Covid-19 : impact du confinement sur la hausse des violences domestiques

Covid-19 :  impact du confinement sur la hausse des violences conjugales

A travers une interview accordée au Desk Femme d’Actualite.cd, le Dr. Ally Ndjukendi, neuropsychiatre au Centre Neuro-Psycho Pathologique (CNPP)  explique les différents effets du confinement sur le quotidien des Congolais.

Bonjour Docteur. L’Onu femme, la première dame de la RDC et des associations de femmes dénoncent l’augmentation des cas de violences domestiques durant cette période de confinement. En tant que neuro psychiatre, comment expliquez-vous ce phénomène ?

Dr Ally Ndjukendi : le confinement est une circonstance qui vient réveiller un état préexistant. S’il y a violence dans les ménages aujourd’hui, cela revient à dire qu'elle existait déjà et qu'elle était cachée ou camouflée par l'absence de l'homme à la maison. A cela s’ajoute la présence permanente. La situation peut encore s'aggraver si l’on a un enfant en situation difficile ou d'inadaptation psychosociale. C’est-à-dire un enfant hyperactif, autiste ou un adolescent qui abuse des substances psychoactives (drogues ; tabac, chanvre, ou de l’alcool). Il y a enfin le manque d’argent durant le confinement, le fait de ne pas être en mesure de satisfaire les besoins quotidiens de sa famille.

Quelle prise en charge peut-on proposer aux individus qui se montrent agressifs pendant cette période ?

Dr Ally Ndjukendi : s'il s'agit d'un comportement qui a toujours existé, il faut une bonne lecture ou analyse de la situation pour pouvoir adapter l'accompagnement psychosocial ou 

biologique. Pour les personnes qui sont agressives de par leur nature, il faut une approche conséquente.

Lire aussi : Denise Nyakeru constate que les violences faites aux femmes ont considérablement augmenté en cette période

Comment un être humain peut-il maintenir sa santé mentale et traverser une telle période ?

Dr Ally Ndjukendi : la santé mentale a trois dimensions : 

-maladie mentale ; le confinement aggrave l'agressivité surtout quand on est hyperactif. En ce moment-là, une prise en charge biologique ou médicamenteuse est de mise pour stabiliser l’individu.

- détresse psychologique ; la prise en charge va consister en un accompagnement psychologique 

- dysfonctionnement social ; mobilisation des réseaux d'intégration sociale. En d'autres termes, la prise en charge est à adapter selon le cas après une analyse minutieuse de la situation. 

Existe-t-il une catégorie de personnes qui mérite une prise en charge particulière 

Dr Ally Ndjukendi : la particularité de la prise en charge pendant l'épidémie du Covid-19 réside surtout sur le degré d'engagement de chacun dans les mesures de lutte contre la maladie. Bon nombre de congolais n'arrivent pas à se conformer aux mesures prônées par l'équipe de la riposte à cause de la conception qu’ils se font de la maladie, certains la considèrent comme  de la sorcellerie ou un complot.

Lire aussi : Covid-19 : Le FOFECEGDD alerte à propos de la hausse des violences conjugales

Quel comportement doit-on adopter pour gérer le stress, le traumatisme ou la psychose dus au coronavirus ?

Dr Ally Ndjukendi : il faut d'abord pouvoir garder son calme face à la situation. Savoir identifier et gérer ses émotions. Véhiculer la bonne information au sujet de la pandémie peut également jouer un rôle important car, la désinformation aggrave la détresse psychologique et facilite la propagation de la pandémie ainsi que le taux de mortalité élevée. Enfin, il faudrait sensibiliser la communauté face à la maladie pour qu'elle soit capable de respecter les mesures qui devront même être pérennisées après la maladie. Il faut surtout être capable de déclarer tous les cas suspects car il y a des personnes contaminées qui sont asymptomatiques.

De quelle forme d’accompagnement doivent bénéficier les victimes des violences dues au confinement ?

Dr Ally Ndjukendi : les victimes doivent être classées en deux camps. Il y a d’'un côté, celles qui présentent une prédisposition à subir la violence. Certaines victimes font partie de la catégorie des masochistes, qui préfèrent subir des sévices ou des maltraitances pendant les rapports sexuels, de telle sorte qu'elles ne pourraient trouver satisfaction que face aux conjoints sadiques. Il y a d’un autre côté, les victimes soumises, qui subissent des violences mais qui ne les dénoncent pas. Elles doivent être évaluées pour voir comment organiser l'accompagnement. Il y a aussi des victimes rebelles, qui réagissent soit par la dénonciation ou par la réplique. Elles nécessitent aussi une prise en charge particulière. 

Auriez-vous des propositions à faire auprès de l’équipe de riposte par rapport à la prise en charge des patients ? 

Dr Ally Ndjukendi : je propose, l'intégration effective des soins de santé mentale dans l'approche de prise en charge du coronavirus, pour que l'aspect éducationnel soit mis en avant. Cela doit être intégré dans tous les niveaux d'intervention et de prise en charge dans les soins de santé primaire de la communauté, du centre de santé jusqu'à l'hôpital général de référence.

Propos recueillis par Prisca Lokale