Le président de l'UA ambitionne de placer l'Afrique au centre de l'échiquier mondial

Macky Sall, président du Sénégal
Macky Sall, président du Sénégal

Le président sénégalais et président de l'Union africaine (UA), Macky Sall, a serré la main d'un Vladimir Poutine souriant avant de s'asseoir  pour discuter avec lui de la guerre en Ukraine.

Cette scène, vendredi à Sotchi au 100e jour de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a marqué un pas significatif dans les efforts de M. Sall pour renforcer la position politique mondiale de l'Afrique.

"Une grande partie de l'humanité est très attentive à ce qui se passe" en Ukraine, a déclaré Macky Sall, évoquant la nécessité de libérer les stocks de céréales et d'engrais. 

"Je suis venu vous voir pour vous demander de prendre conscience que nos pays, bien qu'éloignés du théâtre (de la guerre), sont victimes de cette crise sur le plan économique", a-t-il dit.

Quatre mois après le début de son mandat d'un an à la présidence de l'UA, cette mission diplomatique n'est qu'une des initiatives ambitieuses que le dirigeant sénégalais a lancées sur la scène internationale. 

Il a également appelé à l'octroi de deux sièges africains permanents au Conseil de sécurité de l'ONU, plaidé pour que l'UA rejoigne le G20 et exigé une réforme de l'OCDE pour allonger la durée des prêts aux pays africains.

M. Sall exerce "un bon leadership pour s'assurer que la voix du continent africain est entendue", a déclaré Alioune Tine, fondateur du centre de réflexion Afrikajom Center à Dakar.

La mission de M. Sall en Europe est "sans précédent", selon lui. "Ce sont normalement les Européens qui s'impliquent dans les guerres africaines. Maintenant, si les Africains font de la médiation, c'est une excellente chose".

Une douzaine de pays africains, dont le Sénégal, dépendent de la Russie et de l'Ukraine pour au moins la moitié de leurs importations de blé, selon la FAO. 

Plusieurs pays africains ressentent les effets combinés du retard des exportations de céréales et de la hausse des prix du carburant.
Lors d'une récente conférence de presse avec le chancelier allemand Olaf Scholz, M. Sall a déclaré que les pays africains étaient "profondément divisés" sur le conflit ukrainien. Il a réitéré des appels pour un cessez-le-feu. 

"Nous voulons la paix même si nous condamnons l'invasion (russe), a-t-il dit, bien qu'il se soit lui-même montré réticent à condamner clairement l'agression russe.

Le Sénégal s'est abstenu le 2 mars lors d'un vote de l'Assemblée générale de l'ONU pour exiger "que la Russie cesse immédiatement de recourir à l'usage de la force contre l'Ukraine". 

Le pays a ensuite voté pour une deuxième résolution le 24 mars exigeant que la Russie arrête la guerre immédiatement. 

Près de la moitié des pays africains se sont abstenus ou n'ont pas voté lors des deux votes.

La Russie a fait des percées en Afrique par le biais d'alliances militaires et de contrats d'armement. 

En 2019, le président russe Vladimir Poutine a accueilli des dizaines de dirigeants africains à Sotchi dans le but de réaffirmer l'influence de la Russie sur le continent.

M. Sall, qui avait été invité vendredi par la Russie, s'est également entretenu par téléphone avec M. Poutine le 9 mars. Le 11 avril, il a eu un entretien téléphonique avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

L'UA doit organiser une allocution vidéo avec M. Zelensky après la rencontre Sall-Poutine.

- "Tout faire en même temps" -
Samedi, M. Sall doit participer à un sommet de la Cédéao à Accra.

Il a également été invité au prochain sommet du G7 en Allemagne. 

"Les objectifs du président Sall sont assez ambitieux (...) mais il ne peut pas réformer l'ONU, le G20 et l'OCDE en six mois", a déclaré Ibrahim Nyei, un chercheur basé au Liberia. 

Dans un discours récent devant de jeunes dirigeants africains, M. Sall a déclaré vouloir deux sièges africains permanents au Conseil de sécurité - ou une réforme des règles afin qu'un seul pays ne puisse pas opposer son veto aux décisions. Il a estimé que les questions africaines représentent 70% des affaires du Conseil.

L'Afrique qui compte "plus d'un milliard" d'habitants "doit avoir son mot à dire", a estimé Mbaye Babacar Diop, consultant basé à Dakar. 

Entretenant des liens étroits avec la France et les Etats-Unis, ainsi que des relations avec la Chine, Israël, l'Iran et l'Arabie saoudite, le Sénégal entretient une des diplomaties les plus dynamiques d'Afrique. 

Mais le Sénégal a connu des crises intérieures au cours des quatre mois depuis qu'il a pris les rênes de l'UA. 

La semaine dernière, un incendie dans un hôpital de la ville de Tivaouane a tué 11 nouveau-nés, forçant M. Sall à écourter sa présence à un sommet africain pour rentrer.

Ses opposants redoutent qu'il n'exploite les changements constitutionnels approuvés en 2016 pour faire valoir qu'une limitation à deux mandats présidentiels ne s'applique pas et briguer un troisième mandat en 2024.

Ces craintes ont contribué à la colère exprimée lors de manifestations en mars 2021, les pires depuis des années. M. Sall a déclaré qu'il annoncerait sa décision après les législatives de juillet. 

Macky Sall "ne doit pas négliger les problèmes sénégalais, il ne doit pas négliger les problèmes africains, il ne doit pas négliger les problèmes mondiaux, il doit tout faire en même temps", a déclaré M. Diop.

AFP avec ACTUALITE.CD