De nombreux projets sont lancés à Kinshasa depuis plus de 10 ans, axés essentiellement sur la salubrité. Parau, Pauk, Kin-Propre, Kin-Bopeto, Kintoko, chaque initiative veut redorer l'image de la capitale congolaise. Cependant, les résultats peinent à arriver. Dans cet entretien qu'elle nous a accordé, Mamie Alice Okoko décrit la situation et propose des solutions pérennes.
Bonjour Madame Marie-Alice Okoko. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Marie-Alice Okoko : Je suis géographe appliquée à la pédagogie depuis plus de 10 ans. Au département de géographie et gestion de l’environnement de l’ISP/Gombe, je suis secrétaire chargée de l’enseignement. Je suis également chef des travaux.
Quel est le principal défi lié à l’environnement à Kinshasa? Comment y pallier ?
Mamie-Alice Okoko : le premier défi lié à l'environnement à Kinshasa est la lutte contre l'insalubrité. Pour vaincre ce problème, il faut quatre solutions. Premièrement, une prise en charge personnelle des congolais. Il y a quelques années, l'Union européenne avait lancé le Projet PAUK, qui avait accouché des différents points de stockage des déchets à Kinshasa. Le ramassage des déchets se faisait régulièrement et le centre d'enfouissement technique se chargeait de la gestion. Qu’est devenu ce projet après le départ du partenaire ? Au vu de ce premier constat, je préconise que la gestion des déchets soit organisée de manière personnelle par l'Etat congolais. Il faut aussi mettre en place des méthodes de suivi et d'évacuation. Kinshasa avait instauré les opérations "Kin-propre", "samedi salongo". Chaque parcelle devrait avoir l'habitude de rendre propre son milieu et gérer sa poubelle. Mais il n'y a pas d'endroits pour évacuer ces poubelles. Troisièmement, il faut investir dans ce secteur. Les dirigeants au niveau local, les chefs des quartiers, des rues, des communes doivent songer à une méthode d'autofinancement de la salubrité, notamment par le paiement des taxes. Ne pas s'attendre à ce que seul le gouvernement organise ce secteur. Il faut aussi un programme d'éducation mésologique (science ayant pour objet l'étude des réactions réciproques de l'organisme et du milieu, NdlR) de la population à la salubrité et la protection de l'environnement. Cela permettra une sensibilisation de la population et l'auto-prise en charge des déchets.
Pourquoi les solutions envisagées et mises en place par le gouvernement ne fournissent pas des résultats probants?
Mamie-Alice Okoko : Il faut une éducation à la salubrité dès l'école maternelle. Parmi les raisons qui font échouer les nombreux projets liés à l’environnement à Kinshasa, il y a notamment le manque d’appropriation de la part de la population. La planification en matière environnementale consiste en une participation active de la population dans tous les projets. Lorsqu'un projet doit être mis en place, il faut que la population soit prise en compte en amont. Elle fera la gardienne et le suivi de toutes les étapes. « Kintoko » est un bon projet. Mais il faut aussi une usine de transformation des déchets biodégradables, recyclables. La campagne Kin Bopeto doit intégrer mêmes les milieux périphériques de Kinshasa.
Le thème du mois de mars en RDC a placé un focus sur la gestion des catastrophes naturelles, comment s'y prendre ?
Mamie-Alice Okoko : pour une meilleure gestion des catastrophes, il faut des mesures préventives. La construction des bâtiments sur des terrains marécageux aura toujours pour conséquence dans le temps, les inondations. C’est là qu’il faudra gérer la catastrophe. Ce n’est pas la meilleure façon d’agir. Nous constatons qu’en RDC, il y a une absence de politique d'urbanisation. Les gens construisent où ils veulent. Il y a absence de l'autorité de l'Etat. Le drame de Matadi Kibala est un exemple éloquent de ces catastrophes.
Comment les femmes devraient-elles participer à cette lutte depuis leurs ménages ?
Mamie-Alice Okoko : Il y a un adage dans le secteur de l'environnement qui dit « Pensez globalement, agir localement ». Les problèmes environnementaux sont généralement globaux. Les grands pollueurs sont la Chine et les États-Unis. Les États en sous-développement comme la RDC subissent les impacts. Mais les stratégies sont élaborées au niveau local. Il faut que les femmes soient sensibilisées à cette lutte. Les ménagères notamment, qui ont été à l'école au moment où les problèmes environnementaux n'étaient pas d'actualité, ne sauront jamais quel acte poser. Sensibilisées, elles portent ce combat dans leurs communautés.
Prisca Lokale