Podcast. "il faudra bien qu’un jour, on puisse éventrer le boa afin que nous partions d’un nouveau pied" (Isidore Ndaywel)

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Au Congo, chaque semaine, une polémique politicienne chasse une autre. Pour aider à mieux comprendre ce qui se joue dans le pays, il est devenu nécessaire de multiplier des espaces d’échange, au-delà de l’actualité immédiate.

Dans cette perspective, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) lance, ce lundi 17 février, le projet Masolo Ya Kati (des conversations discrètes). Un podcast qui laisse s’exprimer les voix congolaises et, surtout, interroge sur l’avenir de la République démocratique du Congo. Chaque conversation ou chaque épisode puisera son sujet dans l’un ou l’autre pilier du GEC : dynamiques des conflits, économie politique, questions politiques et institutionnelles. 

Pour le premier épisode de la saison 1 de Masolo Ya Kati, Trésor Kibangula est allé à la rencontre de l’historien Isidore Ndaywel, l’un des intellectuels les plus brillants de sa génération.

Extraits :

« Quand j’étais étudiant à l’université Lovanium, il y avait en ce moment-là l’épisode malheureux des rébellions (…). J’étais déjà fort engagé : j’avais été à Kisangani [pour] travailler dans des camps de réfugiés »

« Je n’ai été qu’organisateur des manifestations ! Je n’ai pas été dans un régime, je n’ai pas été fonctionnaire du régime (…). Et puis, je n’ai rien contre le président Kabila. La seule chose que j’ai trouvé inacceptable, c’est de ne pas organiser les élections en 2016 (…). Parce qu’il avait eu deux mandats, je n’ai jamais pu penser un seul instant qu’il essaierait, qu’il s’efforcerait d’avoir un troisième mandat »

« Vers la fin [du second mandat de Kabila], j’ai eu le regret de constater que, probablement, sans faire attention, il a un peu détruit un par un ce qu’il a fait pendant son mandat ».

« Moi, personnellement, ce que j’ai admiré dans le président Kabila, c’est quand j’ai appris tout au début qu’il avait été chauffeur en Tanzanie. C’est quelque chose qui m’a séduit ! Alors, je me suis dit : ‘Voilà au moins quelqu’un qui comprendra très bien la population.’ Je me suis même mis à rêver, parce que je pensai à Hô Chi Minh, père de la révolution vietnamienne, qui était vendeur de journaux à Paris. Je me suis dit : ‘Je crois que nous avons quelqu’un de ce gabarit, qui a commencé très bas et qui a vraiment une très belle connaissance de la vie et des hommes.’ Je ne pouvais pas imaginer qu’après, on en viendrait à entendre qu’il a des choses dans les Îles Vierges, qu’il y a des violences, … Je ne pouvais pas imaginer qu’on arriverait à ce genre de scénario »

« Au-delà des individualités, nous avons à réfléchir sur cette grande question de passage de pouvoir. Tout est lié à ça. Il faudrait que notre législation puisse suffisamment rassurer ceux qui partent. Le fait de partir, ce n’est pas quelque chose de si dramatique : lorsque quelqu’un quitte à terme échu son mandat, célébrons-le ! Donnons-lui un grand prix parce qu’il vient de poser un acte formidable. Mais ce n’est pas pour avoir essayé de 2016 à 2019 de rester au pouvoir, et se rendant compte qu’on y arrive, qu’on dise ‘non, réflexion faite, finalement, vous voyez, je pars parce que je l’ai décidé’. Non, vous n’avez pas décidé, monsieur ! C’est parce qu’il y a eu des gens qui sont morts pour cela et, finalement, vous voyez qu’il y a eu des pressions énormes à l’interne et à l’externe que vous décidez à partir. »

« Les juges de la Cour constitutionnelle ont mis gravement en danger la cohésion nationale (…). C’est depuis le mois de juin que nous avons demandé à ces messieurs de bien vouloir démissionner pour leur propre honorabilité et pour celle de la République ».

« En général, dans ce pays, sur le plan des structures, souvent, ce n’est pas si mauvais que ça. Mais on ne met jamais les animateurs qu’il faut ! »

« Il ne faut pas une prime à la médiocrité, au vol et à la corruption (…). Je me retrouve tout à fait dans la proposition faite par [Denis] Mukwege : il nous faudrait arriver à un tribunal spécial pour juger de toutes sortes de cas. Dans notre passé récent, il y a beaucoup trop de crimes, mais également de ces vols à ciel ouvert qui crient vengeance et qu’on ne peut pas laisser comme ça »

« On peut toujours dire ‘mettons une sourdine là-dessus’, mais il faudra bien qu’un jour, on puisse éventrer le boa afin que nous partions d’un nouveau pied »