Princesse Watuwila et Jovita Songwa ont récemment remporté le prix Rfi Talent du rire 2020. De Bruxelles à Abidjan, en passant par le Maroc ou encore le Congo Brazzaville, cela va faire quatre ans que le duo exercent avec passion son talent d'humoriste. Entretien
« Ce prix est une récompense pour les nombreuses années de travail, les nuits blanches, les longues séances de répétions, les disputes mais aussi du soutien mutuel», s’exclament les deux jeunes femmes. Et d’ajouter, « C'est en même temps une marque de respect envers le travail que nous réalisons, nous sommes très honorés d'avoir été proclamés vainqueurs. C’est un rêve qui s’est réalisé »,
En 2015, chacune d’elles évolue en solo. Alors étudiante à l’Institut national des arts (INA), Princesse Watuwila va participer à une formation sur l'écriture humoristique. La même année, Jovita Songwa, s’est également inscrite à l’INA. Elle évolue déjà en tant que directrice artistique de Sunday Comedy, une structure humoristique. Mais très vite, le destin va se charger d’unir ces deux talents.
En décembre, invitées par le même ami, Princesse se produit en solo au cours d'une soirée. Jovita Songwa aussi.
« Princesse était en troisième année de graduat et moi en première année. Des gens n’arrêtaient pas de me dire qu’une autre étudiante avait le même timbre de la voix et la même gestuelle que moi. Quand nous nous sommes rencontrées pour la première fois, Princesse a promis de me présenter à Ronsia Kukiel », raconte Jovita Songwa. Chose qui a été faite. Sous son initiative, elles vont se constituer en un duo.
« Notre première apparition en duo a eu lieu en Mars 2016. On peut dire que à ce jour que Nyota a 4 ans», dit Princesse Watuwila.
« Il y a eu des moments où chacune voulait affirmer son ego »
Au début, l’adaptation n’est pas facile pour les deux jeunes femmes. Elles doivent abandonner leurs rêves en solo, pour se fixer des ambitions en duo. S'en suivent des moments de disputes, d’incompréhensions, et surtout l’envie de renoncer.
« Nous étions un nouveau couple. Chacun a son caractère, sa façon de voir les choses, ses habitudes et son éducation. Ce n'était pas facile de mixer nos tempéraments. Parfois, nos humeurs ne concordaient pas, on avait envie d'abandonner», affirme Princesse Watuwila.
Et d’ajouter:
« Je n’étais pas très motivée à l’idée de faire un duo parce que j’évoluais déjà toute seule. Il fallait abandonner ce rêve pour m’associer à une autre personne. Il y avait des moments où chacune voulait affirmer son ego ».
Mais grâce aux conseils des ainés et au travail, elles vont poursuivre leur rêve.
« Nous aimons ce que nous faisons, nous sommes des bosseuses. Les ainés ont parlé, ils nous ont prodigué des conseils et nous nous sommes remises au travail », dit Princesse Watuwila
Des points communs pour les aider à raffermir des liens
« Nous avons beaucoup de choses en commun. Nous aimons la couleur bleue, nous avons même des aliments que nous ne mangeons pas, nous avons acquis au fil de temps une même vision des choses. », explique Princesse Watuwila. A Jovita Songwa de renchérir, « Princesse et moi, ne sommes pas conflictuelles. C'est une personne qui dit la vérité, c’est une qualité que j’apprécie. Nos réactions sur scène sont parfois naturelles, spontanées. Nous avons appris à nous connaitre ».
« Mais nous avons des gestes très affectueux. Par exemple, lorsque nous stressons avant de monter sur une scène, avant chaque prestation, on se sert la main et on se fait un gros câlin qui dure quelques minutes. On se dit l’une dit à l'autre ; "Bon courage à toi ou Fais-le bien », confient-elles.
Face aux moments d’incompréhension, elles ont choisi l’entente, le pardon et la prière.
« Il nous arrive aussi de connaître des moments d'incompréhension, de ne pas être d'accord sur un point, de nous chamailler, d'être fâchée l'une contre l'autre, mais plus nous évoluons ensemble, plus nous apprenons à mieux nous connaître. A chaque fois que ce genre de moment arrive, le travail prend le dessus. Surtout lorsque nous préparons un spectacle. Nous sommes comme des jumelles et nous devons l'être même sur la scène. Nous privilégions l'entente, le pardon et même la prière pour passer à autre chose après une dispute », rassurent-elles.
Le travail, la synchronisation des mouvements, deux critères qui ont contribué à leur réussite
Princesse Watuwila et Jovita Songwa recevront officiellement leur prix en février 2021, dans le cadre du festival Abidjan Capitale du Rire. Elles estiment que le travail et la synchronisation de leurs mouvements sont les éléments qui ont séduit le jury.
« Je suppose que nous avons remporté ce prix notamment par ce que nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur notre carrière, notre duo. Je pense que notre travail a prouvé que nous méritions ce prix. Les membres du jury ont sûrement suivi notre parcours avant de nous dédier ce prix », dit Princesse Watuwila
Et à Jovita Songwa d'estimer:
« On ne connaissait même pas les membres du jury pour cette compétition. Nous nous sommes juste dit que l’on devait tenter notre chance. C’est lorsque la liste des 10 nominés a été publiée que nous avons reconnu Gohou Michel. Je pense que la synchronisation des mouvements, des paroles et le fait que nous soyons jeunes sont parmi les choses qui nous ont fait remporter ce prix »,
Après le prix, quelles autres ambitions?
« Nous voulons encourager la gente féminine à intégrer le secteur de l’humour et surtout à ne pas négliger leurs talents. Ce prix Rfi Talent du Rire a été remporté pour la première fois par des femmes, les Nyota. Nous voulons faire parler des Nyota partout dans le monde. Nous voulons également encourager les parents à reconnaitre les talents humoristiques de leurs enfants et à les envoyer à l’INA, si ces derniers consentent d’y aller », dit Jovita Songwa.
« Les Nyota », plus qu’un pseudonyme, une initiative de Ronsia Kukiel
En 2016, alors qu'elles sont en pleine formation chez Ronsia Kukiel, les deux jeunes humoristes seront invitées à prendre part à une préparation de l'événement Toseka.
« Sur place Ronsia nous propose de prester devant ceux qui étaient présents. L’objectif était d’avoir des critiques et suggestions », se rappelle Princesse Watuwila. Et d'ajouter « nous nous sommes produits devant le directeur du festival, monsieur Ados Ndombasi. Le duo avait ébloui le directeur qui finalement nous a retenu pour un spectacle. C'est de là que tout est parti. »
« Ronsia Kukiel est le fondateur de notre duo. Il nous a prodigué des conseils, nous à appris le travail, l’entente et la culture de l'effort. Nyota signifie étoile en Swahili. Cette appellation nous vient de Ronsia Kukiel. Je vous appelle les Nyota parce que vous êtes mes étoiles, nous disait-il », ajoute Jovita Songwa
En outre, Jovita Songwa a fait une pré-licence en Organisation des manifestations culturelles et une licence en Interprétation dramatique à l’INA. Elle a terminé son cursus académique en décembre. Elle a également joué au théâtre et participé à de nombreux festivals en Afrique et en Europe. Princesse Watuwila est détentrice d’un diplôme de graduat en Art dramatique à l’INA en 2015.
Prisca Lokale