Le débat autour de la dépigmentation prend de plus en plus de place à Kinshasa. Des crèmes éclaircissantes sont à la fois produits localement ou importés, mais surtout vendus à bon marché. Pourquoi recourir à ces pratiques ? Des femmes et jeunes filles kinoises livrent leurs points de vue sur la question.
« Eza ki lelo » (c'est la tendance actuelle), s’exclame Benedicte Muta, une coiffeuse au marché central de Kinshasa. Arborant un teint clair, elle estime que le fait d’utiliser différents produits éclaircissants font la mode.
« Ça fait trois mois que j’ai commencé à bien prendre soin de ma peau. Je suis naturellement de teint clair, mais il faut maintenir l’éclat, garder sa peau toujours fraîche et propre. C’est cela la tendance actuelle (…) Il peut y avoir des risques. Ne vous inquiétez pas, je prends mes précautions », confie-t-elle en esquissant un sourire.
Il y a encore six mois, Dalida Ntumba avait un teint foncé. En suivant les recommandations d'un vendeur de cosmétiques sur Rwakadingi à Kinshasa, sa peau a progressivement changé de couleur.
« J’achète tous mes produits ici. Mon teint est devenu plus clair et je ne vois pas d’inconvénients depuis 6 mois. Vous pouvez observer mon visage et mes doigts, il n’y a pas de taches brunes. C’est la preuve que j’utilise de bons produits. Ils sont sans danger » confie la jeune fille.
Dans le même magasin, Sarah Basongo dépense environ 40 $ par mois pour les soins de sa peau.
« Il n'y a pas de raison particulière qui me pousse à opter pour des produits éclaircissants. C’est juste que cela me plait. Et quand j’ai des brûlures, les vendeurs me recommandent d’autres produits. Par mois, je dépense au moins 70.000 francs (+ ou - 35 $) pour le lait de beauté, le gel de douche, la crème faciale, le savon, les vitamines C et autres produits. Je ne suis pas une cliente de ce magasin. L’adresse m’a été recommandée, car il n’y a plus de stock auprès de mon fournisseur », a-t-elle affirmé.
Les hommes, l’acculturation, les modèles de société
Si les trois précédentes interviewées n’ont pas clairement donné une raison pour expliquer leur choix, les avis de Célestine, Aimérance et Anne-Marie pointent trois causes principales.
« A Kinshasa, il faut soit être de teint clair, soit avoir des rondeurs pour attirer les regards. Il y a quelques jours, j’ai vu sur internet l’intervention d’une star congolaise au sujet de cette question. Elle n’a pas eu tort de dire que la société ne favorise pas beaucoup ceux qui conservent leur couleur d’origine. Les personnalités, les stars, les musiciens, les danseuses, les comédiens, tous changent la couleur de leurs peaux », regrette Célestine Mtetezi, devant son étalage de chaussures.
Pour Aimerance Kuediatuka, sexagénaire et responsable d’un dépôt pharmaceutique, les hommes seraient à la base de ces options. « Parfois, ce sont juste les hommes qui poussent leurs compagnes à recourir à ces pratiques. Si l’achat de ces produits est financé par le partenaire d’une femme, si celui-ci la convainc de le faire pour ressembler aux autres femmes que l’on voit sur nos petits écrans, on ne doit pas être surpris de voir cette femme changer également de point de vue », explique-t-elle.
« Nous sommes à une époque où chacun est fier de ses origines. Sur les réseaux sociaux, on voit comment les publicités, les affiches, les visuels, les campagnes de communication font en sorte d’intégrer le plus de catégories possibles. Pour moi, il n'y a aucune raison qui puisse pousser une personne à blanchir sa peau. Nous avons dépassé l’âge de l’acculturation. On est noir et fier de l’être », estime Anne-Marie Mateleka, agent dans une entreprise publique.
Prisca Lokale