RDC : l’actualité de la semaine vue par Mwimba Gabriela

Photo/ Droits tiers
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Des consultations menées par Uhuru Kenyatta à l’annonce de l’Union Européenne de rehausser son engagement en faveur du climat, en passant par la demande de la RDC pour la fin des notification sur les livraisons d'armes, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Gabriela Mwimba revient sur chacun de ces faits marquants. 


Bonjour Madame Mwimba Gabriella et merci de nous accorder de votre temps. Depuis notre dernier entretien, quelles sont les mises à jour dans vos activités?


Mwimba Gabriela : Je continue à œuvrer dans les mêmes secteurs d'activités et particulièrement sur les questions de défense des droits de femmes. Je suis donc co-fondatrice du Réseau des Dames Enarques (RDE) et juriste de formation. 


La semaine s’est ouverte avec les consultations menées par le facilitateur pour le compte de l’EAC, Uhuru Kenyatta. Il a notamment reçu des doléances et recommandations des politiques et acteurs de la société civile. Quelles sont vos attentes à ce sujet ?


Mwimba Gabriela :  nous avons récemment adhéré à cette communauté régionale. Je pense que son implication dans la crise sécuritaire actuelle devrait bien se dérouler.

La désignation de ce facilitateur devrait être en mesure de nous rassurer à propos de notre adhésion. Il n'est pas uniquement question d'une opportunité économique pour nos voisins mais aussi un facteur de stabilité pour l'Est de notre pays et toute la région en général. Toute initiative pour la paix est donc à saluer.

Cependant, j'ai beaucoup de craintes que ces consultations soient moins bénéfiques. Car, on voit bien qu'il n’y a une certaine contradiction entre cette communauté et le gouvernement de notre pays. Alors que le Président de la République affirmait que les troupes de la force régionale de l'EAC entreraient par Bunagana, elles sont plutôt entrées par Goma. Aussi, le gouvernement et une large partie de l'opinion ne veulent plus de négociations avec les rebelles pour qu'ensuite ils soient intégrés dans les FARDC (l'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté une résolution interdisant le mixage et brassage). Cependant, on voit que la force régionale privilégie d'abord le dialogue avec le M23. Je me demande si la position des Congolais et leurs aspirations sont réellement prises en compte. Si les propositions des délégations reçues par l'ancien président Kenyatta sont prises en compte, cela relèverait d'un miracle. 


Tout ceci donne l'impression que la voix du Congo ne porte pas et j'ai l'impression que la solution doit être interne plutôt qu'externe. Cela fait plus de 20 ans que nous attendons des solutions qui pourraient venir de l'extérieur avec la MONUC, MONUSCO, brigade d'intervention, des opérations conjointes avec les armées des pays voisins sans que la solution ne soit trouvée. Il est temps de nous réorganiser pour trouver une solution à cette crise qui a trop duré et décimé notre société. De toute façon, la sécurité est une question de souveraineté qui ne devrait pas se négocier à chaque fois. Les dialogues ont montré leurs limites. Il faut maintenant imposer la force. La solution aux problèmes sécuritaires dans notre pays est et demeurera congolaise.


A la fin de son séjour à Goma, Uhuru Kenyatta a affirmé que les engagements pris par les groupes armés à Nairobi n’ont pas été respectés. Entre-temps, une nouvelle phase du processus est annoncée pour le 21 novembre. Quelles sont vos recommandations ?


Mwimba Gabriela :  depuis plusieurs décennies, la RDC compte des millions de morts. Les accords de paix ont été, au fur des années, conclus sans que la paix ne devienne une réalité. Nos dirigeants doivent placer avant tout les intérêts de la population congolaise au centre des discussions et veiller à l'intégrité de notre territoire.


Concernant ces pourparlers, des organisations de femmes avaient dénoncé le fait qu’elles ont été écartées de ces rencontres. Auprès de Kenyatta, elles ont également porté ce plaidoyer. Que faut-il pour rendre cela effectif ?


Mwimba Gabriela :  la femme congolaise a eu à jouer au cours de l'histoire un rôle majeur dans la construction de la paix. De l'accord de Lusaka en passant par les accords Amani, les femmes ont porté des revendications dont les fruits bénéficient aux générations présentes et futures. Toutefois, il y a lieu de préciser que sa faible représentativité reste remarquable. D'aucuns le justifient par le fait que les femmes ne soient pas seigneurs de guerre. Sous un autre angle, les femmes sont les principales victimes des conflits armés et c'est à ce titre que leurs voix doivent être entendues et leurs droits défendus. C'est donc inacceptable d'écarter les principales victimes de ces violences armées aux discussions. En écartant les femmes, Il sera difficile de comprendre la gravité de la situation et l'urgence de mettre fin à ce cycle infernal de violences. 


Le ministre des affaires étrangères a officiellement saisi le Comité des sanctions des Nations Unies pour l’annulation du régime des notifications contre tout fournisseur d’armes à la RDC. Pensez-vous qu’il pourra obtenir gain de cause ?


Mwimba Gabriela :  maintenir le régime de notification, c'est soutenir les ennemis de la RDC et plonger le pays dans un cycle interminable de violence. Obtenir une décision en défaveur de la position défendue par le gouvernement congolais en dirait long sur les agendas de certaines puissances. Mais entre-temps, le gouvernement ne devrait pas non plus se cacher derrière ce régime qui ne lui interdit pas d'acheter les armes. C'est à lui de savoir choisir stratégiquement ses partenaires dans la fourniture et l'acheminement du matériel dont le pays a besoin pour faire face à cette nouvelle agression. Car, malgré ce régime, le pays s'est toujours procuré sans beaucoup de peine le matériel militaire sous Kabila. Je pense donc qu'il faudrait un partage d'expérience sur cette question malgré les divergences politiques. 


Les incendies de sources inconnues et éboulements de terre dues aux inondations frappent la province du Sud-Kivu. Pour y remédier, l'Assemblée provinciale a institué une commission d'enquête sur les causes des catastrophes naturelles. A quoi faudrait-il s’attendre ?


Mwimba Gabriela :  la province du Sud Kivu est confrontée à un sérieux problème d'aménagement. La ville de Bukavu en est l'illustration parfaite. Les habitations sont construites en violation des règles relatives à l'urbanisation. La construction sur des sites inappropriés, l'absence d'infrastructures de canalisations des eaux usées et de pluies provoquent des éboulements et inondations. J'exhorte la commission mise en place à mener un travail sans complaisance en posant un diagnostic basé sur une analyse rigoureuse des éléments qui entourent ces catastrophes. Et surtout il faut songer à l'extension de la ville de Bukavu. 


La Cour constitutionnelle s'est déclarée à nouveau compétente pour juger l'ancien Premier Ministre Matata Ponyo dans l'affaire Bukanga Lonzo. Quelle est votre lecture de cette annonce ? 


Mwimba Gabriela :  hier incompétente et aujourd'hui compétente. Ce jeu judiciaire auquel nous assistons s'il n'est pas au service de la politique en vue d'écarter des candidats "gênants" aux présidentielles prochaines, il a l'avantage d'instituer une paralysie en terme jurisprudentiel.

Plusieurs sources indiquent que le mystérieux tirage au sort intervenu à la Cour constitutionnelle cette année visait à écarter son ancien président pour s'être montré très indépendant dans la gestion du dossier Bukanga Lonzo.

Après une nouvelle composition de cette haute juridiction, on assiste à ce revirement. Le revirement n'est pas impossible en droit mais il doit être basé sur des éléments solides. Je pense que sur le fond, il faudra attendre de lire l'arrêt pour analyser sa motivation. Mais sur la forme, il y a quand même lieu de constater que la manière dont la Cour constitutionnelle a été saisie n'est pas conforme au droit. La Cour de cassation n'est pas habilitée à lui demander l'interprétation de la Constitution. La Cour constitutionnelle devrait se limiter à déclarer cette requête irrecevable et ne pas statuer sur le fond. 


J'espère aussi qu'il y aura des juges courageux qui feront des opinions individuelles comme leur loi organique les autorise à le faire pour critiquer cette décision. Sinon, il y aura un sérieux problème de personnalité dans le chef de nos juges. En effet, il y a encore plus ou moins 6 juges sur ceux qui avaient pris la première décision en 2021 comment expliquent-ils aujourd'hui de revenir sur leur ancienne position ? 


Le ministre chargé de la Fonction publique vient de nommer des nouveaux secrétaires généraux. Il en ressort que cinq sont des femmes sur un total de 54. Quel est votre point de vue à ce sujet ? 


Mwimba Gabriela :  cette mise en place est un indice que la représentativité des femmes dans les institutions a encore un long chemin à parcourir. On a beau avoir l'article 14 de la Constitution, la loi de 2015 sur les modalités de la mise en œuvre de la parité et récemment la loi électorale qui a incité les partis à aligner les femmes sur leurs listes, il faut une réelle volonté politique pour accorder aux femmes de la place. Cette volonté doit se traduire par des politiques publiques qui permettent aux femmes d'être compétitives face aux hommes. Car, cette mise en place est consécutive au concours qui a eu lieu en 2018. Et dans un concours, c'est la méritocratie. Mais il est aussi possible que l'Etat institue des quotas. Ce qui permettrait de réduire l'écart entre les hommes et les femmes dans les institutions. 


Au niveau continental, sept États d'Afrique de l'Ouest ont entamé des discussions en vue d'accroître leur coopération dans la lutte contre les violences djihadistes du Sahel. Quelle analyse faites-vous sur cette question ?


Mwimba Gabriela :  cette nouvelle coopération serait-elle un échec du G5 Sahel ? La question reste posée. Tout de même, toute initiative tendant à contenir et à étouffer la menace djihadiste est à saluer. Mais la question de l'immixtion des pays européens dans les affaires sécuritaires du continent africain sans qu'une solution durable ne soit trouvée remet en question l'efficacité de cette initiative.  


Concernant la COP 27, l'Union Européenne a annoncé qu'elle va réhausser ses engagements en faveur du climat. Cela coïncide avec les réclamations des pays en développement. Que représente cette réponse pour vous ? 


Mwimba Gabriela :  ce n'est que normal en vertu du principe pollueur-payeur. La responsabilité première de réduction des émissions des gaz à effet de serre revient aux plus grands pollueurs. L'UE occupe la troisième place mondiale après la Chine et les Etats-Unis, des pays dont les économies contribuent à la dégradation du climat. 


Les pays en développement sont malheureusement les principales victimes de l'insouciance et de l'inconscience écologique de certains Etats. Cette ambition rehaussée est un grand pas vers la justice climatique. C'est aussi à juste titre qu'elle s'engage à appuyer les États en développement. 


Un dernier mot ?


Mwimba Gabriela :  le peuple congolais doit se mobiliser autour des institutions du pays et des forces armées de la République pour protéger l'intégrité du pays. Je soutiens l'appel lancé par le Chef de l’Etat pour la vigilance et la mobilisation dans le respect des différences tribales et communautaires. Car effectivement, nous devons éviter de faire le jeu de l'ennemi qui veut avoir un prétexte en nous dressant les uns contre les autres. C'est à nous d'écrire l'histoire de cette Nation. 

 Pour les échéances électorales qui approchent, j'exhorte les femmes à affûter leurs armes afin de se présenter en nombre considérable. Il est possible que les hautes fonctions dans ce pays soient exercées par des femmes.

Propos recueillis par Prisca Lokale