RDC : l’actualité de la semaine vue par Zawadi Mangolopa

Photo/ Droits tiers
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De la motion de défiance contre le ministre Cherubin Okende à une nouvelle attaque du M23 en passant par la nomination d’une Première ministre en Italie, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité.  Depuis la ville de Butembo, Zawadi Mangolopa Kavira passe au crible ces faits marquants. 

Bonjour Madame Zawadi Mangolopa et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Zawadi Mangolopa : Je suis Zawadi Mangolopa Kavira, présidente de la fédération des femmes protestantes dans la ville de Butembo. Nous accompagnons les femmes vulnérables, les jeunes dans le développement basé sur leurs talents et les encourageons dans l'autonomisation. Je suis également fondatrice d’une ONG éponyme. J’ai été candidate aux élections de 2018 à Butembo (au Nord-Kivu). Je suis également coordonnatrice provinciale de la Dynamique Nationale des femmes candidates de la RDC (DYNAFEC). 

La semaine a été marquée par les débats autour de la motion de défiance visant Chérubin Okende, le ministre des transports, voies de communication et désenclavement. L’Assemblée a finalement rejeté cette pétition et le ministre garde son fauteuil. Quel est votre point de vue sur cette décision ? 

Zawadi Mangolopa : nos félicitations d'abord à l'Assemblée nationale du fait que les députés ont songé à faire l'équilibre social plutôt que de faire la chasse à l'homme. C’était une question de tendances politiques. Etant donné que Moïse Katumbi, le leader politique du parti Ensemble pour la République, ne s’affiche plus clairement en faveur de l’Union sacrée, les pétitionnaires ont voulu que le ministre soit retiré au sein du gouvernement. Je félicite donc l’Assemblée nationale qui a maintenu l’équilibre politique au sein du gouvernement. La population qui suit également les évènements peut à nouveau placer sa confiance en nos élus.    

Au cours d’un tête-à-tête, le Chef de l’Etat a demandé au Roi Charles III « d’user de son influence au sein du Commonwealth et auprès du Rwanda en particulier pour faire cesser les actions de déstabilisation à l'Est de la RDC ». Que pensez-vous de cette demande ? 

Zawadi Mangolopa : même si je ne suis pas son porte-parole, je peux en déduire que le Chef de l'État est de manière permanente à la recherche de la paix. Il le fait à tout prix et non pas à n'importe quel prix. C’est-à-dire qu’il a investi dans les mixages, les accords, pour que la paix soit rétablie dans les zones en proie aux conflits, actuellement il utilise d’autres mécanismes, notamment la médiation. 

Le lendemain de cette rencontre, des positions de l'armée ont été attaquées par des rebelles du M23 (mouvement soutenu par le Rwanda) près du pont Rwanguba à Rutshuru. Quelle analyse faites-vous de ce regain de tension?

Zawadi Mangolopa : je pense que les M23, en tant que terroristes, quand ils apprennent que le Chef de l’Etat fait des nouvelles mises en place au sein de l’Armée nationale, ils sont déstabilisés. Ils comprennent qu’une nouvelle force vient d’être ajoutée et ils font ce qui est en leur pouvoir pour déséquilibrer cette force avant qu’elle ne soit déployée. Et donc,

- ils ont peur de la force de l'armée loyaliste, ils attaquent

-ils veulent faire pression pour que le gouvernement congolais les appelle à la négociation, ils attaquent parce que si la nouvelle équipe est forte, ils ne pourront plus être invités aux négociations. 

En ce qui concerne les tensions communautaires à Kwamouth, dans son rapport le cardinal Fridolin Ambongo, a recommandé au gouvernement de clarifier la notion de “chef de terre” et celle des “redevances coutumières”. En quoi cette proposition peut être pertinente selon vous ? 

Zawadi Mangolopa : effectivement la notion de la redevance est une question qui a toujours été prise avec beaucoup de légèreté. A Butembo, la redevance coutumière est annuelle. Si vous dépassez cinq ans sans la verser au chef terrien, ce dernier a le droit de ré affecter la terre à une autre personne. La terre n'est pas à vendre réellement. Ce n'est pas que parce que vous avez occupé un espace pendant cent ans qu’il vous appartient. C'est ce que nous avons vécu avec le phénomène Hutu-Nande au sud du territoire de Lubero. Les hutu vassaux qui sont rentrés au Rwanda depuis les années 90 sont revenus sous prétexte de reprendre leurs terres après plus de 25 ans sans verser la redevance. Alors que les terres étaient déjà ré attribuées. Cela a également causé des troubles en 2016. Les populations Yaka devraient respecter les textes et la paix va revenir dans cette partie du pays.

Le ministre de l'Enseignement Supérieur et Universitaire (ESU) a lancé jeudi la bibliothèque numérique avec accès gratuit pour les étudiants et  les professeurs. Cette gratuité est conditionnée par l'achat d'une sim Airtel Academia. Qu'en pensez-vous ?

Zawadi Mangolopa : c’est une initiative que j’encourage et je félicite le ministre. Je pense que le projet pourra être accessible dans les milieux sécurisés. A l’Est, la plupart des étudiants se trouvent dans les milieux non-sécurisés. Et aller à la recherche de cette sim ne leur sera pas favorable. Il faut songer à toutes ces populations et pouvoir mettre en place des solutions auxquelles elles peuvent s’adapter. La paix est primordiale. 

En justice, les cadres de la société civile plaident pour la suppression définitive de l’infraction offense au chef de l’Etat. Il y a quelques jours, le procureur général près la Cour de cassation avait proposé l'alourdissement des peines. Quelle suggestion soutenez-vous et pourquoi ? 

Zawadi Mangolopa : la population ne s'attaque jamais au Chef de l'État comme institution mais il arrive que la population s'adresse à un individu comme système. Je soutiens le point de vue de la société civile. 

Une enquête a démontré que 68% des femmes mariées ou en union à Kinshasa et 70% au Kongo-Central subissent des violences. Cependant, moins de 6% à Kinshasa et environ 10% au Kongo-Central indiquent rechercher de l'aide auprès de services formels. Comment briser ce cycle de violence? 

Zawadi Mangolopa : c’est une question d’ordre social. Ces enquêtes révèlent les problèmes de société, notamment le lourd fardeau, le regard que porte la société à l’égard d’une femme battue. Je pense qu’il faut aussi déterminer les failles au niveau de la justice et pouvoir les réparer pour que plus de femmes aient le courage de dénoncer. Il faut également étudier ces cas de manière particulière pour déterminer la prise en charge que nécessite une violence dans le couple. 

Au Tchad, une cinquantaine de personnes ont été tuées lors d'affrontements opposant police et manifestants après l'appel de l'opposition contre la prolongation de la transition (deux ans) par le pouvoir du président Mahamat Idriss Déby. Votre avis à ce sujet ?  

Zawadi Mangolopa : prolonger un mandat présidentiel asphyxie la population. Lorsque cette dernière se sent étouffée, elle va user de tous les moyens pour se libérer. Les droits de la population doivent être respectés, notamment en matière de vote.  

Giorgia Meloni a été nommée Première ministre en Italie. Elle devient ainsi la première femme appelée à cette fonction dans l'histoire de son pays. Que représente cela pour vous ? 

Zawadi Mangolopa : Félicitations d'abord au peuple Italien pour cette promotion du genre. Cela représente pour nous une grande avancée dans la promotion de la femme chose que nous souhaitons dans notre pays et par cette occasion nous félicitons la réforme de la loi électorale qui encourage les femmes à postuler pour participer à la gouvernance du pays. Nous appelons aussi les femmes à s’engager massivement pour faire avancer l’agenda genre et RDC et pour contribuer au développement du pays aux côtés des hommes.  

Propos recueillis par Prisca Lokale