et développement durable. 

Et d’ajouter :

« Si on fait l’addition de toutes les initiatives de conservation, au niveau national, on aura pas grand travail à faire sinon le travail de recensement, d’identification et de documentation de toutes ces initiatives à l’intérieur des provinces, territoriales et chefferies »

Le soubassement pour atteindre l’objectif 30X30 est à trois dimensions. Le pilier juridique, c’est à dire qu’il faut avoir un texte législatif ou réglementaire pour ouvrir une voie à la reconnaissance juridique des Autres Mesures de Conservation Efficace. L’accompagnement technique pour arriver à faire le bio monitoring, c’est à dire l’inventaire de la biodiversité qu’il y a dans ces espaces. Quelle faune, quelle flore, quelle pratique de gestion et quel mode de gouvernance ? 

Enfin, documenter ces initiatives au niveau national et de les rapporter au niveau global, c’est à dire à l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, qui va les répertorier dans la base des données mondiales des aires protégées.

Ces assises du dialogue national de capitalisation des acquis et de la prise en compte des droits des communautés locales dans la mise en œuvre du Cadre Mondial de la Biodiversité sont organisées par le ministère de l’Environnement et Développement durable (MEDD) en Republique démocratique du Congo (RDC), en collaboration avec l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), avec l’appui de la GIZ.

Emmanuel Kuzamba