Confidences du chauffeur du Ministre :
… Conférence-choc de mon patron le Ministre d’Etat des Questions Statistiques et Tactiques, en sa résidence. Tout son cabinet ministériel est là, tout-yeux et tout-oreilles, comme on dit. Le Directeur de cabinet, son « Dircab », est sur ses gardes derrière le patron, le stylo fébrile pointé sur un bloc-notes à moitié rempli avant même la conférence. Objet de la conférence : l’état actuel des affaires de l’Etat et du Ministre d’Etat :
« Ministre : Bienvenue à tous les amis journalistes présents. Chez nous on dit : « Si le hibou hulule la nuit sur votre toit, prévenez votre voisin, au réveil. Chez nous, on dit également : « Etre prévoyant c’est vérifier au seuil de sa porte chaque matin au réveil, si votre propre cadavre ne vous y attend pas ! » Voilà, chers journalistes ; cette conférence est un message d’alerte et de mise en garde. »
Journaliste I : Merci Excellence. Nous irons droit au but : vous venez d’échapper de justesse à une motion de défiance au Parlement. Des parlementaires se plaignent de votre gestion : arrogance des wewas – motos, indélicatesse abjecte des ketches-taxis, concerts tonitruants des sirènes VIP le long des boulevards et même des ruelles. Des saute- mouton dans les encaquements. Tension artérielle généralisée dans la population d’en-bas pour stress sans limite ; et tension salariale disproportionnée de haut en bas. Mais aussi panier de la ménagère rabougri. Mais aussi nuisances sonores polluantes des pasteurs à côté des écoles et des hôpitaux…
Ministre : … ça va, ça va, j’ai compris. S’agissant de la motion de censure, je dis comme on dit chez nous : « le serpent qui mange sa propre queue a des troubles de comportement ». Chez nous, on dit aussi : « l’arbre touché par la foudre ne craint plus les intimidations des tornades ! » S’agissant de la crise socio-économique, chez nous, on dit : « A vrai dire nous sommes tous dans le même système de l’enfer, ça crame de partout, mais aucun d’entre nous n’est brûlé ».
Journaliste II : Excellence, nous avons tous, journalistes et vous hommes politiques, l’habitude de nous attarder sur la crise et les violences à l’Est du pays comme si ça en avait le monopole ; les tragiques massacres de l’Ouest du pays, notamment à Kwamouth, nous ont dessillé les yeux sur les réalités et les vérités de l’Ouest. Quel est votre sentiment ?
Ministre : Chez nous on dit : « On n’a qu’un seul corps ; on ne vit qu’une seule fois. Un doigt blessé met tout le corps à plat. Soigner le doigt c’est soigner tout le corps. La maladie est l’alerte de la mort ; le cri du hibou »…
Journaliste III : Excellence, à l’Est c’est la guerre de convoitise et d’hégémonie. Qu’en est-il à l’Ouest ?
Ministre : A l’Est comme à l’Ouest, toutes proportions territoriales gardées, il s’agit de convoitise. Chez nous on dit : « les terres du voisin, les femmes du voisin, les bananes du voisin sont toujours les meilleures. » …
Journaliste IV: Excellence, il y a toujours cette pandémie récurrente des rébellions chroniques. Comment faire pour arrêter ça ?
Ministre : Rébellions ? Quelles rébellions ? Chez nous on dit : « l’enfant dans la famille qui pleure à chaudes larmes et casse fait une sorte de requête ; lui se rebelle à sa façon et à sa mesure, éventuellement contre le règlement intérieur; mais l’enfant d’à-côté, de loin d’à-côté, enfant d’à-côté envieux qui, profitant de la nuit et de la distraction des parents, entre par effraction chez autrui, drogue les filles de la maisonnée, les viole et cambriole les bijoux, cet enfant-là est enfant du Mal, enfant- sorcier …
Journaliste V : Excellence, que faire pour sortir de l’ornière, sortir de tous ces encaquements, comme disent les Kinois ?
Ministre : Je recommande, comme nos ancêtres, la philosophie du Léopard. C’est en fait le Léopard le roi de la forêt : primo, il fait terriblement confiance à son flair, à son intuition, à sa formidable force intérieure; secundo, il chasse en meute, en stratégie militarisée ; tertio, il a le sens du sacrifice »…
(YOKA lye)
12-10-2022